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MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

Publié le mardi 8 février 2011 à 00h35min

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Le ministre Filippe Savadogo

Le Burkina Faso est un pays de culture, se plait-on à dire. Aussi, en vue d’une meilleure contribution de la culture au développement national, les autorités ont entrepris une organisation du secteur, à travers notamment l’instauration d’un cadre institutionnel et législatif. L’adoption, en 2003, du décret portant réglementation de l’organisation des spectacles culturels au Burkina Faso s’inscrit dans cette dynamique. Mais presqu’une décennie après l’avènement de ce texte censé ramener de l’ordre dans ce milieu miné par un désordre néfaste, le constat est déconcertant…

Parviendra-t-on un jour à mettre de l’ordre dans le secteur des arts du spectacle au Burkina Faso ? La question mérite d’être posée au regard de ce qui se passe dans ce milieu, malgré les dispositions législatives et les discours maintes fois ressassés, quant à la volonté des autorités d’y mettre de l’ordre. Dans les rangs des artistes et autres entrepreneurs culturels ayant choisi d’évoluer honnêtement dans ce secteur, les signes d’impatience et de désespérance sont, de plus en plus, perceptibles devant ce qui est considéré comme laxisme, voire complicité de l’autorité.

Face à l’action néfaste de ceux qu’on appelle, dans le milieu, les fossoyeurs de la culture burkinabè, ces soi-disant promoteurs de spectacles à la petite semaine, qui foulent aux pieds les règles élémentaires en la matière, l’on est surpris du mutisme de l’autorité. Ils sont, de plus en plus nombreux, ces individus qui, sans la moindre qualification ni les autorisations requises, s’improvisent, du jour au lendemain, entrepreneurs culturels et opèrent, en toute impunité, dans un secteur pourtant régi par des lois.

« Il n’y a qu’au Burkina Faso où n’importe quel quidam, parce qu’il a quelques milliers de francs CFA qu’il veut faire fructifier, peut se lever un matin, se proclamer entrepreneur culturel et se lancer, sans être inquiété, dans l’organisation d’évènements culturels, au grand mépris des règles et des professionnels du domaine », constate, avec dépit, un artiste musicien.

Pourtant, depuis 2003, il existe une loi régissant l’organisation des spectacles culturels au Burkina. Il s’agit du décret N°2003-149/PRES/PM/MCAT, portant réglementation de l’organisation des spectacles culturels au Burkina Faso. Il stipule, en son article 3, que « l’organisation de spectacles culturels à titre professionnel est soumise à la possession d’une licence préalable d’entrepreneur de spectacles culturels ; d’une autorisation d’organisation de spectacles culturels et au respect de la réglementation relative à la sécurité et aux libertés publiques ».

Fin manquée de la recréation

L’article 9 est formel : toute organisation de spectacles sans la détention de la licence d’entrepreneur ou sans les autorisations requises, constitue une contravention de 4e classe, punie d’une amende allant de 15 000 à 50 000 FCFA. Mais dans la réalité, cette loi n’a aucune emprise sur les pratiques. Si bien qu’en juillet 2007 déjà, le directeur des arts, du spectacle et de la coopération culturelle, Raphaël Kompaoré, était sorti de sa réserve pour sonner la fin de la recréation : « Après trois ans de tolérance envers les promoteurs culturels ne possédant pas de licence, le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme va sanctionner. Désormais, des contrôles inopinés seront effectués dans tout le Burkina Faso… », avait-il menacé. Puis, plus rien ! La chienlit s’est poursuivie.

Sauf erreur, aucune sanction n’a été prononcée jusque-là envers quiconque. Pire, le ministère lui-même se rend coupable, sinon complice de certaines pratiques contraires aux règles établies. L’une des parfaites illustrations de cette pagaille organisée, face à laquelle de nombreux artistes et autres promoteurs culturels burkinabè ne décolèrent pas, ce sont les derniers Kora organisés, en avril dernier, à Ouagadougou. Aux yeux des uns et des autres, cette manifestation portée, à bouts de bras, par les plus hautes autorités du Burkina, a été la plus grosse déconvenue que le monde culturel du « pays des hommes intègres » ait connue. Ils sont nombreux à ne pas comprendre le fait que les autorités burkinabè aient cautionné une telle arnaque. D’abord, cette manifestation n’a respecté aucune disposition légale en matière d’organisation de manifestations culturelles.

Complicité d’escroquerie !

La loi dispose que toute personne désirant exercer une activité d’entrepreneur culturel au Burkina Faso est tenue d’y avoir son siège ou sa résidence. Toutefois, précise le texte de loi, les entrepreneurs non résidents peuvent faire élection de domicile auprès d’un entrepreneur national détenteur d’une licence en cours de validité. Le promoteur des Kora 2010 n’a, selon toute vraisemblance, satisfait à aucune de ces dispositions. Pourtant, le ministère de la Culture, chargé de l’application de cette loi, lui a déroulé le tapis rouge pour la manifestation qui, pis est, était placée sous le « très haut parrainage du président du Faso et de la première dame ».

Ernest Adjovi

Mais ce n’est pas tout : le promoteur des Kora, Ernest Adjovi, a poussé l’outrecuidance jusqu’à ne pas respecter les engagements pris vis-à-vis des lauréats. De sources proches de ceux-ci, en dehors des P-squares dont le prix a été payé par le président du Faso, et de quelques chanceux, le plus gros lot des lauréats n’a, jusqu’à ce jour, reçu aucun centime des prix officiellement octroyés. Et ce ne sont pas les lauréats burkinabè tels Smokey et Amity Meria qui diront le contraire. Le gros chèque en carton estampillé « Coris Bank », remis à Amity, reste le seul gain qu’elle a eu. Un chèque en carton ! Le vrai chèque ne lui a jamais été remis. Les multiples démarches entreprises par les intéressés auprès du promoteur des Kora, tout comme du ministère de la Culture, ont été infructueuses.

Smockey

En juillet dernier, au cours d’une rencontre, le ministre, par la voix de son directeur de cabinet, les aurait tout simplement suppliés de ne pas ébruité l’affaire, tout en promettant une solution dans de brefs délais. Depuis lors, rien. Absolument rien ! Du côté des lauréats étrangers, on n’exclut pas la perspective d’intenter une action en Justice contre les autorités burkinabè et le promoteur des Kora, pour « complicité d’escroquerie », a-t-on appris de sources dignes de foi. adjoviErnest Adjovi n’avait-il pas affirmé, au sujet de ses rapports avec les autorités burkinabè, qu’il était « soutenu à 200% » par ces dernières ? « Ce monsieur n’est pas à son premier essai en matière de non-respect de ses engagements vis-à-vis des artistes. Même le petit Madson Junior, qui a eu un prix en Afrique du Sud, n’est jamais rentré en possession de son prix… Il n’y a que les autorités burkinabè pour se prêter au jeu de ce type... », déplore un artiste. L’entente entre les autorités et le promoteur des Kora, explique un promoteur culturel, était toute simple : « Dans leur souci d’endormir le peuple et surtout dans leur soif presque maladive de visibilité au plan international, ces autorités avaient besoin du label des Kora ; peu importe la terne réputation du promoteur.

De son côté, ce dernier aussi, dans sa situation d’errance, après sa déconvenue sud-africaine, avait besoin d’un pays, peu importe lequel, pour renaître. Voilà les bases de cette entente ». Contrairement à une certaine rumeur ayant fait état, entre-temps, d’un divorce entre Adjovi et les autorités burkinabè suite aux Kora, des sources concordantes indiquent que les relations entre les deux parties sont intactes. Adjovi ayant toujours des entrées à la présidence du Faso. Si bien que certains parlent d’une réédition des Kora à Ouagadougou. Ainsi, le grand désordre s’impose, de plus en plus, dans l’organisation des spectacles culturels au Burkina. Avec la complicité affichée des autorités burkinabè.

Par Y. Ladji BAMA


Blanchiment d’argent ?

A côté des Kora 2010, il existe bien d’autres exemples de pratiques biscornues dans le domaine culturel au « pays des hommes intègres ». Le cas de cette promotrice tout à fait singulière revient le plus souvent. Parce qu’elle est fille d’une opératrice économique « intouchable », elle ne s’embarrasserait pas de fioritures pour convier de grosses pointures de la musique internationale pour des concerts à Ouagadougou. Ces artistes sont payés à des sommes à donner le tournis tandis que les revenus du concert ne représentent manifestement pas grand-chose. Comment arrive-t-elle à rentabiliser son investissement dans de pareilles circonstances ? Bien malin qui saura y répondre.

En tout cas, ils sont nombreux à y voir les traces d’un blanchissement d’argent. Autre symbole du désordre dans le domaine des manifestations culturelles dénoncé par les acteurs du milieu, les élections Miss Burkina. Le promoteur de cette autre manifestation à envergure nationale, Moustapha Thiombiano, est pointé du doigt pour ses engagements maintes fois non tenus... A quand donc la fin de ces tribulations ? Le secteur des arts du spectacle, englué dans cette pagaille, réussira-t-il à décoller véritablement ? Dur, dur, car le désordre s’impose, de plus en plus, au vu et au su des autorités...

Y. L. B

Le Reporter

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Vos commentaires

  • Le 8 février 2011 à 09:26, par pouya En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    cette situation traduit un manque de rigueur au niveau du département en charge de la culture et c’est à l’image du pays.

  • Le 8 février 2011 à 09:47 En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    Merci Ladji pour ce travail. Ouagadougou n’est pas la capitale culturelle de l’Afrique, c’est peut être la capitale des manifestations culturelles (organisées par le privé où des passionnés se battent). C’est la pire des betises que d’avoir organiser les kora. Quand Adjovi a eu des problème au Nigéria, c’est en Côte d’Ivoire qu’il est d’abord allé. Mais là bas on lui a dit, il n’y a que le Burkina qui peut prendre ton truc là ! C’était malheureusement vrai. C’est dommage qu’après 11 ans passés à Paris le ministre de la culture n’ai pas compris l’importance et le fonctionnement de l’industrie culturelle. Si je pense qu’il a été reconduit à son poste, je pleure nos industries culturelles naissantes.

  • Le 8 février 2011 à 09:52, par AN En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    merci le reporter pour cet article.voila comment aucun artiste burkinabé ne peut emerger sur le plan international.victimes de l’anarchie totale du milieu avec la compilcité des autorités culturelles.si les artistes ne se lèvent pas, qui va le faire pour eux ?ca me fait rire quand j’entend les artistes sur les medias qui se plaisent à travers des propos du genre, mon album se comporte très bien,je fait des centaines de spectacles nationaux et internationaux et ils sont toujours pauvres comme des rats d’église.

  • Le 8 février 2011 à 10:09, par vale En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    bel article surtout l’election miss Burkina il fo tout simplement retire cette manifestation des mains de cet homme de mauvaise volonte car les miss les miss ne sont pas representatifs et il foule ce concours au pied dans d’autre pays l’election miss est un evenement national

  • Le 8 février 2011 à 12:39, par Mahmud BEN MAHMUD En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    Question aux connaisseurs du domaine : le la "Miss Burkina" est-illa propriété de Moustapha ou bien je peux moi aussi utiliser ce label ?

  • Le 8 février 2011 à 17:04, par Dinar En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    C’est facile de se renseigner auprès du BBDA ou de l’OAPI pour savoir si "Miss Burkina" est protégé et comment il l’est. un coup de fil pourrait suffir. Vivement quelqu’un pour nous débarrasser de cette version Labli Thiombiano

  • Le 1er décembre 2012 à 14:49, par hobs En réponse à : MANIFESTATIONS CULTURELLES AU BURKINA : Grand désordre, grosse arnaque, grosse colère !

    Merci Ladji. Mais une précision. Smockey est entré en possession de ce qu’on lui devait. Du moins une partie. Je ne sais pas trop pour Amety mais Smockey a reçu une partie de son argent.

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