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Côte d’Ivoire : Il y a plus urgent que le procès de Gbagbo

Publié le mercredi 4 mai 2011 à 03h11min

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C’est aujourd’hui même 4 mai qu’aurait dû débuter l’audition du président déchu Laurent Gbagbo. Aux dernières nouvelles, elle n’aura finalement pas lieu, du moins pas à la date indiquée : le ministre ivoirien de la Justice, ministre d’Etat et garde des Sceaux l’a laissé entendre lorsqu’il s’est rendu à Korogho, en compagnie de la délégation des « Elders » pour rencontrer l’ancien homme fort de la Côte d’Ivoire.

A en croire, monsieur Ahoussou Kouadio, la date précédemment fixée pour le début de la procédure judiciaire ne serait plus « certaine », et la raison avancée en serait que les avocats de l’ancien président ne seraient pas « disponibles ». Dont acte. On ne supputera pas longtemps sur le contenu réel de ces circonlocutions politico-diplomatiques. Le milieu a son jargon que le citoyen lambda ne comprend pas aisément. Mais on en retiendra que la procédure judiciaire devra attendre un peu. Et quelque part, ce faux départ présente du positif ; à quelque chose malheur est bon : car, pour le dire tout net, on ne voit pas vraiment où se trouve l’urgence à pousser Gbagbo et ses proches devant le juge.

En Côte d’Ivoire, à l’heure actuelle, il y a plus urgent à faire. Tout ou presque, y est à refaire : les infrastructures éprouvées par les balles et obus tirés lors des différents affrontements ; les différentes structures éducationnelles sont à remettre sur les rails ; l’économie elle-même a été sérieusement éprouvée par des années de crise. On le constate, les aides affluent de presque partout, et les nouvelles autorités ivoiriennes font du redécollage ivoirien le maître-mot. Mais cela ne pourra jamais se faire en un clin d’œil. En un mot, il y a du pain sur la planche dans l’immédiat. Et c’est sans doute à cela qu’il convient, d’abord, de s’atteler. Le reste peut venir par la suite. « Second » ne signifie pas forcément moins important ou insignifiant. Le jugement de Gbagbo et de ses proches doit venir après.

Cela n’enlève rien à l’importance que revêt la chose pour une Côte d’Ivoire toujours chancelante, mais qui tient à repartir d’un bon pied. Il n’y a plus péril en la demeure. Le plus dur pour ce pays se trouve derrière lui. On peut repousser à plus tard les procès des dignitaires déchus. Si on le fait, c’est au final tout le monde qui y gagne. Les nouvelles autorités ivoiriennes n’ont jamais fait mystère de leur détermination à juger le président déchu. Pour preuve, juste quelque temps seulement après la chute de Gbagbo, c’est l’ambassadeur ivoirien auprès de l’ONU qui affirmait de Gbagbo qu’« il sera présenté devant la justice pour les crimes qu’il a commis ».

Nul n’en doutera sérieusement, mais l’empressement dont font montre certains milieux fait indubitablement penser à une volonté affichée de « faire vite » en vue de « châtier les coupables ». Une justice des vainqueurs en somme. Et pourtant la Côte d’Ivoire a aujourd’hui besoin de tout sauf d’une chasse aux sorcières. « Vae victis ! » s’écriaient les latins. Les Ivoiriens seraient sages de faire mentir cet adage des anciens.

Et ce, d’autant que dans ce pays, l’idée du bon exemple généré par l’Afrique du Sud, de plus en plus, fait son chemin : Vérité, justice et réconciliation. A supposer que les Ivoiriens choisissent de s’inspirer de l’exemple de l’icône Mandela jusqu’au bout, ils devront retenir que « Madiba » a été jusqu’à proscrire l’idée même d’une quelconque précipitation. Nulle part, on n’aura perçu, dans son désir de justice, transparaître quelque relent de haine, de vindicte ou de revanche.

Pas une seule fois il n’aura été tenté de faire « rendre gorge » à qui que ce soit. C’est à ce prix aussi que l’initiative connut le succès que l’on sait et que l’Afrique du Sud, peu à peu, renaquit de ses cendres. Aux tenants de la théorie selon laquelle « il faut juger rapidement Gbagbo », il faut que les nouvelles autorités ivoiriennes choisissent de résister courageusement. Ne serait-ce que, pour, au fur et à mesure du temps, se revêtir de la sérénité nécessaire à pareille entreprise.

C’est connu, le temps apaise, soulage, dépassionne et rend plus objectif. Ce procès devra intervenir, nul ne le met sérieusement en cause, mais il faudra qu’il se fasse en temps opportun, pas dans la précipitation. Peut-être même que Laurent Gbagbo, in petto, souhaite se présenter à un juge qui l’entende, qui sait ?

Il aurait là l’occasion de s’expliquer sur des mots, comportements et attitudes que l’on n’a pas forcément compris. Et ses explications permettraient à tous les ivoiriens de sortir de certaines zones d’ombre. Car, à supposer que les Ivoiriens décident de se sortir définitivement de leur crise, qui ne leur aura que trop coûté, ils devraient avoir le courage de ne pas désigner d’avance le bouc émissaire idéal.

Ce qui vient de se passer n’est qu’un pan de l’histoire de ce pays. Et à y voir de près, les vrais fondements qui, récemment, firent le lit de tant de pleurs et de larmes remontent à loin. Pour tout dire, c’est d’une remise en cause profonde que la Côte d’Ivoire aujourd’hui a besoin. Pour curer les plaies, les vraies, et les panser courageusement. Que préfigurait la querelle des chefs à laquelle on assista, juste après la mort d’Houphouët, pour la succession au palais ? Par qui, contre qui et pourquoi forgea-t-on le fatal concept de l’ivoirité dont on devait s’apercevoir plus tard du caractère hautement pernicieux ?

Qui voulut et décida du coup d’Etat de 2002 et pourquoi ? Autant de questions cruelles qui remuent sans doute le couteau dans la plaie, mais dont les réponses, si on consent à les trouver un jour, joueront assurément un rôle incantatoire et se révéleront peut-être la catharsis dont la Côte d’Ivoire aujourd’hui a bien besoin. La chose requiert courage et abnégation ? Sans doute. Pareils sacrifices peuvent s’avérer nécessaires pour que naisse une Côte d’Ivoire nouvelle, qui rompe définitivement d’avec les démons d’un douloureux passé récent.

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 4 mai 2011 à 06:04, par Jean-Pierre Wandji En réponse à : Côte d’Ivoire : Il y a plus urgent que le procès de Gbagbo

    Votre article, il est bon. Une tres bonne analyse des faits.Il
    ya quelquechose dont il faut tenir compte dans de telles circonstances.Laurent Gbagbo n’est pas une vulgaire personne dont il faut inventer des delits d’inculpation.Le monde voire l’afrique ne pourrait jamais le concevoir de cette maniere.Au fait,il y a eu confrontation de deux camps et degats enormes. Un camp devant la justice et l’autre camp le justicier.La culpabilite alors n’est plus de doute mais une certitute. Quand on juge son adversaire en quoi on peut en realite s’attendre.Il aura tort et toujours tort.Mais la realite est en cours, Ahoussou Janot n’avait jamais imagine que Laurent serait plus popullaire etant en prison que lui Ahoussou ministre de la Justice Ivoirienne d’aujourd’hui.Desmond Tutu qui etait devant la revolte des jeunes de l’Afrique du Sud contre l’Apartheid lors de l’assassinat de Steve Biko a serre la main de Laurent Gbagbo avec ses deux mains. Cela laisse au justiciers de Laurent Gbagbp de pense deux fois. C’est tout ce qui explique le report de leur interrogation du Woody de Mama.Meme encore cela n’arrivera jamais.

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