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Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

Publié le mardi 12 avril 2011 à 12h37min

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Qui peut encore croire dans la capacité de ce continent à dépasser ses clivages entre chefs d’Etat et à encourager les mouvements qui vont dans le sens d’une plus grande émancipation politique, économique, sociale, culturelle ? Je m’étonne chaque jour que l’Afrique soit incapable d’aider l’Afrique ; et que, par contre, elle mette tellement d’entrain et de détermination à s’auto-détruire.

Quatre pays de ce continent - et non des moindres - vivent aujourd’hui, et depuis quelques mois désormais, des événements exceptionnels ; dans la douleur toujours, dans l’horreur parfois. Des événements qui font de 2011 « l’année de tous les dangers ». Et je n’entends pas une seule voix africaine pour nous expliquer ce qui se passe et nous dire ce qu’il faut faire et comment le faire ; ni pourquoi l’Afrique en est arrivée là, aujourd’hui, à ce stade de la rupture totale.

Une amie camerounaise me disait ce matin, samedi 9 avril 2011 : « La pauvreté ne nous effraie pas, nous sommes nés dans la pauvreté ; mais ce qui se passe est une leçon pour nous : pourquoi allons-nous tomber sous les balles aujourd’hui alors que Paul Biya est au pouvoir depuis 1982, que cela ne dérange personne et qu’il finira bien par mourir un jour ? ». A ce « pourquoi ? », la jeunesse tunisienne qui s’est rebellée fin 2010 y a répondu : « la dignité ». C’est sans doute que « l’Afrique des présidents » a entretenu jusqu’à présent l’image d’une Afrique « indigne ». Et il faut prendre le mot dans ses trois acceptions : « qui ne mérite pas » ; « qui inspire le mépris, vil, honteux » ; « qui n’est pas digne de son rôle, de sa fonction ».

L’Afrique a besoin de l’Afrique dans les moments dramatiques qu’elle vit aujourd’hui. Depuis des mois, des milliers d’Africains sont morts, victimes de la répression exercée par leurs leaders ; des leaders qui nous disaient - chiffres à l’appui - qu’ils faisaient l’unanimité. Des villes sont assiégées ; des populations sont exterminées ; des centaines de milliers d’individus sont « déplacés », joli mot de la diplomatie pour dire qu’ils sont « dans la merde » . Mais personne ne s’offusque, personne ne s’insurge et les discours que tiennent les uns et les autres ne sont que mensonges.

Que l’Afrique des présidents « ferme sa gueule », je le comprends ; elle est morte de trouille que ce qui se passe en Tunisie, en Egypte, en Libye, en Côte d’Ivoire… ne mette au jour ses insuffisances, ses faillites, ses indignités. Que l’Union africaine ne soit pas plus bavarde, je le comprends aussi ; « les chats ne font pas des chiens » et cette foutue organisation a été créée par Kadhafi dans la perspective de célébrer sa propre gloire, rien d’autre (si ce n’est d’enrichir ceux qui ont participé à cette célébration). Que ceux qui croient en Dieu ne croient plus en l’homme ne saurait m’étonner : le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson, président du Conseil pontifical « Justice et Paix », autrement dit l’homme du Vatican chargé de « combattre les guerres, la pauvreté et l’oppression », s’est envolé pour Abidjan quand il ne pouvait plus y atterrir du fait des combats alors que le nonce apostolique lui-même, Mgr Ambrose Matha, se disait « oublié » ; mais Turkson avait annoncé la couleur sur le site espagnol religionenlibertad : que les Ivoiriens règlent eux-mêmes leurs problèmes afin que l’on ne dise pas que le pape soutient telle position parce qu’il y trouve un intérêt.

L’Afrique a pris l’habitude de dénoncer ce que font les autres quand elle a laissé faire. Trop de complaisance dès lors que le monde politique - qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition - entend « ne pas injurier l’avenir » et, surtout, sauvegarder son présent. On peut bien dénoncer la « guerre coloniale », « l’ingérence », « l’insulte au droit », « l’impérialisme mondial », etc. mais quel intellectuel africain a, quand le vent de l’Histoire n’avait pas encore tourné, dénoncé les comportements des uns et des autres. On peut bien fustiger l’ingérence de « l’occident » dans les affaires libyennes et ivoiriennes mais qui recense les « mercenaires » africains (qu’ils soient tchadiens ou angolais sans oublier les combattants touareg) qui, aujourd’hui, sont les fers de lance de la répression contre les Libyens et les Ivoiriens ? Qui veut nous faire croire que le pouvoir en place aujourd’hui à Luanda (Angola) serait ce qu’il est sans autrefois l’intervention massive des Cubains et l’armement fourni par l’Union soviétique ?

Pourquoi les pays pétroliers du golfe de Guinée (à l’exception du Nigeria) sont-ils les plus virulents dans la défense de Gbagbo ? Il faut être un fieffé imbécile pour croire qu’il pourrait y avoir un seul Ivoirien pour risquer sa peau en sauvant celle des Gbagbo : des décennies de guerre civile ont aguerri les troupes du MPLA qui sont aujourd’hui engagées dans la défense de son « bunker » tandis qu’en face une « armée de gueux » n’a toujours pas compris qu’un RPG 7 sert à autre chose qu’à faire du bruit. Qu’on cesse de nous raconter n’importe quoi : ceux qui veulent, en Libye, sauver Kadhafi, et ceux qui veulent, en Côte d’Ivoire, sauver Gbagbo, sont ceux qui ont la trouille de voir s’installer au pouvoir des régimes qui demanderont des comptes à « l’Afrique des présidents » et sauront, eux, faire additions, soustractions, divisions et multiplications.

Je suis opposé à l’intervention « occidentale » en Libye ; mais je juge irresponsable les leaders de la « révolution de Benghazi » qui, sans lui en donner les moyens politiques et militaires, envoient la population civile se faire massacrer. Ce n’est pas pour autant que je pense que Kadhafi ait jamais été le « guide » d’une « révolution » qu’il ne convenait pas de combattre ; je ne lui ai même pas trouvé de qualités en tant que « panafricaniste ». C’est, pour faire court, au mieux, un fou furieux incontrôlable. Je ne suis pas non plus convaincu du bien fondé de la démarche de l’Union africaine. Cinq chefs d’Etat africains se rendent à Tripoli pour affirmer que la solution à la crise doit « prendre dûment en compte les aspirations légitimes du peuple libyen à la démocratie, à la réforme politique, à la justice, à la paix et à la sécurité, ainsi qu’au développement socio-économique ». Il y en a qui doivent s’étrangler d’étonnement à Brazzaville, Pretoria et Kampala (les capitales de trois des cinq pays dont les chefs d’Etat forment le panel de l’UA !). On imagine Salazar, Franco et Mussolini demander à Hitler d’être un peu plus conciliant avec son opposition, les communistes, les juifs, les homosexuels, les tziganes… !

En Côte d’Ivoire, aujourd’hui (je dis bien aujourd’hui car, selon moi, la situation actuelle est l’aboutissement d’un processus enclenché voici trente ans et dont les pires dérives sont imputables à Henri Konan Bédié, Robert Gueï et Laurent Gbagbo), qu’est-ce qui est le plus condamnable ? L’intervention (marginale jusqu’à présent) de l’ONUCI et de Licorne où le processus d’auto-destruction mis en place par Gbagbo et ses alliés à la suite de leur échec électoral. Malick Ndiaye, « petit prof » de socio à l’université Cheick Anta Diop de Dakar, qui se revendique le porte-parole d’une Coordination des intellectuels d’Afrique, peut bien crier « Licorne dégage, ONUCI dégage ! » pour laisser croire qu’il a entendu les mots d’ordre lancés en Tunisie voici quelques mois, et dénoncer une « France qui insulte le droit », c’est quand même lui qui, à la veille de la présidentielle 2010, a été rendre hommage à Gbagbo dont il a écrit dans un livre qu’il incarne à lui seul toute l’Afrique. Je veux bien ; mais quel sociologue peut écrire cela (sans nuances) après que Gbagbo ait « gouverné » la Côte d’Ivoire pendant dix ans ? Il faut pour cela peu de recul et beaucoup de complaisance. Je me dis parfois que « l’Afrique des présidents » vaut mieux que « l’Afrique des intellectuels » (ceux qui en font un job lucratif). Les présidents sont cohérents avec eux-mêmes. Pas les intellectuels.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 12 avril 2011 à 14:37, par nasser En réponse à : Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

    il ne faut pas oublié de faire la dference entre ce qui ce passe en cote d’ivoire et la libye qu’est on révandique à la libye ?c’est ne pas parceque ton voisin a dit degage à son president qui a 20 ou 30ans au pouvoir que toi aussi tu va te lever sans raison lui dire dégage.on as le droit d’opposer mais pas avec les arme et aussi comment on peux analysé tous ces armes lourde voire très lourdes dans la mains d’un civile qui n’ a pas été formé et c’est kadafie qui tue eux il ne tuent pas ? et chaque jours on nous harcèle que kadafie as tué des miliers de personne sans nous montre les preuves ni les image qui le prouvent on nous dit mille morts et on nous montre 3 corps et quand kadafi demande a ce que des observateurs de l’onu viennent pour voir la réalité sur le terrain cilence totale. mais pour voter quelque resolution pour faire plisir a la france on est present.
    c’est bien de dire que je suis venu pour protéger la population mais il y a d’autre population encore qui on subies et qui continuent de subirent des répressions et on ne fais rien pour eux .la cote d’ivoire nous tous on le sait qu’il l’a fait pour ce protéger de son acte a la libye sinon pourquoi il l’a pas fait avant ?
    revenons sur la libye pour dire que la comparaison ne pas raison il ne faut pas se comparer à la tunisie ou l’egyple. on se lève pas du jour au lendemain pour chasser un président tous simplement par ce que mon voisin l’a fait.......nous devrons etre sérieux dans nos actions.

    • Le 12 avril 2011 à 18:47, par MEMO En réponse à : Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

      le texte du premier intervenant(nasser) laisse transparaître aisément son niveau intellectuel., ce qui evidemment rime avecla pauvrete de son analyse socio politique. Pour info, nul
      n’est fait pour diriger éternellement.
      Pour ce qui de l’union africaine, je dirai qu’elle est tout simplement à l’image de ses dirigeants. Honte à cette organisation inutile qui n’a fait que humilier l’afrique depuis sa creation. Je me demande d’ailleurs quel le but de son existence. Est ce mettre en place des panels constitués de ROBOT programmés avec toujours la même chanson:negociation. Et pendant ce temps le peuple se meurt.
      Une fois de plus HONTE A L’UNION AFRICAINE

  • Le 12 avril 2011 à 20:03, par fofana moussa En réponse à : Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

    je suis tout a fait pour l’alternance, aucun chef d’etat ne doit penser que le pays qu’il gouverne est l’heritage de son père pour y demeurer eternellement. Dire que Kadhafi n’incarne que du mal ? Soyons honnete. Demendez aux burkinabe, aux maliens, aux tchadiens, aux nigeriens,...l’investissement que ce monsieur à fait dans leur pays. La gratuité de l’education et de la sante Kadhafi a reussi a le faire,l’état le plus puissant du monde a du mal à adopter une simple reforme de sa soi disant assurance santé. Parlons de liberté, ils disent que les libyens ne sont pas libres, la France qui joue le permier role interdit à certaines de ne pas se voiler mais autorise d’autre à circuler presque nues. Elle qui suspecte les adeptes d’une religion par rapport a d’autre. Dans cette France ou les noirs ne peuvent pas circuler comme les blancs sans etre conduit a un poste de police. Dites moi alors la signification du mot liberté. Les palestiniens sont-ils libres ou se trouve la France et les Etats Unis ; eux qui se disent fervent defenseur des droits de l’homme et de la liberté. Ces occidentaux ne veulent que notre petrole et tous ceux qui se trouve dans notre sous sol. Tout president qui leur diront non sera leur cible et ils trouverons un mensonge pour nous voiler la face.

    • Le 13 avril 2011 à 01:44, par Amine En réponse à : Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

      Je suis vraiment désolé mais je ne suis pas d’accord avec vous par rapport à Kadhafi. 10.000 morts pour qu’il reste avec sa famille au pouvoir, où va-t-on franchement ? Kadhafi a utilisé des mercenaires africains pour massacrer son propre peuple, il a affiché un soutien sans faille avec le voleur en fuite zine ben ali dit zaba (désolé mais certains noms ne sont pas propres), Kadhafi c’est aussi l’auteur de dizaines d’attentats partout dans le monde (toujours contre des civils) en commençant par Lockerbie jusqu’à l’attenant contre un avion de ligne français. C’est un psychopathe fou furieux que le peuple libyen doit s’en débarrasser, quant à ce que vous citez comme gratuité de scolarisation et je ne sais quoi d’autre et bien laissez-moi vous dire qu’il a fait ça avec l’argent de son peuple dont 40% vivent avec moins d’un euro par jour. Finalement cet assassin n’a rien d’humain, il ne mérite même pas le titre de chef ou de guide. Message à tous les peuples africains révoltez-vous contre le népotisme, la pauvreté et la misère... la Révolution c’est la seule solution. A bon entendeur
      Signé : Tunisien Libre

  • Le 12 avril 2011 à 20:30, par Cool En réponse à : Tunisie, Egypte, Libye, Côte d’Ivoire… « l’Afrique des présidents » a failli. Et l’Union africaine est incapable de faire respecter ses principes

    L’union africaine me fait honte !!!! elle n’a pas sa raison d’être point barre !
    Il faut toujours que les autres fassent le salle boulot à notre place pour que nous venions critiquer et parler de souveraineté ou je ne sais quoi ! "panel panel" mon oeil !!
    Je donne plus de crédit à la CEDEAO qui reste courageuse et fidèle à ses principes.
    Vous n’avez pas réussi en Côte d’Ivoire ! c’est en libye que pour pourrez quelque chose ? Bande d’incapable.

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