Paris mon paradis : Pour ne pas dire mon enfer
Après avoir participé à l’édition précédente du FESPACO dans la catégorie panorama, la jeune réalisatrice burkinabè Eléonore Yaméogo nous revient cette fois-ci avec un documentaire intitulé « Paris mon paradis ». Cette œuvre filmique qui dépeint les vraies réalités des immigrés dans l’Hexagone, est en compétition officielle et passe les mardi 1er et jeudi 3 mars.
Voici la vision que nous avons de nos frères immigrés en France : ils arrivent à « Bengué ». Ils ne repartiront pas les mains vides. Ils envoient de l’argent au pays et de bonnes nouvelles. Ils ne laissent rien paraître des difficultés morales et matérielles dans lesquelles ils sont souvent. Ils entretiennent le rêve, le mythe d’un eldorado, d’une immigration synonyme de réussite et de richesse…
Ce regard-là est trop beau pour être vrai. L’aventure, surtout en Europe, n’est pas tout le temps ce tableau somptueux que les uns et les autres font miroiter. Et à partir de ces illusions, Eléonore Yaméogo, jeune réalisatrice burkinabè vivant en France, a décidé de montrer la réalité des choses.
Dans un documentaire de 52 mn, biens colorées, elle aborde le sujet en présentant le phénomène de l’immigration avec toutes ses ramifications complexes et concrètes. « L’idée du film est partie de mon premier voyage en France où j’ai été choquée de voir certains immigrés africains, que je croyais avoir réussi, à partir des images qu’ils nous faisaient parvenir.
Quand j’ai vu la réalité, la précarité dans laquelle ils vivaient, je me suis posé la question de savoir pourquoi Paris restait un mystère. Et je me suis dit qu’il était temps de dépeindre la réalité pour démystifier ce côté paradis ou eldorado que les gens entretiennent ».
En clair, notre réalisatrice n’a occulté ni aspect historique, ni aspect administratif encore moins humain. C’est d’ailleurs pourquoi elle a choisi le cinéma réel : le documentaire. Pour ce qui est des fictions, il faudra patienter. Elle ne veut pas sauter d’étapes.
Si miss Yaméogo est parvenue à mettre en boîte ce documentaire, c’est avant tout par la force du courage mais aussi par la chance. Car, reconnaît-elle, « ce n’est pas évident de rentrer dans tout le système de recherche de financement et de trouver les producteurs pour sortir un film ». Après tout, elle a eu du mérite.
Mieux, la sélection de « Paris mon paradis » marque la présence de la nouvelle vague du cinéma africain. L’on pourra dire que le sujet qu’elle aborde n’est pas nouveau, mais ce documentaire a l’avantage d’être un regard africain sur la société française. Mieux, les personnages témoignent à visage découvert ; sans aucun doute un choix pour ne pas continuer à masquer le paradoxe de l’immigration.
Sur la catégorie dans laquelle elle est en compétition, cette ancienne étudiante de l’ISIS ne se fait pas d’illusion : « Je ne fais pas de fixation sur l’obtention d’un prix, car c’est déjà une bonne chose de participer et d’être arrivée au bout de ce projet qui m’a pris 3 ans ».
Mais qu’on se comprenne, Eléonore ne veut pas décourager les futurs candidats à l’immigration, elle veut juste leur permettre de s’imprégner de la réalité avant de faire leur projet de voyage hexagonal. « Paris mon paradis », pour ne pas dire Paris mon enfer, passe ce mardi 1er mars à 14h au CBC et le jeudi 3 prochain au ciné Neerwaya à 16h.
Kader Traoré
L’Observateur Paalga