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FILIERE COTON DU BURKINA : Subvention des intrants, quand tu nous tiens !

Publié le jeudi 28 avril 2011 à 02h05min

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Un débat sur la subvention des intrants et le prix d’achat du coton aux producteurs fait rage actuellement. Dans l’écrit ci-dessous, ce citoyen se prononce sur la question. Il estime que "les mentalités doivent se préparer à vivre la vérité des prix".

Y a-t-il un secteur de notre agriculture qui a autant bénéficié des subventions-intrants de l’Etat que le coton ? La question mérite non seulement d’être posée, mais aussi qu’on s’arrête, ne serait-ce qu’un bref instant, pour en parler. Au début était en effet une volonté politique de soutenir les producteurs de cette filière stratégique, aux lendemains de la dévaluation du Franc CFA qui avait vu les prix de certains produits agricoles, notamment celui de l’engrais, monter en flèche. Ainsi, décision fut prise à l’époque de céder le sac d’engrais à 6 000 francs CFA au lieu de 12 000 francs CFA (soit une subvention de 50% du prix d’acquisition) comme pratiqué dans les autres pays producteurs de coton de la sous-région. Au même moment, le prix d’achat du Kg de coton-graine était revu à la hausse.

Malheureusement, et à la surprise générale, la mayonnaise n’avait pas pris. Et ce, malgré l’investissement personnel du président du Faso qui, en plus de cette subvention, n’avait pas hésité à se rendre dans des zones de production, histoire d’encourager les producteurs. C’est que de nombreux producteurs, au lieu d’utiliser les engrais à eux vendus à 6 000 francs ou 9 000 francs le sac, les avaient plutôt détournés pour d’autres spéculations de leurs parcelles, si ce n’était pas qu’ils les avaient purement et simplement vendus dans les pays limitrophes, amenant par conséquent la production à rester en l’état. Une deuxième opération similaire avait suivi, caractérisée par une légère hausse du prix d’achat du coton et une baisse du taux de subvention qui était passé de 50% à 25% de la valeur d’acquisition. A cette occasion, le sac d’engrais avait été cédé à 9000 francs au lieu de 12 000 francs.

Puis vint la subvention octroyée en 2003, pour aider à juguler les effets de la première crise ivoirienne sur les coûts du transport. Et puis celle de 2006/2007 où l’Etat burkinabè a rebeloté pour sauver les meubles, du fait de la crise cotonnière provoquée entre autres par les conséquences des …..subventions que les américains et européens accordaient à leurs cotonculteurs et par la baisse du prix du coton sur le marché international. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, une bonne partie des engrais s’est retrouvée encore hors de nos frontières nationales ou sur des parcelles n’ayant rien à voir avec le coton. Et rebonjour les dégâts !

"En voulant aider, on a créé une situation"

Bernard Lédia Ouédraogo de l’Association internationale "Six S" avait l’habitude de dire que "le paysan, quand il comprend, il adhère". S’il est vrai que cette assertion se vérifie toujours sur le terrain, il n’en demeure pas moins que le milieu paysan est de plus en plus infesté par des pratiques qui étonnent, qui dépassent tout entendement. Des pratiques que personne n’aurait imaginées il y a de cela quelques années, quand la parole donnée du paysan était sacrée, et quand le producteur était respecté pour son intégrité légendaire. Aujourd’hui, c’est tout à fait le contraire. Au lieu de faire en sorte que l’aide assassine l’aide à travers une bonne utilisation de l’engrais subventionné, c’est plutôt à un phénomène inverse que l’on assiste.

En voulant donner un coup de main à la filière cotonnière, l’Etat, sans le vouloir, a en effet contribué à créer une autre race de producteurs dont le principal souci est le gain facile et rapide. Des producteurs qui, en plus de détourner, déclarent également des parcelles fictives dans le but de bénéficier de l’engrais qu’ils exploiteront à d’autres fins. Et cela est d’autant plus grave et criminel, que non seulement ils ont leur part de responsabilité dans la chute de la production ainsi que dans la réapparition des impayés externes et internes, mais aussi et surtout, ils sont en train de compromettre sérieusement et dangereusement l’avenir de la filière, rien que pour leurs seuls intérêts. L’exemple le plus récent en la matière est la campagne 2010/2011, qui a vu sa production dégringoler, malgré l’augmentation du prix plancher (prix d’achat du Kg de coton graine sans la ristourne) et le maintien des prix de cession des intrants.

Vérification faite, il est ressorti que 30% des producteurs ont soit dissipé leurs intrants, soit les ont mal gérés.

"Et si on revenait à la vérité des prix" ?

"La nature a horreur du vide", dit-on. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’expérience a déjà prouvé que c’est quand on applique la vérité des prix que la production s’envole pour atteindre des records. C’était le cas en 1996 où avec le plan de relance de la production cotonnière, l’on a supprimé la subvention, tout en mettant parallèlement en place une politique de prix d’achat incitatif. Du coup, la production est remontée, passant de 700-800 Kg à plus de 1000Kg par hectare, amenant par la même occasion le Burkina à franchir la barre psychologique de 200.000 tonnes longtemps convoitée. Face à cette situation, l’interprofession ainsi que certains partenaires techniques et financiers avaient préconisé un retour progressif à la vérité des prix.

Cette vérité des prix aurait dû être appliquée cette année, si les effets pervers de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire ne s’étaient pas une nouvelle fois invités dans la chaîne des transports. Ce qui a conduit le gouvernement et les sociétés cotonnières à injecter près de 6 milliards de F CFA dans le circuit, pour permettre aux paysans d’acquérir leur sac d’engrais à 17.833 francs CFA à crédit, au lieu de 23.600 francs (soit une subvention de plus de 5600 francs par sac). Au prix actuel des intrants sur le marché international, sait-on seulement que si l’Etat devait subventionner rien que l’engrais coton, il n’aurait pas eu à débourser moins de 16 milliards de nos francs ? Quid alors des autres spéculations et des autres secteurs de développement qui eux aussi, ont besoin d’un « coup de main » ?

Du reste, l’expérience a montré que toute discrimination de la subvention, c’est à dire qu’une forte subvention d’une quelconque des autres spéculations entrainerait les mêmes effets. Ce qui à terme, si ce n’est déjà fait, va constituer un véritable frein à l’émergence d’un marché privé capable de satisfaire les besoins des autres cultures. Voilà pourquoi les mentalités doivent se préparer à vivre désormais la vérité des prix. Car s’il est vrai que les subventions sont parfois les bienvenues, il n’en demeure pas moins qu’elles sont à certains degrés sources de mauvaises pratiques.

"La fin des "deals"

Pas plus tard qu’il y a quelques jours, on découvrait par voie de presse les nouveaux prix proposés aux paysans au titre de la campagne 2011/2012. On croyait en effet que les producteurs allaient applaudir ce prix plancher inédit d’achat du Kg de coton graine fixé à 245 francs pour la campagne qui démarre. On s’attendait par ailleurs à ce qu’ils saluent à leur juste valeur les énormes sacrifices consentis pour baisser encore une fois les prix des intrants. Mais au lieu de cela, c’est à des cris d’orfraie que l’on assiste depuis quelques temps. "C’est bon, mais ce n’est pas arrivé", se sont mis à clamer certains d’entre eux, allant même jusqu’à exiger un prix plancher de 300 francs ou de 500 francs, parce que selon eux, le coton serait vendu à 2000 francs CFA par Kg sur le marché international.

Pour des gens qui sont sensés connaître les réalités du milieu cotonnier, cela est simplement aberrant et renversant. Certes, il a été dit que les cours du coton avaient atteint les 2000 francs. Mais c’était à un moment où il n’y avait plus un gramme de fibre de coton à livrer. Ce qui, en langage clair, veut dire que ni le Burkina, ni aucun autre pays producteur n’a vendu du coton à ce prix. Somme toute, on comprend que certains crient à la spoliation, parce qu’ils sont conscients qu’avec le retour à la vérité des prix, ils ne pourront ni détourner massivement, ni vendre l’engrais. C’est en même temps la fin des haricots pour eux. Il y a donc lieu que les uns et les autres se fassent une raison.

En prenant le soin et le temps de bien rapprocher les chiffres, ils se rendront compte qu’avec le prix plancher proposé et ce, malgré la sensible augmentation du prix de l’engrais, une substantielle marge se dégage après le remboursement des intrants. Tout comme ils constateront que les conditions de production de la campagne 2011/2012 sont bien meilleures à celles des deux dernières années au cours desquelles l’engrais avait pourtant été fortement subventionné.

Quoi qu’il en soit, il y a des vérités qui s’imposent de plus en plus et que l’on se doit d’accepter. Avec la reprise économique amorcée par les pays occidentaux, Il serait illusoire de continuer de penser que les prix des produits agricoles vont restés en l’état. Vite on s’habituera à l’application progressive des prix réels, mieux cela vaudra. Les producteurs de coton doivent se le tenir pour dit et se mettre résolument au travail. Car ce n’est pas au moment où les choses s’améliorent pour la filière et ses principaux acteurs qu’ils vont se tirer une balle dans le pied.

TAGROU

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 28 avril 2011 à 04:00 En réponse à : FILIERE COTON DU BURKINA : Subvention des intrants, quand tu nous tiens !

    Vous avez assez volé les paysans. ILs ne se laisseront pas faire cette fois. Dans tous les cas le conton n’est pas le seul produit d’exportation. Le Burkina n’est pas obligé de saigner les paysans pour maintenir sa production s’il ne rapporte plus. Il y a des alternatives. Il suffit juste d’avoir l’esprit ouvert et ne pas resté cloitré dans les vieilles habitudes...

    • Le 28 avril 2011 à 14:29, par Gorgui En réponse à : FILIERE COTON DU BURKINA : Subvention des intrants, quand tu nous tiens !

      TAGROU, tu n’as pas tout dit.

      - Cherche à voir le film réalisé ici au Burkina Faso par un célèbre cinéaste autrichien nommé ERWIN EGGENOFFER, et tu comprendras aisément tout sur le coton et le marché mondial ainsi que sur les agissements des sutructures locales d’encadrement du coton.

      Tu y verras de vieilles femmes bwaba de Koumbia se plaindre amèrement, etc.

      Le titre du film est ’’LET’S MAKE MONEY’’ et il est sous-titré en francais.

      Cherchez à voir ce film et vous comprendrez les choses cachées.

      GUORGUI

  • Le 28 avril 2011 à 16:48, par Innocent En réponse à : FILIERE COTON DU BURKINA : Subvention des intrants, quand tu nous tiens !

    Certains secteurs économiques ont besoin nécessairement des subventions publiques pour exister. C’est le cas de l’agriculture. A l’heure où les petits Etats crient leur desarroi pour denoncer les énormes subventions que les pays riches (Etats unis, france) accordent à leurs paysans faussant de ce fait les regles de la concurrence, il est aberrant qu’un africain estime que le secteur coton bebeficie de subventions de maniere exagérée. S’il est vrai que certains paysans utilisent les intrants à d’autres fins, cela ne doit occulter le vrai débat sur la politique de fixation du prix du coton au Burkina. Je suis originaire d’une region où le coton est beaucoup cultivé. Malgré l’importante subvention du secton coton dont vous faites ici cas, beaucoup de paysans ont deja abandonné la culture de cette plante. Ceux qui s’y obstinent disposent d’une main d’oeuvre abondante peu chere voire benevole (femmes, enfants).Contrairement à ce que votre ecrit semble insinuer, c’est plutot l’Etat qui a interet à ce que les paysans s’adonnent à la culture du coton.Le solde de notre balance des paiements en depend fortement.

  • Le 5 mai 2011 à 08:00 En réponse à : FILIERE COTON DU BURKINA : Subvention des intrants, quand tu nous tiens !

    Moi, je ne suis pas d’accord que l’État subventionne uniquement les engrais coton. c’est pas la seule spéculation du pays. Qu’on subventionne également les engrais maïs-haricot-sésame-mil-etc.... Mais c’est mieux que tous les pays de la CEDEAO ou de l’UEMOA décident du montant de la subvention concernant les engrais ; sinon les engrais vont traverser des frontières et l’effet recherché par le pays en question risque d’échouer. Enlevez les droits de douane sur les engrais, c’est tout. Même les pays développés qui ont développé leur agriculture par le crédit agricole et les subventions des intrants continuent de le faire. Alors pour un pays qui veut émerger, le chemin à suivre est clair...
    L’État doit aussi contrôler la qualité des intrants qui entrent au pays, car certains commerçants véreux vendent des faux engrais aux paysans, avec des fausses teneurs en éléments minéraux.

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