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PAYSAGE POLITIQUE IVOIRIEN : Après le chaos, quelle recomposition ?

Publié le vendredi 15 avril 2011 à 03h10min

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Bien avant même l’installation officielle du nouveau chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara (ADO), l’aide internationale afflue en Côte d’Ivoire. Abidjan, la capitale économique, commence à renaître de ses cendres. Une question se pose néanmoins : les acteurs politiques, toutes tendances confondues, auront-ils suffisamment tiré leçon du désastre auquel leurs tiraillements incessants ont exposé le pays ? Quel autre spectacle offriront-ils à l’Afrique et au monde entier dans les jours, mois et années à venir ?

Gbagbo, père du multipartisme

Finalement, la succession du père de l’indépendance, feu le président Félix Houphouët- Boigny, n’aura pas été aussi facile comme le redoutaient nombre d’observateurs. Elle aura même été plus difficile sous l’ère de Laurent Koudou Gbagbo. Pourtant, il faut rendre justice à ce dernier, car, d’une manière ou d’une autre, il peut revendiquer le titre de "père du multipartisme" dans son pays. N’est-ce pas lui qui, par ses coups de boutoir, a contraint le "Vieux" à céder du terrain et à ouvrir le pays à d’autres courants d’idées ? Inutile aujourd’hui de rouvrir la boîte à Pandore à l’origine de la situation atroce vécue récemment par les Ivoiriens et de nombreux étrangers vivant à leurs côtés.

Il reste que nul ne voudrait encore revivre ces périodes d’angoisse, d’incertitudes et de gêne qui ont, pendant plus d’une décennie, assombri l’histoire de ce pays et du continent. Aux lendemains des drames de l’ère Gbagbo, il convient que la classe politique, dans son ensemble, fasse son mea culpa aux citoyens ivoiriens. Il y a eu trop de dérives et le pardon passe aussi par là. Cela pourrait rendre les prochaines échéances électorales moins tumultueuses et dignes d’un Etat de droit démocratique en construction. Il est souhaitable, en effet, que les choses se déroulent dans un climat apaisé. Dans ce cadre, les initiatives en faveur de la justice et de la réconciliation nationale sont à saluer. L’accord de Ouagadougou constitue en cela une bonne référence, dans la mesure où il fait de la recherche du consensus une véritable boussole.

Au FPI, qui pourrait bien succéder à Gbagbo ?

La reconstruction du pays va certainement polariser toutes les attentions. Mais, parallèlement, des dispositions doivent être prises afin d’accorder aux partis politiques suffisamment de temps pour panser les blessures et s’organiser en vue des compétitions à venir. Il faut éviter de s’enliser dans les mesquineries au risque de retomber dans les erreurs du passé. Au sein de la nouvelle opposition, le Front populaire ivoirien (FPI) pourrait figurer en bonne place. A condition toutefois de faire le toilettage qui sied. Mais qui pourrait bien succéder à Gbagbo ? Et qui voudrait ravir le fauteuil de Afi Nguessan à la tête du FPI ? Certainement pas ces thuriféraires qui ont activement conduit leur leader aux gémonies. Après la déculottée qu’ils ont fait subir au parti, ils ne peuvent plus se prévaloir de quoi que ce soit. La base militante du FPI doit demeurer ferme et résolue afin d’éjecter de ses rangs des individus qui avaient plus à coeur de s’enrichir que d’aider le chef à bâtir le pays.

Ils n’auront rien démontré, à part la haine de l’autre. Or, peu de cadres du parti s’identifient aux Simone Gbagbo, Afi Nguessan et consorts. Et la jeunesse ivoirienne est bien différente de celle incarnée et mobilisée par Blé Goudé, de sinistre mémoire. De tels individus, la Côte d’Ivoire et l’Afrique n’en veulent ni dans les partis politiques, ni dans les institutions. Il faut qu’on sorte des sentiers battus. L’alternance est aussi à ce prix.

Fossoyeur de la démocratie multipartiste

Le FPI, s’il est un vrai parti "progressiste", doit pouvoir se réorganiser pour rebondir. Il lui faut réinventer le socialisme à l’image de la Côte d’Ivoire, à l’opposé du socialisme meurtrier que sa mauvaise gestion du pays a offert à l’opinion. Si Gbagbo n’avait pas été aussi loin dans les abus, il aurait pu se ressaisir comme Mahamoudou Issoufou au Niger. Mais, il s’est révélé piètre dirigeant : Gbagbo fut en passe de se métamorphoser en fossoyeur de la démocratie multipartiste, pour l’avènement duquel il s’était pourtant battu. Mal entouré et mal inspiré, il aura tout fait pour contribuer à sa propre chute. Si le FPI veut reprendre sa place dans le firmament politique ivoirien, il lui faudra faire "peau neuve" et donner la chance aux militants sérieux et intègres. Sous peine d’être émietté ou jeté dans les oubliettes de l’histoire.

Si Gbagbo avait été modeste et clairvoyant, il se serait donné d’autres chances en acceptant l’offre faite à lui à maintes reprises par ADO. Ce dernier, envers et contre lui, voulait lui éviter ces scènes d’humiliation qui, en définitive, n’honorent ni la classe politique ivoirienne, ni la Côte d’Ivoire, encore moins l’Afrique. Mais que faire face à un homme borné ? On le savait tribun et on le croyait visionnaire. Mais finalement, Gbagbo n’aura donné que l’ombre de lui-même, au risque de voir son parti se saborder.

Bédié, ADO, Guillaume vers un grand parti unique ?

Sans doute faudra-t-il du temps pour rebâtir le FPI qui incarnait un certain espoir. En tout cas, avec 46% des voix, ce parti dispose encore d’un bassin électoral non négligeable. Aux nouveaux ténors de se saisir des perches tendues pour se débarrasser des oripeaux de l’ancienne équipe. Le FPI de l’après-Gbagbo doit se refaire une santé et promouvoir des idéaux clairs, s’il veut toujours compter dans l’espace politique ivoirien. Encore faut-il que des individus comme Afi Nguessan arrêtent de se cacher, de se lamenter et de vilipender inutilement le nouveau pouvoir. Ils ont tout intérêt à faire amende honorable, à abonder dans le sens de la réconciliation, à l’exemple du général Mangou et tant d’autres qui ont rapidement rallié ADO et ses partisans.

Du côté des houphouëtistes, le défi à venir sera bien celui de la cohésion reconquise. L’ère Gbagbo ayant vu se multiplier des formes de nomadisme souterrain et des actes de trahison, ne sera-t-on pas conduit au sein du RHDP à laver le linge sale en famille ? Certes, le gros des troupes viendra du RDR d’ADO et du PDCI de Bédié. Mais, ne cherchera-t-on pas à s’ouvrir à Guillaume Soro, à ses fidèles et à d’autres forces politiques ? Evoluera-t-on par la suite vers un grand "parti unique" multitendanciel ?

Il faut en tout cas se féliciter du courage de l’ancien président Bédié qui, malgré son âge, sera demeuré aux côtés d’ADO durant toute la crise. Pour avoir eu la sagesse d’accepter de subir le même sort, il laisse à la relève le sentiment que la politique n’est pas qu’opportunisme et trahison. Voilà donc les houphouëtistes de retour aux affaires. Sur la base du consensus, de nouvelles règles du jeu verront bientôt le jour. Qui du RHDP ou du FPI sera-t-il donc le premier à les bafouer dans la nouvelle Côte d’Ivoire en construction ? Selon toute vraisemblance, ADO et ses amis ont le vent en poupe ; le FPI, principal parti d’opposition étant décapité. Ayant exercé le pouvoir sans partage, dans un camp comme dans l’autre, saura-t-on éviter de retomber dans le piège du monopartisme ? Et qu’adviendra-t-il des autres forces politiques ? A la société civile ivoirienne et à la communauté internationale de rester vigilantes !

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 15 avril 2011 à 05:09 En réponse à : PAYSAGE POLITIQUE IVOIRIEN : Après le chaos, quelle recomposition ?

    Je paris que le FPI aux prochaines élections législative n’aura pas 25% de députés. Ce parti a creusé sa propre tombe en s’identifiant uniquement au dictateur déchu.

    seul le vote ethnique (bété, guéré, abbey) pourra lui permettre d’avoir quelques députés au sud.

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