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Me BENEWENDE SANKARA, PRESIDENT DE L’UNIR/PS : "Je ne sais pas ce que le nouveau Premier ministre va ouvrir"

Publié le vendredi 22 avril 2011 à 03h14min

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La crise que le Burkina a connue ces dernières semaines a conduit le président du Faso à démettre son gouvernement et à faire appel à Luc Adolphe Tiao, ancien ambassadeur du Burkina Faso à Paris, comme nouveau Premier ministre. Dans la présente interview, Me Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour le renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), réagit sur la nomination de Luc Adolphe Tiao et sur le gouvernement d’ouverture annoncé par ce dernier.

"Le Pays" : Blaise Compaoré, après les récents événements, a nommé un nouveau Premier ministre. Comment réagissez-vous à cette nomination ?

Me Bénéwendé Sankara, président de l’UNIR/PS : Ma première réaction est de faire observer que le gouvernement a été démis en un trimestre, après avoir été désigné suite à une élection présidentielle. Que l’on démette un gouvernement trois mois après son élection et suite à une grave crise, je crois que tous les Burkinabè ; naturellement, au regard de ce que nous avons vécu depuis le mois de février, avec les meurtres commis sur les jeunes, les élèves et les étudiants, ensuite les différentes violences que l’on a vues ; s’attendaient à un messie. M. Blaise Compaoré a sorti du mouchoir un Premier ministre qui est un communicateur, en l’occurrence Luc Adolphe Tiao, bien connu de tous les Burkinabè pour avoir présidé le Conseil supérieur de la communication (CSC) et récemment occupé le poste d’ambassadeur à Paris. L’homme a certainement ses compétences intrinsèques, mais c’est la déception totale. Je le dis parce que si c’était des compétences techniques ou livresques, Blaise Compaoré aurait gagné en désignant le le président de l’université de Ouagadougou. Nous sommes sur un terrain politique.

Il est question ici de gérer le Burkina Faso qui est à la croisée des chemins, un pays où les institutions de la République ne fonctionnent plus. Là-dessus, des exemples sont là, ce sont des constats. En dehors des élèves, des étudiants, des enseignants, qui, depuis des années, manifestent pour revendiquer de meilleures conditions de vie, à l’instar des travailleurs de ce pays ; aujourd’hui, il y a deux corps pour ne pas dire deux institutions majeures, fondamentaux de notre démocratie que sont l’Armée et la Justice, qui s’en sont mêlées. D’abord, les acteurs de la Justice ont décidé de marquer un arrêt de travail pour protester contre l’attaque des symboles de la Justice. Ensuite, l’armée s’est ajoutée, y compris le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), contraignant Blaise Compaoré à fuir son palais de Kosyam.

Même si on essaie de colmater pour dire que c’était un repli, je pense que le "bunker" dans lequel il était, s’il n’était pas véritablement inquiété, il ne serait pas parti de façon bruyante, à telle enseigne que toutes les radios s’en soient saisies pour l’annoncer à la face du monde. Je pense, à mon humble avis, que nous sommes face à une crise, un malaise généralisé, suffisamment profond et il fallait une solution politique. Ce n’est pas le choix d’un Premier ministre qui importe ici. L’UNIR/PS a été claire. Bien avant les derniers événements, nous avions saisi l’ancien Premier ministre, Tertius Zongo - malheureusement il a été démis - pour lui demander de saisir le Conseil constitutionnel afin que ce dernier constate la vacance de poste (ndlr : de président du Faso). Aujourd’hui, tous les Burkinabè ont été témoins des dernières exactions où des femmes ont été violées.

C’est la preuve palpable que la République est en déliquescence. Nous l’avons dit. Ce n’est pas une vue de l’esprit, ce sont des faits. Aujourd’hui, un couvre-feu a été décrété pendant que nous sommes censés être dans un pays émergent, travaillant pour qu’il y ait une croissance à deux chiffres, selon les discours officiels. Ce Premier ministre est-il venu pour appliquer la SCADD (ndlr : Stratégie de croissance accélérée et de développement durable), faire en sorte que le Burkina Faso soit émergent ou alors Blaise Compaoré veut-il sauver sa tête et son fauteuil en trouvant une roue de secours ? Si tel est le cas, c’est une roue déjà crevée qui ne peut pas nous servir. Je l’aime bien mais je suis au regret de constater qu’il ne pourra pas.

Le président du Faso n’a donc pas encore trouvé la solution ?

Le président Blaise Compaoré méprise son opposition et la classe politique. Vous l’avez suivi depuis la crise ; ceux qui sont ses courtisans et fiers d’aller serrer sa main, ce sont eux qui intéressent Blaise Compaoré. Je pense que le règlement profond de la crise lui échappe, il n’est pas habitué à cela. Il est par contre habitué aux grandes médiations et aux fora hors du Burkina Faso. Par conséquent, en ce qui concerne le Burkina Faso, Blaise Compaoré est disqualifié.

Etes-vous partant pour ce gouvernement d’ouverture annoncé par le Premier ministre ?

(Rires). Je ne sais pas ce que le nouveau Premier ministre va ouvrir. Ce qui est sûr, l’UNIR/PS ne va jamais rentrer dans une case sombre et ténébreuse pour se faire tailler les oreilles. De grâce, ne comptez pas l’UNIR/PS dans cette gymnastique. Nous souhaitons simplement qu’aujourd’hui, les citoyens et citoyennes de ce pays se mettent ensemble pour que nous travaillions au départ de M. Blaise Compaoré et à l’avènement d’institutions plus crédibles, afin de remettre la démocratie burkinabè sur les rails. Il ne faut plus compter sur cette équipe qui ne gagne plus.

Vous refusez d’aller au chevet du Burkina Faso ?

Je refuse d’aller au chevet de certains hommes qui sont là depuis un quart de siècle, qui ont eu le temps, dans l’arrogance et le mépris, de piller ce peuple. Ces gens-là, nous ne pouvons pas les accompagner. Bien au contraire. Le mal du Burkina Faso est à ce niveau et s’il y a un remède, il faut justement s’en écarter.

Les élections couplées de 2012 sont-elles hypothéquées ?

En attendant, l’Assemblée nationale elle-même ne fonctionne plus du fait de l’absence d’un gouvernement. Je ne peux plus croire, moi, que l’on puisse en 2012, faire des élections couplées. L’histoire nous dira si l’on pourra ou pas. Nous avons demandé depuis longtemps le départ de l’équipe actuelle qui nous a servi les élections chaotiques. On ne nous a pas écoutés. Quand nous disions que la carte d’électeur était illégale et que cela présageait d’un chaos pour ce pays, on ne nous a pas écoutés non plus. Blaise Compaoré a été rattrapé par son élection à 80%. Le problème pour nous, ce n’est plus 2012. Pour nous, le problème, c’est maintenant. C’est l’occasion rêvée ou jamais de faire partir Blaise Compaoré et nous allons travailler à cela à travers des voies républicaines. Et déjà, le 30 avril prochain, toute l’opposition a un meeting. Nous allons travailler à cela dans les voies républicaines parce que la Constitution nous en donne le droit de désobéir et de dire non quand nous sommes face justement à un très grave danger pour la démocratie.

Le siège de votre parti a été incendié, vous avez échappé à un accident. Beaucoup de choses vous tombent sur la tête...

Mon nom, c’est Bénéwendé et en mooré (langue nationale) cela veut dire "se confier à Dieu." C’est vrai que cela arrive à des moments difficiles. Mais cela n’a pas du tout touché mon moral. Pour le siège, ceux qui ont eu l’occasion d’aller voir savent que le pire a été évité grâce au voisinage et à la jeunesse du quartier 1200 Logements à qui je tiens à dire merci. Grâce à eux, le feu a été maîtrisé ; sinon, même nos voisins n’étaient pas à l’abri pour qui connaît les constructions de ce quartier. Il pouvait y avoir des victimes collatérales. Quant à mon accident, Dieu merci, ce n’est que des dégâts matériels. Selon un proverbe, "la perdrix peut toujours aller pondre tant qu’elle est en vie." Ce sont des événements que nous déplorons et nous souhaitons que notre pays ne bascule tout simplement pas.

Cela est valable pour tous les citoyens, tant pour ceux qui ont voté pour Blaise Compaoré que pour ceux qui ne l’ont pas fait. En tant que sankaristes, nous proscrivons la haine et la violence. Nous pouvons aller au siège du CDP discuter, dire ce qui ne va pas et leur dire de changer. Mais, aller mettre du feu, nous ne savons pas faire cela. On ne nous a pas appris cela ; sinon, Thomas Sankara ne serait pas mort. Aujourd’hui, nous sommes des sankaristes convaincus qui faisons de la paix, de la cohésion de ce pays et de l’amour du prochain, nos outils. C’est cela qui pourrait nous être utile en tant que panacée pour que le pays retrouve sa sérénité et évolue. Si nous brûlons, nous allons gouverner quoi ? J’ai souvent dit que quand l’opposition se bat, c’est pour trouver un Etat cohérent. Le plus important est que le Burkina Faso retrouve sa sérénité pour l’alternance et autour du changement. Ce changement, c’est dans le débat entre les hommes de ce pays et non dans la violence. Voilà pourquoi nous demandons de façon républicaine le départ de Blaise Compaoré.

Propos recueillis par Aimé NABALOUM (Stagiaire)

Le Pays

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