LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Côte d’Ivoire : après les billets Sia Popo, les francs Licorne

Publié le mercredi 22 septembre 2004 à 07h19min

PARTAGER :                          

Il y a une maxime qui dit que la meilleure façon de conserver son bien, c’est de le confier à un voleur. Mais ce n’est pas à tous les coups que ça marche.

La preuve en a été administrée par 12 militaires français de l’opération Licorne, qui assuraient la garde de la succursale de la BCEAO à Man. Et ils voulaient tellement bien garder le pognon qu’ils ont pensé qu’il serait plus en sécurité dans leur poche. Résultat, 65 millions de francs CFA pour ne pas dire de francs Licorne ont disparu des coffres-forts de la banque.

C’est à peu de choses près l’équivalent de 100 000 euros. Ce qui aurait fait au partage, s’il était équitable, 12 000 £ par tête de pipe. Si les gardiens braqueurs étaient de simples conscrits au sein de l’armée française, on pourrait dire qu’à force de roder autour des quatre murs de la banque, l’odeur des feuilles leur est montée à la tête.

Mais pour des professionnels, des hommes rompus à la tâche et dévoués, c’est inacceptable. Sitôt les maraudeurs pris la main dans le sac, ou plutôt dans la caisse, ils ont été expédiés manu militari à Paris, où les attendent de pied ferme les juges du tribunal militaire.

Sans présager du sort qui sera le leur, on peut raisonnablement penser que ces militaires voleurs seront à tout le moins déshabillés, car non seulement ils ont déshonoré la tenue, mais aussi toute la France, de surcroît dans un pays étranger où ils étaient censés ramener l’ordre et la paix.

Mais quelle mouche a bien pu piquer ces têtes brûlées qui ont risqué gros de la sorte pour si peu, car pour paraphraser un opérateur économique burkinabé, même si les militaires français ne sont pas riches, ils ne sont pas à 12 000 £ près.

Avaient-ils refoulé dans leur inconscient des pulsions de voleurs, qui sont remontées en surface, l’occasion faisant le larron, ou, la cohabitation aidant, ont-ils été contaminés par les rebelles à qui on impute les casses des agences BCEAO de Korhogo et de Bouaké ? Quoi qu’il en soit, l’opération était d’autant plus vaine que depuis le 15 septembre dernier, l’Institut d’émission de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) a entrepris la démonétisation des billets de la gamme 92.

Et quand bien même les responsables de la BCEAO s’en défendraient, l’un des objectifs visés serait de mettre hors du circuit économique et financier l’argent sale issu de ces casses ainsi que les quelque 3 milliards émanant du rocambolesque hold-up de l’agence BCEAO d’Abidjan.

Autant dire qu’en plus des billets Sia Popo comme on les a surnommés, les banquiers auraient désormais l’œil ouvert sur les billets Licorne, gamme 92 ou pas, dans la mesure où, pour pouvoir les "manger" dans leur douce et précieuse France, il aurait d’abord fallu que les cambrioleurs en uniforme les échangeassent contre des euros.

Comme quoi, ce n’est pas seulement ici au Faso, où la vie est dure, ou plus généralement sous nos tropiques que les corps habillés se "banditisent", et où on est kodo le jour et coupeur de route la nuit, lieutenant de gendarmerie à la brigade et armurier en ville.

Vivement donc que la paix revienne en Côte d’Ivoire parce que si les gardiens deviennent des voleurs, on ne saura plus à quels soldats se vouer.

Kader Traoré
L’Observateur

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique