La victoire a souvent plusieurs pères, dit-on. Mais le plus important pour ce pays meurtri est de savoir quoi faire de cette victoire électorale et militaire. Elu sur la base d’un projet politique, c’est un pays exsangue qui va se soumettre au magistère d’un homme plus connu pour ses compétences en économie qu’en politique. Mais l’homme, en dix ans d’un combat patient, s’est fait un nom, une place et une carapace d’homme d’Etat dans le landerneau politique ivoirien au point que certains observateurs ne l’ont pas reconnu lorsqu’il a donné instruction de faire désarmer, par la force au besoin, les hommes de IB. Cette intervention militaire pour mettre le commando invisible au pas est nécessaire mais pleine de risques si elle s’enlise. Il appartient à IB de faire le bon choix à un moment où la vie semble reprendre ses droits à Abidjan.

La reprise des cours dans les écoles, bien que timide, traduit la fin du calvaire des Abidjanais. Il n’y a pas meilleure preuve d’un retour au calme pour ces centaines de milliers d’enfants terrés à la maison et terrorisés par les bombardements et les combats de la ville d’Abidjan. Patiemment mais sûrement, le pouvoir de ADO prend ses marques. Les banques qui avaient fermé boutiques sous le régime Gbagbo du fait des sanctions de l’UEMOA, reprennent du service cette semaine. Et la promesse du paiement des salaires des mois de mars et d’avril devrait relancer un tant soit peu la consommation dans les ménages sans sou depuis trois mois. Tiraillé entre l’urgence de la reconstruction et la pacification du pays, on découvre petit à petit la méthode ADO. Une combinaison de douceur et de fermeté.

On a cru, à un moment de la gestion de la crise, que le président ivoirien manquait de poigne, qu’il était trop mou face aux agissements du camp d’en face. C’était mal connaître l’homme qui, à travers cette attitude conciliante, voulait épargner à son pays le bain de sang tant redouté. Que le dernier carré des miliciens qui refusent de déposer les armes ne s’y méprennent pas ! La main tendue n’est pas forcément signe de faiblesse et IB est en train d’en faire les frais. Eteindre tous les foyers de résistance et se consacrer aux chantiers de la reconstruction et de la réconciliation sont les défis urgents et majeurs de ADO. Cette réconciliation nationale qui enfantera la paix que l’on espère durable passe nécessairement par la justice. Les responsables de ce désastre doivent répondre de leurs actes, quitte à bénéficier plus tard d’une éventuelle amnistie.

La république, mise en quarantaine depuis l’avènement du régime Gbagbo, est en train de reprendre ses droits. Cette nouvelle république a besoin de tous les fils et filles de la Côte d’Ivoire sans exclusive. Les allégeances faites au nouveau pouvoir, constatées çà et là, participent de cet esprit de rassemblement et d’ouverture qui n’exclut cependant pas la nécessité de faire rendre gorge à tous ceux qui, par leur entêtement, ont conduit le pays au bord du gouffre, et cela sans chasse aux sorcières aucune. Le premier d’entre eux, Laurent Gbagbo, devra se soumettre à cet exercice .

Abdoulaye TAO

Le Pays