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Mahamadi Savadogo : Mister « Kadhafi »

Publié le lundi 27 septembre 2004 à 07h57min

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Mahamadi Savadogo

A 40 ans, Mahamadi Savadogo, jeune homme d’affaires burkinabè, dirige l’un des plus vastes empires financiers de son pays : le groupe SMAF International, un holding d’une demi-douzaine de sociétés, auquel il vient d’ajouter Mobil Oil Burkina.

Au Burkina Faso, tout le monde l’appelle Kadhafi. Ce surnom lui colle à la peau depuis son retour de Libye, au milieu des années quatre-vingt où il a obtenu un baccalauréat avant de s’inscrire dans une école de commerce. Objectif : décrocher un diplôme à HEC.

Après une année d’étude, Mahamadi Sawadogo est convaincu qu’il n’a pas besoin de diplômes pour gérer les affaires de son père à Ouahigouya [180 km au nord de Ouagadougou, la capitale]. Fils d’un commerçant transporteur, il a toutes les chances de réussir en affaires. De toute façon, le contraire aurait été étonnant pour un Yadéga comme lui, ce sous-groupe de l’ethnie mossi [majoritaire] très porté sur le commerce.

Tout comme ses vieux parents - qui pouvaient parcourir, à pied, des centaines de kilomètres pour le commerce de la kola et du sel, au temps précolonial- le jeune Mahamadi Savadogo voyage à travers l’Asie à la recherche de bricoles, « des chinoiseries » comme il les nomme, pour les revendre au Burkina. Il n’a alors que 25 ans et vient de claquer la porte de l’entreprise de son père à Ouahigouya pour voler de ses propres ailes.

Et pour avoir toute sa liberté d’action, il choisit de s’installer dans la capitale. Sans doute aussi pour ratisser large. « J’ai commencé par Lomé et Lagos Et très rapidement, je me suis lancé vers Séoul, Hongkong, Taiwan, etc. », explique "Kadhafi". Il s’oriente d’abord vers l’importation de pièces de rechange pour cyclomoteurs et autos ainsi que d’articles électroménagers, avant d’élargir ses activités à d’autres domaines [transport, immobilier, hydrocarbures]. C’est le début de la création d’un empire économique fort aujourd’hui de six sociétés, et qui emploie plus de 300 personnes pour un chiffre d’affaires annuel cumulé compris entre 15 et 20 milliards de francs CFA.

Mahamadi Savadogo dispose d’une solide avance sur la plupart des opérateurs économiques de son pays : pour avoir étudié en Libye, il parle couramment arabe et anglais. Un atout de taille qui lui permet de réaliser sans grande difficulté des affaires en Asie du Sud-Est ou dans les pays du Golfe, régions propices au négoce international en tout genre.

Un tempérament de baroudeur

En outre, pour les affaires, l’homme affirme un tempérament de baroudeur. Et il a du flair. Il sait exploiter toutes les - bonnes - occasions qui s’offrent à lui. En 1994, par exemple, au lendemain de la dévaluation du franc CFA. il est à la recherche de véhicules neufs pour renouveler son parc de taxis. Son chemin croise la firme automobile coréenne Daewoo, qui lui propose des modèles à la moitié du prix des Volkswagen utilisés jusque-là par sa société. Au fil des négociations, Mahamadi Savadogo découvre très vite l’opportunité de représenter Daewoo au Burkina. "Kadhafi" pousse plus avant les contacts et, en 1997, à la faveur d’un séjour en Corée - en compagnie d’autres hommes d’affaires burkinabè qui accompagnent Blaise Compaoré, en voyage officiel, il obtient l’agrément de concessionnaire Daewoo à Ouagadougou. Aujourd’hui, le groupe Smaf International représente aussi les constructeurs automobiles Honda [Japon) et SsangYong [Corée].

Jeune, grand voyageur, Mahamadi Savadogo se dit attaché à tout ce qui ressemble à une innovation ou un défi dans le domaine des affaires dans son pays. Il est ainsi le premier à créer au Burkina une compagnie de taxis-compteurs équipés de radiotéléphone. C’était en 1992, quatre ans après le lancement de sa société de transport, bien connue dans la sous-région, « Les Rapides ». « Aujourd’hui, j’ai un parc d’une centaine de véhicules, toutes catégories confondues, qui roulent en permanence », déclare-t-il avec fierté.

Dans le domaine de l’immobilier, ses « Résidences Aziz », situées avenue Kwamé Nkrumah -la principale rue des affaires de Ouagadougou -, font de "Kadhafi" le pionnier au Burkina dans ce qu’on nomme les appart-hôtels. C’est à la faveur de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football au Burkina, en 1998, qu’il fait bâtir cet imposant immeuble pour servir d’hôtel, Mais au lieu de simples chambres, le client occupe des appartements où il peut s’installer durablement avec une famille. « C’est le premier hôtel du genre au Burkina », se plaît à relever Mahamadi Savadogo.

Le surdoué des affaires excelle aussi dans le secteur du pétrole. Ainsi, avec la prise de contrôle du réseau national de distribution d’Exxon Mobil, il vient de réussir une des plus grosses opérations de l’année au Burkina. Certes, le groupe Smaf International était déjà présent dans les hydrocarbures avec une importante participation dans le capital de Shell Burkina et la récente création de sa propre société de distribution, Petrofa. Mais très peu d’observateurs imaginaient le jeune Savadogo capable de s’emparer tout seul de Mobil Oil Burkina - qui représente jusqu’à 25% du marché national de distribution des produits pétroliers.

Avec cette absorption, Petrofa devient la troisième société pétrolière du pays, après Total et Shell. Une hiérarchie que la nouvelle société veut bousculer. Son jeune promoteur, toujours porté sur l’innovation, a lancé un concept de stations-service dans lesquelles, outre les produits habituels, on trouve cybercafé, business-center ou fast-food, Et, pour faire bonne mesure, les activités de la société ont été lancées en grande pompe, début juillet à Ouahigouya, devant tout le gratin du monde des affaires, en présence du président de l’Assemblée nationale et de l’ambassadeur des Etats-Unis, Anthony Holmes.

Mahamadi Savadogo, qui possède également des affaires dans des pays de la sous-région - en Côte d’Ivoire notamment, dans le transport et l’immobilier -, regrette que les Etats de l’Union économique et monétaire ouest-africaine ne s’engagent pas à fond dans l’intégration. « Etant burkinabe, je subis des tracasseries à Abidjan et ailleurs pour obtenir un agrément. Ce n’est pas normal », fait-il observer. Très séduit par le modèle asiatique, "Kadhafi"’ pense que l’Afrique ne réussira à combler son retard que grâce à une révolution des mentalités. « En Asie, on travaille dans les ports la nuit. En Afrique, dès 17 heures, le client est refoulé. Comment peut-on alors prospérer ? » se demande-t-il.

Pour lui, l’Afrique a besoin non seulement d’un environnement économique nouveau, mais aussi de nouveaux hommes d’affaires différents du simple marchand colporteur. C’est pour inculquer ce nouvel état d’esprit que Mahamadi Savadogo a pris la tête d’un cercle de jeunes chefs d’entreprise, créé en 2002. Avec pour ambition de transformer en vrais managers les jeunes opérateurs économiques du pays qui évoluent toujours plus ou moins dans l’informel.

Ali Badra Diallo
Continental, N° 30 de septembre 2004

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