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GROGNE SOCIALE EN AFRIQUE DU NORD : Après Ben Ali, Moubarak ?

Publié le jeudi 27 janvier 2011 à 03h27min

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Comme prévu, la grogne sociale dont le régime tunisien de Ben Ali a récemment fait les frais retentit dans le reste de l’Afrique du Nord. On demande aujourd’hui le départ de Moubarak, Pharaon d’Egypte. Le Raïs égyptien qu’on a cru, pendant longtemps, fortement assis sur son fauteuil, finira-t-il lui aussi par vaciller ? En tout cas, l’effet domino semble se poursuivre, implacable, après la Tunisie et l’Algérie. Ce qui se passe dans cette partie du continent traduit la soif de liberté des peuples.

En Afrique du Nord en particulier, il y a une réelle soif d’alternance, après des décennies de pouvoir absolu. Certains dirigeants n’ont toujours pas compris que les peuples changent, et que beaucoup de choses ont évolué dans le monde. D’autant que les nouvelles générations ont vite appris à intégrer des principes et à les partager avec d’autres jeunes d’ici et d’ailleurs. Après cinquante années d’indépendance, les revendications ont peut-être changé de porteurs de pancartes, mais pas de fond : la faim et la soif, avec elles la soif de liberté tout court, mais aussi la soif d’alternance, le juste partage des richesses nationales. Les équilibres régionaux en matière de développement sont devenus tout aussi préoccupants que le souci de se trouver un petit boulot, un petit chez-soi et un peu de quiétude.

Plusieurs fois, dans ces mêmes colonnes et ce, des années durant, nous avons interpellé l’attention des gouvernants africains sur la nécessité d’être à l’écoute des jeunes. Les repères ne sont plus les mêmes, encore moins les sources d’information. Les cercles de réflexion et de partage ont eux aussi bien changé, et avec eux, les pratiques. Avec la magie de l’Internet, des autres Technologies de l’information et de la communication (TIC), tout va vite, tout s’apprend vite, mais surtout les barrières s’estompent rapidement.

Si la plupart des membres de la vieille garde au pouvoir comprennent peu de choses des TIC, ce n’est pas le cas de la génération montante qui a, de plus en plus, une sainte horreur des pouvoirs sans partage, des régnants à vie qui perpétuent le népotisme, s’accommodent de la corruption, du clientélisme et s’agrippent à un système aux allures dynastiques. La grogne sociale existe donc partout. Cela est symptomatique d’un malaise profond et généralisé entre la classe dirigeante actuelle et les générations montantes, manifestement outrées.

Le conflit de génération a pris une telle proportion que les formes de gestion paternaliste, tribale ou régionaliste sont ouvertement décriées. La pauvreté, le manque de soins et d’instruction, le chômage sont une bien triste réalité. Or, les jeunes arrivent sur le marché de l’emploi par millions. Et ils sont fatigués des promesses sans lendemains. Surtout après des campagnes politiques durant lesquelles preuve a été donnée que l’argent ne manque pas dans les coffres.

Trop de propos démagogiques ont longtemps caractérisé la gestion du pouvoir d’Etat par une vieille classe dirigeante maintenue au sommet par des élites corrompues et irresponsables. Mais, ce qui a marché en Tunisie peut-il vraiment marcher en Egypte et ailleurs ? L’Afrique subsaharienne pourra-t-elle échapper au même sort ? La question reste posée. Pour l’heure, il est fort certain que les jours sont comptés pour les régimes répressifs et à forte odeur dynastique sur le continent. La concentration des pouvoirs entre les mains des mêmes personnes n’empêchera rien, comme on l’a constaté en Tunisie. Il importe surtout de respecter les libertés démocratiques, de chercher à répondre aux aspirations des peuples, d’avoir le souci de l’alternance, d’une saine gestion et d’un minimum d’égard envers les droits humains.

Car, le contexte international a changé, notamment en Occident. En effet, avec la pression de l’électorat, pour le renouvellement de la classe dirigeante, les dictatures africaines bénéficient de moins en moins de soutien. On l’a vu dans le cas de la Tunisie où, après avoir hésité, le pouvoir français qui a longtemps fermé les yeux sur le régime répressif de Ben Ali, a bien fini par se ranger. Pour le cas égyptien, il est certain que le soutien américain n’est plus le même : Obama, qui rêve d’institutions démocratiques solides en Afrique, aura bien du mal à soutenir ce régime digne d’une autre époque.

Il est vrai que les jeux d’intérêt sont toujours aussi présents dans les instances internationales. Toutefois, avec la vie chère dont sont victimes les peuples du continent, la cupidité des classes dirigeantes africaines et leur indifférence face à la misère galopante de leurs concitoyens, certains discours ont de moins en moins d’audience en Occident. Aux dirigeants africains de comprendre qu’il faut apprendre à vivre avec son temps. Il vaut mieux se mettre à l’écoute de son peuple, chercher à répondre à la demande sociale, que de vouloir se faire réélire à perpétuité. Car, si l’on peut changer son dentier, il n’est pas certain que toutes les générations se laisseront séduire par le charme de celui qui le porte.

"Le Pays"

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