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SOUMANE TOURE, SG DU PAI : " Aucun ministre ne peut donner un récépissé à Philippe Ouédraogo "

Publié le mercredi 2 mars 2011 à 07h05min

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L’affaire PAI dure depuis 1998 et lors de la dernière audience y relative, le conseil d’Etat a annulé le récépissé pris en 2001, par lequel le MATD reconnaissait Soumane Touré comme SG du PAI. Est-ce la fin du feuilleton judiciaire ? Pour Soumane Touré, la légalité est toujours de son côté.

"Le Pays" : Quel commentaire faites-vous de la dernière décision de justice au niveau du conseil d’Etat [dans l’affaire PAI]

Soumane Touré : Premièrement, il s’agit de l’annulation répétée par les tribunaux administratifs d’arrêtés ministériels portant récépissés de reconnaissance des bureaux mis en place par des congrès successifs du PAI. Ces différentes décisions d’annulation d’actes administratifs n’ont jamais été motivées, c’est-à-dire que les différents juges administratifs se sont contentés de dire que ces actes administratifs étaient annulés sans dire pour quelles raisons. Deuxièmement, dès le premier jugement, le tribunal administratif de Ouagadougou, présidé par le juge Jean-Baptiste Ouédraogo avait donné raison au MATD qui avait refusé de délivrer à Philippe Ouédraogo un récépissé de reconnaissance de son bureau provisoire fabriqué hors congrès. La raison de ce refus du MATD ? Philippe Ouédraogo avait « oublié » de déclarer son bureau dans les délais prescrits par la loi.

"Philippe Ouédraogo n’a jamais eu de récépissé"

Par cette décision, le tribunal administratif de Ouagadougou constatait la forclusion de la demande de Philippe Ouédraogo, demande déposée 14 mois après la mise en place de ce bureau provisoire. Philippe Ouédraogo n’a jamais eu de récépissé et ce, depuis 1998 et aucun congrès du PAI depuis cette date ne l’a désigné comme secrétaire général du parti. Il n’a jamais eu, ni la légalité ni la légitimité d’un secrétaire général du PAI que l’administration aurait refusé de reconnaître. Précisons que Philippe Ouédraogo n’a jamais fait appel de la décision du tribunal administratif de Ouagadougou le concernant. Il a donc accepté cette décision de forclusion comme fondée. La décision du conseil d’Etat ne traite pas d’un différent qui opposerait Philippe Ouédraogo et Soumane Touré devant les tribunaux.

Il n’y a aucun rapport entre l’annulation du document administratif accordé à Soumane Touré comme secrétaire général du PAI et l’octroi automatique à Philippe Ouédraogo d’un récépissé comme Philippe Ouédraogo tente de le faire croire à l’opinion par ses périodiques campagnes médiatiques. Le conseil d’Etat n’a donc pas retiré le récépissé de Soumane Touré pour le donner à Philippe Ouédraogo, opération qui aurait, selon l’un de vos confrères, plongé Soumane Touré dans les affres de la dépression et élevé Philippe Ouédraogo dans la suprême félicité céleste. Le conseil d’Etat a annulé le récépissé par lequel le MATD reconnaissait Soumane Touré comme secrétaire général du PAI. Mais voilà ! Les militants du PAI ne connaissent pas d’autre secrétaire général ! L’attitude des tribunaux d’annuler sans motif les actes administratifs du MATD dans le cadre de la police des partis, place parfois ce dernier dans des situations embarrassantes. Le PAI n’a donc pas de problème, c’est le MATD qui en a et qui doit le régler.

D’aucuns estiment que votre absence à la dernière audience dénote de votre désintérêt pour l’affaire car votre avocat était absent

Il n’y a pas de désintérêt dans cette affaire. Les gens doivent se rappeler que c’est la 2e fois que l’affaire est venue devant le conseil d’Etat. En 2008, l’affaire est passée devant le conseil d’Etat pour la première fois. Le MATD premièrement a soutenu qu’il n’aurait pas commis notre avocat. L’avocat a fait vérifier par le tribunal qu’il y avait la lettre par laquelle il était commis. Deuxièmement, le MATD a dit qu’il se retirait de cette affaire, alors qu’il s’agit d’un arrêté ministériel qui est en cause. Il refusait ainsi d’assurer la continuité de l’administration. Notre avocat, si vous vous souvenez a ôté sa robe devant le tribunal en signe de protestation et a quitté la salle. Qu’est-ce que cela veut dire quand un avocat se comporte de la sorte ? Tout simplement pour dire que ce que vous êtes en train de faire n’est plus de la justice et du droit. "

Moi je suis un auxiliaire de justice ; si vous ne voulez plus dire le droit, moi je me retire". Là, le conseil d’Etat a reporté l’affaire sine die. Alors, qu’est-ce qui est réglé de ce point de vue pour que notre avocat se représente encore devant le même conseil d’Etat ?

La justice dit que pour cette dernière audience vous n’aviez pas donné les éléments nécessaires pour que le conseil puisse statuer

Ils veulent faire croire que c’est faute d’avoir fourni les éléments qu’ils ont jugé de la sorte. L’affaire dure depuis 12 ans et ce sont les mêmes juges (le même président, Venant Ouédraogo, qui était le président de la chambre administrative de la Cour suprême) qui ont connu l’affaire dès son départ, qui se retrouvent aujourd’hui au Conseil d’Etat, par avancement ou du fait de l’ancienneté, avec le même dossier. Ils ne veulent pas se déjuger. Ils savent ce pourquoi nous sommes devant eux. L’annulation du récépissé délivré par le MATD, dès le premier jugement, n’a jamais été motivée ? Que voulaient-ils qu’on leur donne comme éléments ? Même si notre avocat s’était présenté, qu’est-ce qu’il aurait présenté puisque l’annulation n’avait pas été motivée. A partir de quoi nous allons leur envoyer des éléments complémentaires ? Vous voyez comment ils ont jugé la carte d’électeur.

Cela vous donne t-il satisfaction ? Ce sont les mêmes juges qui l’ont fait le même jour que l’affaire PAI a été jugée. Mais dans l’affaire PAI, ce sont les mêmes magistrats qui sont montés dans leur hiérarchie jusqu’à se retrouver au conseil d’Etat. Ils ne veulent pas se dédire. Et ce qui est grave, c’est un abus d’autorité face au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Chaque fois le MATD prend un acte et donne un récépissé, ils l’annulent sans dire ce qu’il n’a pas respecté. S’ils avaient donné les raisons pour lesquelles le récépissé a été annulé, il y aurait des éléments à verser au dossier parce qu’on aurait dit pourquoi le MATD n’a pas respecté les dispositions légales. S’il n’ ya pas de motivations, il ne peut y avoir d’éléments complémentaires.

Pour l’opinion nationale, que faut-il retenir ? Si le récépissé a été annulé, que comptez-vous faire pour être dans la légalité que réclame le MATD ?

D’abord, ce n’est pas le MATD qui réclame la légalité. Chargé de la police des partis, le MATD nous suit depuis 1998 et sait que le PAI que je dirige a toujours fait régulièrement les choses en tenant ses congrès et autres. Quand les tribunaux annulent les arrêtés ministériels nous donnant récépissé, le ministre n’a pas d’autre choix que de reprendre le dossier du PAI qu’il a à son niveau. Et il retrouve toujours dans son dossier, le dernier bureau élu en congrès en 1998 avec Philippe. C’est moi qui suis le secrétaire général. Dans son travail de police des partis, il est obligé de dire "Soumane Touré, secrétaire général, convoque un congrès pour mettre de l’ordre dans ton parti" puisque les tribunaux s’amusent chaque fois à le décapiter. En continuant de recevoir Philippe Ouédraogo alors que ce sont les mêmes qui l’ont déclaré forclos et lui ont dénié toute prétention de se prévaloir de la qualité de secrétaire général du PAI dans toutes leurs décisions, ils font preuve de forfaiture et ce sont eux qui, au mépris de la simple décence, relancent cette affaire.

En tout état de cause, le PAI fonctionne régulièrement et conformément à ses statuts et règlement intérieur. Il a tenu son dernier congrès en décembre 2006 et a fait déclaration dans les délais légaux auprès du MATD. En 2007, conformément à ses statuts, le PAI a convoqué un Comité central pour procéder au remplacement des démissionnaires (Bonou, Sessouma et autres) et en fait déclaration dans les délais légaux auprès du MATD.

"C’est le MATD qui a un problème"

Les congrès étant prescrits pour tous les cinq (05) ans dans nos statuts, le prochain congrès du PAI se tiendra en décembre 2011. Vraiment à notre niveau, le PAI n’a pas de problème. C’est le MATD qui a un problème. Il pose des actes et le tribunal s’amuse chaque fois à annuler ces actes sans dire en quoi ces actes ne sont pas bons. C’est le MATD qui va encore avoir du travail. C’est à lui de tirer les conséquences de ce jugement et de dire ce qu’il faut faire pour que le PAI soit doté d’une direction correcte. C’est pourquoi les gens disent qu’il y a complicité entre nous et les différents MATD. Non il n’y a aucune complicité. C’est eux qui prennent les partis et leur dossier et constatent que le dernier SG régulier, c’est Soumane Touré. Dans l’intervalle vous ne verrez pas un congrès qui a élu Philippe Ouédraogo SG.

Il n’a donc ni légalité ni légitimité, et le premier jugement lui a fermé définitivement la possibilité d’avoir un récépissé et d’être SG du PAI, puisqu’on dit qu’il est forclos pour non déclaration dans le délai de huit jours. C’est une décision de justice. La justice même est tenue par cette décision : l’autorité de la chose jugée. Il n’a pas fait appel de cette décision. Tous les ministres qui vont venir ne peuvent délivrer un récépissé à Philippe parce qu’il y a eu ce premier jugement qu’il a accepté et dont il n’a pas fait appel.

Sur les reformes, des propositions sont déjà faites. Pouvez-vous nous dire dans quel sens aller pour que la démocratie s’enracine au Burkina Faso ?

La demande des reformes à faire après notre expérience démocratique a été formulée par plusieurs composantes de la société : la classe politique, les OSC et j’en passe. Même le pouvoir a admis qu’il faut faire des reformes. Toutes ces composantes ont souvent fait des propositions écrites et des prises de position publiques. Il faut retenir une chose. Le parti au pouvoir représenté par le président de l’Assemblée avait dit que tout cela était bon et qu’il ne fallait pas y toucher. Vous vous souvenez qu’en 2008 à l’occasion du cinquantenaire de la constitution de 1958, le PAI avait dit qu’il fallait le célébrer. Nous sommes allés jusqu’à dire qu’il fallait une 5e république. Ils ont rétorqué que leur 4e République leur suffisait. Ensuite, quant il y a eu en 2008 le mouvement de la refondation, le président de l’Assemblée nationale a dit que le parlement est le seul cadre des reformes et que celui qui avait quelque chose à dire, devait s’adresser à eux.

Ils étaient contre les reformes. Vous avez vu qu’au niveau du CDP, Salif Diallo a tenté quelque chose et il a été sanctionné. Ils ne voulaient pas des reformes. Brusquement tout le monde parle des reformes. Ils sont arrivés à l’idée c’est une bonne chose. Mais le président doit savoir que son parti, l’Assemblée et les autres institutions sont complètement disqualifiées pour parler des reformes et les prendre en charge. L’Assemblée en 2009 a fait des reformes mais elles étaient toutes anticonstitutionnelles. Le PAI l’a fait ressortir et l’a dénoncé. En ce qui concerne notre processus électoral, le PAI a interpelé plusieurs fois le Conseil constitutionnel. Rien n’a été fait. On est arrivé à l’élection présidentielle de 2010 qui a consacré le naufrage de notre processus électoral. Maintenant, si avec l’évolution en Afrique et dans la sous région, le président arrive à l’idée des reformes, nous disons que cela devait procéder d’une démarche pacifique, constitutionnelle et républicaine.

En 2008, nous avons interpelé le président du Faso pour qu’il convoque toutes les composantes de la société pour discuter et adopter des reformes. La procédure pour arriver à ces reformes est très importante. De toutes les institutions de la République, les trois pouvoirs se sont complètement disqualifiés. C’est lui qui vient de légaliser son bail de cinq ans. Je dis bien légaliser car vous savez comment l’élection présidentielle s’est passée. Il a la légalité de cinq ans et c’est son dernier mandat constitutionnel. Il est un partant normalement, selon la Constitution. S’il veut faire correctement les choses qu’il écoute les gens et qu’il mette une procédure en cours où les composantes du peuple vont être réunies pour discuter de ces reformes. Maintenant, il y a un problème très sérieux sur lequel encore le régime joue sa crédibilité, qui se pose. Ce sont les élections couplées de 2012. La façon dont l’élection présidentielle s’est déroulée prouve que les conditions pour réussir un scrutin couplé en 2012 ne sont pas réunies. Il faut commencer à dissoudre la CENI dès à présent et mettre une nouvelle structure en place pour que nous ayons des élections propres, équitables et transparentes sur la base d’un fichier fiable et accepté de tous.

"C’est un individu qui a un problème avec l’article 37 : Blaise Compaoré"

Après 2012, on peut parler des reformes. Mais si on transforme tout cela en des questions techniques avec le nouveau ministre. La preuve, c’est que la presse commence à l’appeler le "ministre de l’article 37". Le président du Faso ne doit pas oublier que le débat sur les reformes est vicié par la précipitation avec laquelle les gens de son parti ont engagé le débat sur la révision de l’article 37. Au PAI, nous avons refusé de rentrer dans le débat de l’article 37 parce que c’était une diversion et que ce n’était à pas à l’ordre du jour. On voulait masquer l’échec de la préparation de l’élection présidentielle. L’article 37 n’est pas révisable contrairement à ce que tous ces intellectuels du régime disent.

Il faut le lire en cohérence avec le caractère républicain. Il faut le lire en rapport avec l’article de la Constitution qui dit que toute idée du pouvoir personnel et proscrite. C’est un individu qui a un problème avec l’article 37 : c’est Blaise Compaoré. C’est lui qui veut rester au pouvoir. Ils l’ont déjà manipulé une première fois sur la durée. En 20 ans, le régime n’a même pas pu réussir la dernière élection. C’est une catastrophe et un échec même s’ils disent qu’ils ont été massivement élus. Sur 16 millions d’électeurs potentiels, on a que 3 millions d’inscrits sur des listes électorales qui ne sont pas reconnues et fiables. Sur les 3 millions il y a la moitié qui a voté et sur cette moitié lui il a eu 1 million. Nous disons qu’il a renouvelé la légalité de son bail de 5 ans.

C’est de la malhonnêteté de la part des intellectuels qui disent que l’article 37 est révisable. Il faut lire plus loin les 3 articles qui suivent. La Constitution est contre l’instauration d’un pouvoir personnel et la domination du peuple par une fraction du peuple. Pour ce qui est des réformes, il faut les laisser de côté pour résoudre le problème du scrutin de 2012. Peut-être qu’après cela tout le monde sera rassuré pour parler de réformes. Nous vous donnons rendez-vous le 30 mars prochain lors de notre rentrée politique pour en reparler.

Propos recueillis par Dayang-ne-Wendé P. SILGA et Aimé NABALOUM (Stagiaire)

Le Pays

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