LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

Publié le lundi 14 mars 2011 à 00h41min

PARTAGER :                          

Depuis des mois, l’unique brasserie en activités du Burkina Faso enregistre de sérieuses difficultés pour approvisionner le marché national. Ce risque de pénurie que de nombreux consommateurs ignoraient s’est révélé au grand jour avec le sit-in des cavistes, devant la BRAKINA. Cette mauvaise nouvelle intervenant en pleine crise postélectorale ivoirienne qui a considérablement réduit les capacités d’importation du pays interpelle plus d’un sur la nécessité de repenser l’industrie en général et celle agroalimentaire en particulier afin de promouvoir et diversifier davantage les unités de transformation.

Il est temps qu’un autre acteur surgisse dans ce domaine si fermé de la boisson pour juguler ces types de caprices.
Le débarquement des grossistes, mercredi 9 mars dernier à la BRAKINA s’inquiétant d’un risque de pénurie des produits soulèvent bien de commentaires en matière de consommation. Emmené par leur syndicat, le SYNAGROB, ces intermédiaires entre l’usine et les détaillants semblent désemparés par une situation qui perdure depuis un trimestre environ. Agissant en quasi-monopole dans le secteur des boissons au Burkina Faso, la BRAKINA et sa structure de distribution, la SODIBO sont confrontées à de réelles difficultés d’approvisionnement dont les échappatoires ne peuvent plus convaincre leurs principaux clients, les cavistes.

Déjà, le manque de boissons est ressenti dans certains maquis et bars. Des localités entières voient venir une rupture totale. Des maquis n’hésitent pas à abreuver leurs clients de boissons importées des pays voisins avec tous les risques que cela comporte pour la santé publique. A dire vrai, la mauvaise passe de BRAKINA dévoile une face sombre de l’industrie agroalimentaire nationale qui a du mal à se promouvoir et à diversifier ses unités de productions. Cela aiguise la crainte de voir un jour le pays être, socialement et économiquement, déstabilisé par une pénurie totale. Car la chaîne des boissons anime profondément la vie des populations en termes de revenus générés et d’emplois créés. « Le Burkina Faso n’a pas besoin de cela actuellement », s’indigne avec juste raison, Justine Yanogo, Secrétaire Générale du SYNAGROB.

Son souci est partagé par beaucoup de ses compatriotes étant donné que le pays est déjà confronté à un dysfonctionnement de son circuit d’approvisionnement à cause de la crise postélectorale en Côte D’Ivoire. Si à la menace d’un arrêt d’approvisionnement pesant sur des produits de grande consommation (riz, lait, hydrocarbures, etc.), une rupture de boissons devrait s’ajouter, l’heure serait très grave pour les Burkinabé et leur économie. Quand un secteur d’activité est régi par une unicité d’intervenant, le pire peut survenir. Lorsqu’un seul opérateur contrôle tout un secteur, toute défaillance peut entraîner des conséquences très dommageables. Les grossistes de la BRAKINA paient cash le roulement à sens unique des affaires dans leur pays. Les économies les plus dynamiques et les plus compétitives sont celles où règnent la diversité et la multiplicité, véritable source de concurrence capable d’améliorer la qualité des produits et l’accessibilité des prix au bonheur des consommateurs.

Où est donc BRAFASO dans tout ça ?

Et le Burkina Faso dispose de tous les atouts pour asseoir une telle vitalité socioéconomique. Surtout que son climat des affaires reste actuellement l’un des meilleurs en Afrique. Il manque à l’appel de l’industrialisation tous azimuts de l’économie à travers la définition d’une politique ambitieuse du gouvernement dans ce sens et un soutien permanent de l’Etat pour l’émergence d’une race locale d’industriels. Le risque de pénurie dans le secteur particulier de la boisson relance le débat sur ce qu’advient les Brasseries du Faso (BRAFASO) et les appels incessants au secours lancés, aux gouvernants, par son fondateur.

En même temps que cette usine bâtie, à quelques encablures de la capitale dans la commune de Komsilga, force l’admiration de tout Burkina Faso avec ses installations ultramodernes imposantes, en même temps le retard accusé dans son ouverture pour des raisons relatées çà et là suscite un réel dégoût pour un opérateur économique national à se lancer dans l’industrie : « Sur une superficie de plus de cent (100) hectares, brasserie s’impose avec un investissement conséquent estimé à plus de quarante (40) milliards F CFA.

Le seul volet consacré à la bière est capable de produire vingt-une (21) variétés et une capacité de production de quarante mille (40 000) bouteilles par heure tandis que celui destiné aux eaux minérales et de la sucrerie en a vingt mille (20 000) par heure. Six cents (600) emplois directs et plus de soixante quinze mille (75 000) autres indirects y sont attendus ».

Tous les investissements consentis, à ses risques et péril, par un National serait du gâchis si les choses restent en l’état. A tout point de vue, BRAFASO serait un vrai mastodonte de l’agroalimentaire qui, paraît-il, aiguiserait, d’ores et déjà, la peur dans certains milieux d’affaires similaires. Son étouffement serait donc très espéré sous d’autres horizons. Visiblement, le promoteur semble financièrement à bout de ses ambitions qui ont consisté à se démarquer de la vision purement commerciale et unilatérale, « Import-Export », en vogue dans son pays pour tutoyer des multinationales.

Bien qu’il ait reçu l’accompagnement des maîtres de la bière, les Allemands, pour lui apporter une caution sur le plan de la qualité et bénéficier de la confiance des banques pour monter son affaire, la délicatesse de son secteur d’intervention commande que l’Etat mette maintenant la main à la pâte si tant est-il que le volet « Industrie » voire « Transformation » a un rôle essentiel à jouer dans la quête d’un « Burkina émergent ».

Le gouvernement est même interpellé par la communauté des affaires sur le cas pathétique de BRAFASO à la Xème Rencontre Gouvernement-Secteur privé en juillet 2010 à Bobo-Dioulasso. Ce cri de cœur semble n’avoir pas reçu d’écho favorable. Le coup de pouce de l’Etat se fait toujours attendre et les multiples invites à prendre des parts dans le capital sont également restés lettre morte. Qu’est-ce qui bloque donc un sursaut national public et privé à l’endroit de BRAFASO ? Ce qui allait être la première brasserie burkinabé digne de ce nom croupit honteusement sous le poids de ses investissements. Alors qu’elle aurait, un tant soit peu, résorbé le chômage, amélioré les revenus, distribué des richesses et soutenu l’agriculture par l’achat de céréales (maïs, riz). Au vu des retombées socioéconomiques, il est, en partie du ressort du gouvernement, de parrainer cette rallonge financière tant introuvable si nécessaire à l’ouverture de BRAFASO. Cette assistance est possible si les pouvoirs publics consentent à occuper une place de garantie morale auprès des banques pour trouver cette manne estimée à un milliard F CFA.

Quel développement sans valeur ajoutée ?

Le Burkina Faso est un pays enclavé à vocation agricole. Ses deux caractéristiques doivent forger sa politique économique pour amoindrir la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Cela revient à développer une capacité nationale à produire et à transformer sur place tout ce qui est possible. Voilà la source véritable de la valeur ajoutée si réclamée à chaque forum des affaires. Malheureusement, à contrario de nombreux pays qui promeuvent leur industrie et veillent à sa protection, les industriels burkinabé ont le sentiment d’être abandonnés, à leur triste sort, à la merci des multinationales, de la fraude et de la concurrence déloyale qui les écrasent à souhait.

Malgré leur volonté d’affaires dans l’industrie, leur élan patriotique, les forces visibles et invisibles sont tellement disproportionnées et en leur défaveur qu’il faut nécessairement la main sécourante de l’Etat. Il a fallu l’arrêt brutal des activités de Dafani dont les produits ont été perçus, à la fois, par tous les Burkinabé comme une identité et une fierté pour que le gouvernement se rechigne à entendre les supplications et consent à les aider pour sortir la tête du gouffre financier. Les efforts individuels, seuls, des promoteurs doivent absolument être accompagnés par l’Etat.

Il apporte là une caution et une protection salvatrices. Au moment où « l’import-export » montre douloureusement ses limites avec les différentes crises, il y a lieu de faire un grand et résolu clin d’œil à l’industrie. Seul un décollage et une affirmation du secteur de la transformation peut mettre le pays à l’abri du piège de la dépendance et des affres commerciales dû au monopole et à leurs influences inhibant l’initiative privée locale. Il est temps que la promotion de l’initiative privée, qui a enregistré des résultats probants en termes de création d’entreprises et d’emplois, ait un réel impact sur l’industrialisation. L’environnement économique sous régional et mondial actuel requiert maintenant une politique nationale consacrée à l’industrie burkinabé pour sauver de pénurie telle que celle vécue et crainte par la consommation.

Martin BONSDAWENDE

Pour lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 14 mars 2011 à 09:22, par Manitu En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    Mon frère, non seulement tu as raison, en plus tu peux même aller plus loin.

    Amusons nous à donner des noms aux choses. Qui a balayé du pied Dafani parce qu’on ne voulait pas qu’il entre dans le conseil d’administration ? Qui a donné des instructions pour qu’on bloque les emballages à la douane, pour qu’on leur fasse un redressement fiscal, pour qu’on les prive des évènements nationaux (SIAO et autres) et est allé jusqu’à en débaucher le DG ?

    Pour Brafaso, c’est pareil. Qui a donc posé le pied sur leur dossier ?

    C’est toujours le cas pour de nombreuses PME que se proposent de créer des burkinabé, beaucoup d’ex émigrés de la CI ou d’autres contrées. Juste parce qu’on a son gombo dans le domaine, il ne faut pas que quelqu’un vienne déranger. Ou bien parce qu’on trouve l’idée géniale et qu’on préfère la faire soi même.

    Effectivement les grands économistes, stratèges et autres penseurs qui tiennent à faire du Burkina un pays émergents oublient tous qu’on ne développe pas un pays avec l’agriculture et les mines, c’est faux. Le secteur primaire est gage de stabilité, pas de croissance. Sinon le Gabon serait la première puissance africaine. De plus on ne développe pas un pays avec les services. Le secteur tertiaire fait de la redistribution de richesse mais ne crée pas de richesse endogène. Un pays se développe par ses Industries, il n’y a rien d’autre. Les USA ont G.E, GM et j’en passe. Le Japon a ses métallurgies et ses grandes industries mécaniques. La France a AREVA, EADS, etc. C’est ça qui les rend "puissants". Ce ne sont pas les discours vides de sens...

  • Le 14 mars 2011 à 09:38, par Jean Ur SIDBOADA En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    Moi je pense que le silence du gouvernement au cri lancé par le promoteur de BRAFASO peut s’expliquer par le comportement des responsables de SOBBRA qui n’hésiteront pas à donner par ci et par là de gros pots de vin afin de bloquer l’émergence de ce fleuron burkinabê et de garder le monopole dans ce ssecteur. Les mulitnationales ne savent que faire ça dans les pays en développement où la lutte contre la corruption au haut lieu n’existe pas ! Merci de publier ma réponse aussi !

  • Le 14 mars 2011 à 10:26, par mat En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    vous auriez été avisé de parler des emplois que l’on risque de perdre que du manque d’alcool pour les consommateurs qui à mon avis reste moins inquietant qu’une pénurie de riz ou de mil.vous voulez qu’on parle de monopole au burkina ? regardez bien autour de vous avec les conséquences que cela a entrainé dans certains secteurs de l’économie. Les pauvres consommateurs de bière que vous pleurez se sont-ils plaint un jour de l’offre de BRAKINA ?Nous prions tous que BRAFASO ouvre et cree des emplois et participe au developpement du pays ainsi qu’à la satisfaction des attentes des consommateurs.

  • Le 14 mars 2011 à 11:33 En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    Belle réflexion sur la compétitivité du secteur. A kan Brafaso ?
    Autre industrie completèment ignorée par nos autorités et pour laquelle les autorités gouvernementales doivent etre interpellées à travers le parlement est la Société DAFANI.
    Peut-on au moins donner à l’opinion nationale les causes liées à la cession d’activité de ce fleuron de l’industrie burkinabé ?

  • Le 14 mars 2011 à 11:57, par mackiavel En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    franchement, je crois qu’il y a amalgame dans cette affaire. Nous n’avons pas à boire par Brakina pour des raisons approvisionnement suite à la crise ivoirienne. Brafoso passe par les même circuits de transport (vias Côte d’Ivoire) ce qui veut dire que c’est dur pour l’iguane et ce n’est pas non plus facile pour le crocodile. Mais de là à nous étaler tout le bien que vous pensez de mon ami Mohamed Sogli (Mohamed qui veut fabriquer la bière) , c’est dire que vous ne savez pas de qui vous parlez. Il est le seul responsable de ce qui arrive à Brafaso par la mauvaise gouvernance personnalisée de "sa structure". Il faut approcher les gens qui ont travailler dans la boîte comme haut cadres de conception et vous allez vous faire votre opinion. POur le moment, les bons de carburant qu’il vous adonné là, ça va vous rester dans la gorge.

  • Le 14 mars 2011 à 12:08 En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    Monsieur,

    Je viens de lire avec attention votre article et souhaiterai, par la présente, vous faire part de mes remarques :
    1 – sauf erreur ou omission de ma part, je n’ai pas souvenir que vous ayez pris contact avec nous pour croiser, et donc vérifier, les informations que vous distillez ;
    2 – le Synagrob a été reçu à deux reprises ces dernières semaines, les 28/02 et 10/03, sur le manque ponctuel de disponibilité de certaines références distribuées par la Sodibo. Les comptes rendu de réunion sont à votre disposition ;
    3 – la demande actuelle du marché est bien supérieure à nos projections ce qui perturbe en partie notre chaine d’approvisionnement elle-même victime de la situation que tout le monde connait en Côte d’Ivoire.
    4 – chaque jour, l’ensemble du personnel de la Brakina met tout son savoir-faire et sa compétence à répondre à la demande croissante du marché Burkinabé.
    Enfin, cette situation, attisée par quelques-uns à je ne sais quelles fins, n’est pas vouée à durer et devrait, en grande partie, être résolue d’ici à la mi-avril.
    Une demande de rencontre vous aurai certainement permis de publier un article plus objectif et donc plus proche de la réalité.

    Restant à votre disposition pour tout complément d’information.

    Marc POZMENTIER
    Directeur Général
    BRAKINA

    • Le 22 mars 2011 à 14:18, par Chiendent En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

      Monsieur POZMENTIER,

      Votre réaction est salutère mais cela n’enlève en rien le fond de l’article du jounaliste. Arrêtez de nous sortir des discours à faire péter un éléphant. Le fond du problème et l’incompréhension des Burkinabés est le fait qu’il n’y ait qu’une seule brasserie dans ce pays. L’état de monopole et donc de hold-up du consommateur est clairement établi ici.

      Ce n’est pas la prémière fois que des cas de pénneries surviennent dans votre société et ceux bien avant la crise ivoirienne ! Si vous aviez des concurrents sérieux je suis certains que des solutions auront jaillits dans le soucis de préserver votre part de marché.

      Alors de grace n’insultez pas l’intélligence des amateurs de bièrre.

      Benois CHIENDENT
      Activiste pour le droit des consommateurs

  • Le 14 mars 2011 à 17:11, par cool En réponse à : Pénurie de boissons : Le cinglant revers d’un monopole sans nom

    Parfaitement d’accord avec Manitu ! rien à redire...

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique