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Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu‘il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (3/4)

Publié le lundi 31 janvier 2011 à 02h27min

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Laurent Dona Fologo est parvenu à survivre, politiquement, au secrétariat général du PDCI pendant plus de dix ans. Nommé à ce poste sous Félix Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara, en 1991, « sauvegardé » sous la présidence de Henri Konan Bédié, il passera le cap du coup d’Etat de 1999, de la transition du général Robert Guéï et l’arrivée à la présidence de Laurent Gbagbo en octobre 2000.

C’est au sein de son propre camp qu’il va se découvrir des ennemis. Des défections permettront à Guéï de fonder son propre parti : l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI). Il y aura là Balla Keïta, personnalité historique de « l’houphouëtisme », un baron de l’ex-parti unique qui n’avait guère d’estime pour Fologo, son compatriote du « Grand Nord », et qui sera ainsi un des premiers PDCIstes à rejoindre le général putschiste ; il y avait aussi Paul Akoto Yao, Danielle Boni Claverie, Auguste Miremont, etc.

Le coup de grâce va lui être donné par… Bédié. L’ancien chef de l’Etat, en exil en France depuis 1999, va revenir en Côte d’Ivoire le 15 octobre 2001 afin de participer au Forum national de la réconciliation. Bédié affirmera avoir les mains propres. Plus qu’aucun autre. Le coup d’Etat lui a redonné une virginité toute neuve. Il en a été la seule victime. Il a été absent de l’échiquier politique ivoirien pendant près de deux ans et ces deux années très troubles n’ont, dira-t-il, « en rien apporté la résolution d’un problème qui a pourtant servi d’alibi pour commettre l’attentat contre l’Etat, la République, la démocratie et le développement ». Le seul qui a les mains sales, c’est Fologo. Il lui a fallu survivre au coup d’Etat militaire, à la « transition » de Guéï, à l’accession au pouvoir de Gbagbo. Il lui a fallu, face aux « rénovateurs » qui voulaient la peau de la « vieille garde du parti », mettre en cause la gestion de Bédié (président en titre) pour que la sienne ne soit pas prise en compte. Il lui a fallu aussi s’affirmer comme un homme lige du nouveau régime. Pour donner des gages à Gbagbo, il lui fallait être également intransigeant avec le RDR de Ouattara ; et plus encore Ouattara lui-même.

Fologo s’est vite pris au piège de ses contradictions. Il lui a fallu aller plus loin encore dans la rupture au sein de son propre parti. Le 1er mars 2002, il présentera son programme en vue d’accéder à la… présidence du PDCI face à Bédié. Il tentera alors d’expliquer pourquoi il soutient l’action de Gbagbo. Fologo ne voulait pas, disait-il, être dans le camp de « ceux qui veulent détruire la Côte d’Ivoire », son objectif étant « le redressement du pays en cette période de marasme économique et politique », soulignant que le coup d’Etat du 24 décembre 1999 avait des causes qu’il fallait bien prendre en compte. Autrement dit, tournons la page. Après Houphouët, Bédié, Guéï, était venu le temps de Gbagbo. Le funambulisme de Fologo n’a pas de limites. Il va obtenir la présidence du…. Conseil économique et social des mains de Gbagbo mais pas celle du PDCI que lui refuseront les adhérents. Lors du IXème congrès ordinaire du PDCI, du 4 au 7 avril 2002, Bédié va reconquérir son poste de poste et liquidera, du même coup, les barons nordistes (Fologo mais aussi Mohamed Lamine Fadika) usés par les compromis et les compromissions. Une page est tournée.

Fologo a eu 62 ans le 12 décembre 2002. Moins de trois mois après la tentative de coup de force militaire du 18-19 septembre. Une affaire qui va lui permettre de rebondir sur la scène politique : il va être, à Lomé (où Gnassingbé Eyadéma avait entrepris de mettre en place une médiation), l’interlocuteur des « mutins ». Si Gbagbo avait choisi, pour défendre son régime, un homme du « Grand Nord » qui n’était ni un élu du parti présidentiel ni un membre de son gouvernement, c’est qu’il entendait n’être lié en rien par la négociation qui aura lieu dans la capitale togolaise. Cette négociation, dont Gbagbo n’attendait rien, ne visait qu’à satisfaire ses pairs de la Cédéao et la « communauté internationale ». Il espérait, pendant cette trève, reconstruire avec l’aide de partenaires extérieurs une armée « loyaliste » qui soit à même de combattre les « mutins ». Le mandat de Fologo était explicite : il portait exclusivement sur les revendications corporatistes de ces « mutins » : amnistie et réintégration dans les forces armées ivoiriennes. Rien de plus. Pas question d’aborder la dimension politique : il ne sera pas accepté de remise en cause de la Constitution et ni de proposition d’une nouvelle élection. Gbagbo entendait affirmer pleinement sa légitimité. Et plus encore sa ligne politique. Il ne cessera, dans le même temps, de laisser la bride sur le cou à la fraction la plus radicale du FPI organisée au sein des Jeunes Patriotes.

En avril 2003, pensant avoir un avenir présidentiel, Fologo va lancer (officieusement) son Rassemblement pour la paix (RPP). Ayant été l’homme lige de tous les leaders politiques ivoiriens, originaire du « Grand Nord » mais catholique pratiquant marié à une Française, il estimait être le plus consensuel. Il adoptera même, pour ses costumes, le bleu qu’affectionnait Félix Houphouët-Boigny. Il ira jusqu’à organiser une « manifestation de brassage » visant au « métissage de la population » affirmant qu’il faut parler d’intégration plutôt que d’immigration. Dans cette perspective, il fera une tournée en France, rencontrant un grand nombre de personnalités françaises (Edouard Balladur, Michel de Bonnecorse, Nathalie Delapalme, Robert Menard, Jean-Paul Cluzel…). Il me donnera rendez-vous au bar du Lutétia à Paris ; ce qui ne manquera pas de m’étonner compte tenu des tensions qui existaient entre nous depuis « l’affaire Africa Golfe Eco ». De Bédié, il me dira : « Il ne méritait pas qu’on le soutienne. Il n’est pas travailleur. Il n’est pas rassembleur. C’est un égoïste. J’ai coupé les ponts avec lui dès lors qu’il a été élu président du PDCI ». Il oubliait sans doute qu’en 1970, quand il était rédacteur en chef de Fraternité-Matin, il avait proclamé que Bédié « était la meilleur copie de Félix Houphouët-Boigny ». Il le redira en 1992 lors d’un meeting politique à Dimbokro et le réaffirmera dans le quotidien sénégalais Le Soleil (édition du lundi 13 décembre 1993). Mais il est vrai que Bédié était dans les années 1970 l’enfant chéri de Houphouët et dans les années 1990 le successeur désigné.

Au sujet de Ouattara, Fologo me dira : « J’ai tenu à le féliciter en août 2002 lorsque le gouvernement d’ouverture a été formé. Mais il ne m’a rien dit de ce qui se préparait alors [il s’agit bien sûr du coup de force du 18-19 septembre 2002]. Il ne pouvait pas ne pas être au courant ». Il ajoutera : « Je ne sais pas s’il est fondamentalement convaincu par son engagement politique mais, en 1992, il visait déjà la présidence de la République avec l’aide de Philippe Yacé. Il me l’avait confié alors ». J’invite Fologo à relire ses déclarations au quotidien Le Soleil (cf. supra). Interrogé sur la « crise de succession » consécutive à la mort du « Vieux », à aucun moment Fologo ne mettait en cause Ouattara ; et de Yacé, il disait même : « Il a pu penser à un moment donné que la transition aurait posé des difficultés et peut-être a-t-il voulu jouer les bons offices et les rassembleurs en sa qualité de doyen. C’est ainsi que j’interprète quelques unes de ses initiatives ».

Dans le même texte, interrogé sur la nomination par Bédié, au poste de premier ministre, de Daniel Kablan Duncan, ancien ministre de l’Economie et des Finances de Ouattara (et une réelle « création » politique de Ouattara), Fologo dira : « Je salue ce choix, car il témoigne de la volonté de continuité du gouvernement du PDCI. Nous ne voulons pas de rupture » (je rappelle que le précédent gouvernement était dirigé par Ouattara).

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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