LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

Publié le vendredi 25 mars 2011 à 02h58min

PARTAGER :                          

Ce sont les sceptiques qui, au final, auront eu raison. Ils avaient subodoré que le sommet d’Abuja ne serait d’aucun apport positif quant à la résolution de la crise ivoirienne. A présent que les lampions se sont éteints sur ladite rencontre, force est de reconnaître que ce sont eux qui avaient vu juste. Plus, on l’aura remarqué, l’instance panafricaine, en choisissant de botter en touche, aura fait dans une bien piteuse reculade.

Que l’on se rappelle le début de la crise : des discours va-t-en-guerre, on en a entendu, qui promettaient le débarquement d’un Gbagbo reconnu par tous comme très illégitimement accroché au pouvoir à Abidjan. La Cédéao joua la fermeté, banda les muscles et se commit au devoir de rassembler des forces militaires pour une intervention, à l’époque, jugée imminente. A plusieurs reprises, des chefs d’états-majors de certains pays de la sous-région se rencontrèrent et peaufinèrent la stratégie à mettre en œuvre pour déloger manu militari l’occupant illégitime du palais de Cocody.

Les émissaires -et non des médiateurs, la nuance est de taille- envoyés à Abidjan (parmi lesquels l’intransigeant premier ministre kényan, Raila Odinga) furent instruits de ne pas négocier avec Gbagbo, mais plutôt de lui intimer l’ordre de débarrasser les lieux. Le président de l’instance de la Cédéao, à l’époque, ne faisait aucun mystère quant à son option de faire partir Gbagbo par la force dans le but de permettre l’installation du président élu et reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara.

Le sommet qui vient de s’achever aura été l’occasion de voir autre chose et d’entendre un tout autre discours : Jean Ping himself a pressé le sommet d’« implorer M. Gbagbo de faire ce qui est juste » (sic) ! Le président sortant de la CEDEAO a « pensé » à l’adoption d’une résolution pour demander à l’Onu de prendre des mesures « un peu plus sérieuses » (re-sic) concernant la situation en Côte d’Ivoire. Et peu de temps avant la tenue du sommet, c’était la Cour de justice de la Cédéao qui mettait en garde la communauté internationale contre tout usage de la force en Côte d’Ivoire. L’exemple libyen aura certainement fait école.

On excusera du peu, mais on le reconnaîtra : ce dernier sommet de la CEDEAO n’aura pas permis d’observer la plus petite avancée vers une quelconque sortie de crise en Côte d’Ivoire. Au contraire, il aura été l’occasion de constater de visu que l’instance panafricaine choisit subrepticement mais délibérément de se débiner face à un bourbier qui, jusqu’à présent, à réussi la prouesse de désarçonner et de laisser pantois même les plus intrépides des facilitateurs, médiateurs et autres enchanteurs faiseurs de paix.

Et alors, adieu les piaffements d’impatience d’en découdre avec Gbagbo. Aux calendes grecques les stratégies d’intervention militaire pour déloger l’illégitime. Les stratégies martiales s’écroulent comme un château de carte et ceux jadis labellisés comme les partisans les plus farouches de la méthode radicale se dégonflent aujourd’hui comme des ballons de baudruche.

Quid alors du problème ivoirien, qui, à l’heure actuelle plus que jamais, se révèle un véritable casse-tête chinois ? De toute évidence, la patate chaude reviendra aux Ivoiriens. Normal, dira-t-on, c’est leur propre produit. Mais avec le grand inconvénient qu’il se peut que l’on condamne ces mêmes Ivoiriens à résoudre leur difficile équation en faisant usage des moyens qu’ils estimeront appropriés. Et au regard des extrémistes de tous bords présents dans les deux camps, on peut, à juste titre et sans exagération, imaginer les dégâts que promettent les confrontations futures.

La guerre civile, progressivement, s’installe en Côte d’Ivoire, avec son cortège quotidien d’exactions, de tueries et d’humiliation. C’est peu que de dire que la question ivoirienne a constitué l’échec de la CEDEAO. L’UA, après elle, n’aura sans doute pas fait mieux. Pour une des rares fois que des Africains avaient l’occasion rêvée de régler un problème africain… à l’africaine ! Ce sera du tout faux ! Avec, en bout de ligne, des massacres à venir de populations entières qui, à ce jour, ne savent plus à quel saint se vouer.

Car, il faut le dire tout net, cette débandade de la CEDEAO ne fait que profiter à un Gbabgo illégitime qui se sent requinqué et ne manquera pas de se sentir pousser des ailes. Un peu à l’image d’ailleurs d’un Hitler qu’une autre reculade –celle de la France et de l’Angleterre en septembre 1938-propulsa dans l’accomplissement de ses visées expansionnistes et de sa philosophie nazie. On sait quel désastre en résulta.

Gbagbo, tout illégitime qu’il est, à l’heure actuelle se frotte les mains. A présent, il peut se convaincre de deux choses : primo, lui est prêt à tout pour s’accrocher au pouvoir ; secundo, il a tous les indices que ni la CEDEAO ni l’UA n’entreprendront rien qui puisse vraiment l’en empêcher. En toute bonne conclusion, il dispose du blanc-seing qui lui ouvre un boulevard pour tenter ce que, jusque-là, il n’avait pas encore osé entreprendre.

Ce n’est pas jouer les Cassandre que de le dire : aujourd’hui plus qu’hier, la Côte d’Ivoire semble engluée dans un bien inextricable bourbier. Et le plus déroutant, c’est qu’il n’existe pas la plus petite lueur qui permette un quelconque espoir dans un court ou moyen terme. A défaut, on s’essaie à la politique fiction. A supposer qu’une coalition internationale, à l’instar de ce qui se passe en ce moment en Libye, décide d’une intervention armée pour faire partir Gbagbo et installer ADO, à tout le moins elle aura réussi la gageure de rétablir le droit.

Mais elle aura l’heur de susciter l’ire de certaines têtes pensantes des instances africaines, qui ne manqueront pas de descendre en flammes ces « Occidentaux impérialistes et néocolonialistes impénitents », véritables esclavagistes des temps modernes qui rêvent de maintenir le continent noir sous leur férule tout en manifestant la ferme volonté de s’enrichir en volant le café et le cacao ivoiriens. Alors, constat : les Africains, bien que se trouvant dans l’affligeante incapacité de résoudre la question ivoirienne, refusent que des « étrangers » la résolvent à leur place. Pendant ce temps, le pays sombre dans la guerre civile. Une logique bien de chez nous. Renversante, incompréhensible et surréaliste. A fuir comme la peste.

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 25 mars 2011 à 17:12, par Bob En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    Mon frère,
    D’après ce que tu dis on a l’impression que tout va bien au Burkina.
    Tu ne penses pas que tu devrais plutôt t’occuper de tes soldats qui terrorisent toute une ville sans raison apparente, que de t’acharner en circonlocutions sur la Côte d’Ivoire !

  • Le 25 mars 2011 à 17:14, par Zas En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    Ah oui !
    C’est ça, cinquante ans de frustrations au lieu de cinquante ans d’indépendance.
    Les Africains ne prennent jamais leur responsabilité. Il faut toujours, que ce soit l’occident qui les mène.
    Si on doit faire partir Gbagbo par la force, il va falloir que ce soit les occidentaux qui décident.
    Quand Jean Ping critique la coalition qui a attaqué Kadhafi, parce qu’elle aurait décidé de l’attaque sans les consulter, ça m’amuse. Les Africains n’arrivent même pas à se décider d’aller déloger Gbagbo depuis 4 mois et ils veulent encore traîner le problème lybien. Dans tous les cas les occidentaux savent que ce sont eux qui décident tous le temps, voilà pourquoi, ils n’ont pas jugé indispensable de consulter l’UA

  • Le 26 mars 2011 à 10:41, par Aspro En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    Cela se voit que vous ne connaissez et ne comprenez rien de la crise en cote d’ivoire.Vous devrez par les tergiversations de la CEDEAO comprendre qu’il est impossible de transformer la vérité en mensonge et vice-versa. Tous les présidents qui siègent au sein de cette institution ont été déclarés présidents de leurs pays respectifs non par une certaine "communauté internationale" mais bien par un conseil constitutionnel ou son équivalent.Même des putschistes et assassins avérés comme Blaise Compaoré se sont arrangés pour se faire reconnaitre par leurs constitutions ou du moins ont arrangés leurs constitutions pour se légitimer aux yeux du "monde entier" dont ils ont d’ailleurs le soutient aussi longtemps qu’ils laisseront piller les richesses de leurs sols et sous-sols au détriment de leurs peuples.

  • Le 26 mars 2011 à 11:03 En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    bonne analyse, mais si on n’y prend garde, vous allez bientôt poser les mêmes questions pour le burkina faso et sans doute d’autres Etats, comme c’est d’ailleurs déjà le cas en lybie... ce que je ne souhaite pas.

  • Le 29 mars 2011 à 02:46, par savadogo cote d ivoir En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    peuple du bf si la ci va mal ces vos frer ouat et blaise. che nou on di pour nou reste pa a l etranger. le prochain sur liste ce vous. ceke vous avez cree en ci vous le payerai. jamais le mossi ouat szra president en ci

  • Le 29 mars 2011 à 11:10, par Clarice En réponse à : Crise ivoirienne : La reculade d’Abuja

    Je pense que tout a été dit les ivoiriens doivent prendre leur courage et se battre car il est temps qu’on en finisse avec cette crise. Personne ne viendra faire la paix à leur place, les innocents souffrent actuellement et cela me rend vraiment triste. Je prie jours et nuits, à chaque instant pour que la paix revienne dans ce beau pays qui nous a vu naître.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique