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HAITI : La démocratie en chantant

Publié le mercredi 6 avril 2011 à 02h37min

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Le destin présidentiel de Michell Martelly était gravé dans le marbre. Recalé au premier tour de l’élection présidentielle haïtienne, il avait été repêché après des recours, avant de remporter finalement le scrutin. C’est donc un homme qui revient de loin. Tout comme son pays, dont il présidera aux destinées au cours des cinq prochaines années. Haïti, ce n’est pas le pays rêvé pour un chef d’Etat élu, tant les défis à relever sont titanesques. Curieusement, la course à la présidentielle a été âprement disputée, pour on ne sait quelle raison. Tous ces prétendants étaient-ils animés du sens du devoir et du sacrifice tel que diriger un pays aussi dévasté ? On peut en douter. Un pays comme Haïti a, par le passé, servi de vache à lait pour la classe dirigeante.

La misère et les catastrophes naturelles ont été le lit pour les pratiques les plus abjectes qui soient. Même le terrible séisme de janvier 2010 n’a pas permis aux hommes politiques de se racheter une conduite. Les dons pour la reconstruction ont tout simplement été massivement détournés. Etait-ce l’immoralité de trop ? En tout cas, le peuple haïtien semble avoir indiqué, avec son bulletin de vote, la porte de sortie pour les politiciens professionnels. Le plébiscite — il n’ y a pas d’autre mot pour caractériser la victoire de Martelly — d’un chanteur, au-delà de sa popularité, est un message sans ambiguïté : les populations sont désabusées par les promesses non tenues de tous ceux qui se sont succédé à la tête du pays depuis la période sombre des Duvalier.

La musique adoucit les moeurs, dit-on. Michell Martelly, par sa musique, a sans doute œuvré à écraser les larmes du peuple meurtri de Haïti. Mais entre être un musicien doué et se faire élire brillamment, et bien diriger un Etat, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et voilà comment cette victoire obtenue en chantant peut se transformer en cauchemar pour le nouveau président. La relative virginité politique de Martelly est en effet à la fois un avantage et un écueil pour lui. N’ayant pas été impliqué dans la gestion gabégique du pays, il se présente certes sous un jour nouveau, auréolé du statut d’homme propre. Mais à l’épreuve du pouvoir, tout peut arriver.

La musique Kompa qui l’a rendu si populaire, au point de le porter jusqu’aux cimes de l’Etat, peut se muer en chant funéraire. La désillusion est souvent au bout de l’espoir. Beaucoup de nouveaux dirigeants ont ainsi, de par le monde, et particulièrement en Afrique, déçu les attentes des populations. Qu’ils soient des opposants « historiques » ou des technocrates tout fraîchement débarqués d’une grande institution financière, le résultat est parfois décevant. Autant dire donc que pour un pays tombé aussi bas que Haïti, le challenge est encore plus titanesque. Restaurer un Etat néant, combattre une corruption endémique, endiguer une pauvreté crasse et rebâtir un pays ravagé, relèvent quasiment du divin.

Mais la première république indépendante noire a sans doute une force insoupçonnée qui lui a permis de traverser toutes les épreuves qui ont jalonné son difficile chemin. Il s’agira pour le chanteur président de savoir puiser dans toutes les ressources existantes, pour que renaisse Haïti, ce pays si loin et si proche de l’Afrique.

Mahorou KANAZOE

Le Pays

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