LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

France : Terrible constatation pour Nicolas Sarkozy , le « sarkozysme », ça ne marche pas non plus en matière de relations internationales.

Publié le mardi 1er mars 2011 à 00h43min

PARTAGER :                          

Il y a beaucoup d’injustice dans le « licenciement » de Michèle Alliot-Marie convoquée à l’Elysée puis à Matignon le dimanche 27 février 2011, pour remettre, contrainte et forcée, sa démission de ministre des Affaires étrangères et européennes. C’est Nicolas Sarkozy qui aurait dû « dégager » : la faillite de la diplomatie française est, d’abord, l’échec du « sarkozysme » ; et le « mélange des genres », c’est lui qui l’a initié comme mode de production politique dès son accession à la présidence de la République.

Mais bon, Sarkozy est élu ; et c’est lui qui a nommé Alliot-Marie au gouvernement ! Alors exit la madone de la droite française, recordwoman des portefeuilles ministériels (1986-1988 ; 1993-1995 ; 2002-2011) et qui, il y a quelques mois encore, pouvait ambitionner d’occuper le poste de premier ministre. Fin de parcours abrupte qui ne manque pas d’avoir, également, des allures de règlement de comptes : MAM et « Sarko » ne formaient pas le couple le mieux assorti de la Vème République. Et le locataire de l’Elysée ne manquait pas d’avoir accumulé les ressentiments contre la « chouchoute » de Jacques Chirac qui n’avait jamais manqué de contrer ses ambitions et, à l’occasion, celles de ses « amis » politiques, et qui apparaissait, jusqu’au soir du 27 février 2011, comme une personnalité incontournable de la scène politique française.

Sarkozy n’avait-il pas accepté ce qu’aucun président de la République (et aucun chef de gouvernement) ne s’était autorisé jusqu’à présent : accueillir dans le même gouvernement Alliot-Marie et son compagnon, Patrick Ollier, dont les connexions avec Tripoli - où par le passé, il avait multiplié les missions d’hommes d’affaires français (cf. LDD Libye 02/Mardi 8 avril 2003) - étaient bien plus fortes que celles de MAM avec Tunis, c’est tout dire ! Mais il était difficile pour Sarkozy, à un an de la prochaine présidentielle, de virer deux figures majeures du « gaullisme » en un temps où il est obligé d’être à l’écoute de son « meilleur ennemi » : Dominique de Villepin (qui, par ailleurs, n’est pas le meilleur ami du couple MAM-Ollier). Nul doute qu’il était nécessaire de conserver Ollier dans le gouvernement pour éviter que MAM ne devienne un électron libre se répandant sans retenue dans les médias sur les pratiques du « sarkozysme » qui a déjà perdu, pour l’essentiel, ses alliés du « centre » et ceux de « l’ouverture à gauche ».

Confronté à de mauvais sondages, à une conjoncture économique et sociale tendue, à l’impact des « lepénistes » dans l’électorat de droite, Sarkozy n’était même plus en position d’instrumentaliser les relations internationales de la France comme variable d’ajustement de sa gestion politique. La promotion en novembre 2010 de deux « gaullistes », par ailleurs deux « chiraquiens », comme numéros deux et trois du gouvernement avec le titre de ministre d’Etat, en l’occurrence Alain Juppé et Alliot-Marie, était déjà l’expression de la faillite du « sarkozysme » en matière de politique intérieure. L’exclusion de MAM et l’accession de Juppé au Quai d’Orsay traduit, clairement, désormais, la fin du « sarkozysme », et rien d’autre, dès lors que son acceptation de la fonction était liée au dégagement en touche de ceux qui faisaient, jusqu’à présent, la politique étrangère de la France : Claude Guéant et Jean-David Lévitte.
Sarkozy n’est pas du genre à reconnaître que, depuis quatre ans, il a « tout faux ». En matière de politique intérieure, d’économie, de relations sociales, de relations internationales… Mais Juppé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, numéro deux du gouvernement (pour ne pas dire numéro un bis), a, jusqu’à présent, été bien moins dans la retenue. Dans les entretiens accordés depuis qu’il a entrepris de se relancer en politique après son échec à Matignon (en 1997), il s’est toujours affirmé « gaullo-chiraquien », n’ayant « jamais cru à la rupture », opposé au débat sur l’identité nationale et à la loi d’interdiction générale de la burqa, critique en ce qui concerne la démarche « environnementale » du gouvernement, favorable à l’adaptation du « bouclier fiscal », circonspect quant à l’évolution de l’UMP qui « souffre d’un déficit de débat, de diversité, d’anticipation », préoccupé du « danger d’une coupure entre la France d’en haut et la France d’en bas », etc.

La démarche de Juppé est claire et nette. Dans un premier temps, il s’agissait de revenir sur la scène politique sans rien demander ; « Si je peux aider Sarkozy… » disait-il alors (Le Figaro du 11 mars 2009), sous entendu que cela ne marchait pas si bien que cela pour le chef de l’Etat. Un an plus tard, au lendemain de la défaite de la droite aux élections régionales, il se positionnait, avec « modestie » soulignait-il, comme un possible candidat afin de faire gagner la droite en 2012 s’il était avéré que Sarkozy n’en serait pas capable. « S’il advenait qu’il décide de ne pas se représenter, l’UMP devrait organiser des primaires. Dans ce cas, j’envisagerai de concourir », déclarait-il au quotidien Le Monde (11-12 avril 2010).

Sept mois plus tard, il était numéro deux du gouvernement, ministre d’Etat, ministre de la Défense, et affichait, sobrement, sa différence notamment sur la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, l’Afghanistan, la nature « policière et dictatoriale » du régime Ben Ali… Quand on le présentait comme le fer de lance d’un « antisarkozysme de droite », il répondait : « Je ne suis pas anti-Sarkozy. J’ai de l’amitié pour lui. Je me considère dans la majorité, mais avec ma liberté de parole ». Aujourd’hui, on peut l’affirmer clairement : il pense être celui qui peut faire gagner la droite en 2012 ; une droite « gaullo-chiraquienne » qui, en cherchant des alliances au centre, se démarquerait de la droite « sarko-lepéniste ».

J’évoquais tout à l’heure le « tout faux » de Sarkozy. Ce « tout faux » résulte d’une certaine conception des choses. Qui n’est pas, par ailleurs, une conception « sarkozyste ». On peut penser que, aujourd’hui, la droite française se partage en deux tendances que, pour simplifier, on peut qualifier de « gaullo-chiraquienne » d’une part et de « sarko-lepéniste » d’autre part. Non pas que ces derniers prônent une alliance avec Marine Le Pen ; mais c’est sur « la conception des choses » des électeurs du Front National qu’ils entendent fonder leur campagne pour la présidentielle 2012. Sécurité et immigration. C’est pourquoi il faut relativiser l’arrivée de Juppé au Quai d’Orsay dès lors qu’elle a conduit Sarkozy a nommer Guéant au ministère de l’Intérieur, ministère clé dans la perspective de la présidentielle.

Tandis que Juppé va faire un « bon boulot » pour remettre en route la diplomatie française - ce qui n’améliorera pas nécessairement sa visibilité sur la scène politique française dès lors que les affaires étrangères sont le « domaine réservé » du chef de l’Etat et que celui-ci ne manquera pas de lui faire toute l’ombre possible - Guéant va faire le « sale boulot » place Beauvau (personne d’ailleurs ne rappelle les connexions entre Guéant et Moussa Koussa, alias Moussa Mohammad Abdoussalam, cousin du colonel Kadhafi, patron des services libyens et interlocuteur privilégié de la place Beauvau quand Sarkozy en était le patron et Guéant le numéro deux). Un Guéant que ses biographes (Christian Duplan et Bernard Pellegrin - « Claude Guéant. L’homme qui murmure à l’oreille de Sarkozy » - Editions du Rocher, Paris 2008) présentent comme l’instigateur d’une « révolution conservatrice », autrement dit le chantre de la réaction. Et si après avoir laminé Alliot-Marie, Sarkozy and Co. entendaient laminer Juppé ? Autrement dit la « droite libérale » en faveur d’une droite radicale !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique