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LOI DE FINANCES 2011 : Abrogation de l’impôt sur les professions industrielles et commerciales

Publié le mercredi 19 janvier 2011 à 23h46min

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Dans le cadre des mesures d’ajustement technique et au titre du code des impôts, le législateur burkinabè a adopté une importante mesure qui, certainement, fera date en matière fiscale : il s’agit de l’abrogation de l’impôt minimum forfaitaire sur les professions industrielles et commerciales, connu sous l’appellation IMFPIC ou tout simplement IMF. C’est l’occasion de revenir sur cet impôt qui a parfois été décrié par certains spécialistes de la fiscalité et des opérateurs économiques.

L’impôt minimum sur les professions industrielles et commerciales fait partie des impôts sur le revenu traités par le code des impôts en ses articles 111 à 119, c’est-à-dire des impôts directs. C’est un impôt institué au profit de l’Etat et qui touche les personnes physiques et morales passibles de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux. Autrement, toutes les entreprises qui étaient concernées par l’IBICA étaient aussi touchées par l’IMF. Son taux est de 0,5% du chiffre d’affaires sans être inférieur à cinq cent mille (500 000) F CFA pour les contribuables relevant du régime du réel normal d’imposition, et à deux cent mille (200 000) F CFA pour les contribuables relevant du régime simplifié d’imposition.

Quel était son fondement ?

L’IMF était un impôt minimum. En l’instituant, le législateur voulait lutter contre certaines pratiques qui avaient cours dans les entreprises, notamment les grandes entreprises. En effet, l’IMF a été institué pour lutter contre les déficits chroniques, volontaires ou involontaires des entreprises. Il s’agissait d’exiger un minimum de contribution de la part de l’entreprise, quel que soit son résultat (positif ou négatif). Il faut donc lier cet impôt aux méthodes de gestion des entreprises. Le résultat de fin d’année de l’entreprise est calculé à la fin de l’année et est le fruit de la gestion par ses responsables. Les actionnaires de l’entreprise attendent en général des dividendes, du fait de leurs actions. Mais il peut arriver que les responsables de l’entreprise, pour des raisons de stratégie commerciale, mettent en œuvre des actions qui aboutissent à des pertes. Autrement dit, l’entrepreneur décide, sciemment, de faire des pertes à la fin de l’année.

Cette méthode de gestion trouve ses origines dans certains pays asiatiques et notamment au Japon. Pour ceux qui se souviennent, les entreprises japonaises ont envahi le marché mondial et africain principalement, en vendant des marchandises moins cher. Il en était ainsi des véhicules automobiles. Les spécialistes ont dit, en son temps, que cette politique de dumping était volontaire. Les dirigeants de l’entreprise choisissent volontairement de vendre leurs produits à bas pris dans l’intention manifeste d’être plus compétitifs que leurs concurrents. A terme, les concurrents pourraient être défaits du fait qu’ils n’arriveront pas à suivre la politique des prix bas. Evidemment, une telle stratégie commerciale exige l’accord des actionnaires ou des banques. Du fait que l’objectif visé est d’éliminer les concurrents, ces bailleurs de fonds misent sur le moyen et le long termes.

Il faut savoir que pendant longtemps, le Japon était le plus grand créancier du monde. Si l’entreprise choisit volontairement de faire des déficits (en comptant sur ses actionnaires ou ses soutiens bancaires), l’impôt sur les bénéfices ne pourra pas être prélevé. A cela, il faut ajouter que dans nos pays, on trouve des entreprises quasi structurellement déficitaires, mais qui fonctionnent toujours. Plusieurs raisons à cela, parmi lesquelles l’insuffisance de contrôles fiscaux. Une entreprise non contrôlée peut se permettre cette situation, puisqu’il revient à l’administration fiscale de démontrer qu’elle n’est pas en règle, c’est-à-dire qu’elle a commis une fraude fiscale. Et ceci ne peut se faire qu’à l’occasion d’un contrôle fiscal. Au regard de ces éléments de gestion de l’entreprise, l’exigence d’un minimum d’impôt, quel que soit le résultat de l’entreprise, permet à l’Etat de percevoir des recettes fiscales, nonobstant la situation de l’entreprise, d’autant plus que la base imposable est le chiffre d’affaires.

Un impôt souvent contesté

Plusieurs reproches ont été formulés à l’encontre de l’impôt minimum forfaitaire sur les professions industrielles et commerciales. Les plus importants sont les suivants :
- C’est un impôt qui grève la trésorerie de l’entreprise : l’IMF est calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’entreprise. Son montant ne peut être inférieur à 500 000 F CFA et à 200 000 F CFA respectivement pour les entreprises soumises au régime du réel normal et celles soumises au régime simplifié d’imposition, c’est-à-dire les entreprises de grosse taille et celles de taille moyenne. En faisant des simulations, l’entreprise qui doit payer un minimum de 500 000 F CFA doit faire au moins un chiffre d’affaires de 100 000 000 de F CFA.

Dans le cas où elle n’atteint pas ce montant, il lui faut trouver le complément. En effet, lorsque le montant exigé ne correspond pas au taux de 0,5%, il faut que le contribuable complète la somme. Ce qui peut emmener l’entreprise à emprunter pour être en règle vis-à-vis de la législation. Par exemple, le minimum exigé par mois pour les entreprises du régime du réel normal d’imposition est de 41 667 F CFA. Si le contribuable liquide son impôt (CA x 0,5%) qui est inférieur à ce montant, il doit faire le complément. Supposons que le chiffre d’affaires du mois de janvier soit de 5 000 000 de F CFA ; l’entreprise aurait dû verser 5 000 000 de F CFA x 0,5%, soit 25 000 F CFA ; mais il faut payer un minimum de 41 667 F CFA et elle doit faire le complément.
- C’est un impôt qui ne prend pas en compte suffisamment les intérêts du secteur privé : ce grief est la conséquence du point précédent. L’IMF est considéré comme un acompte de l’impôt sur les bénéfices.

Cela veut dire que si son montant est inférieur à l’IBICA, le contribuable paie la différence comme impôt sur les bénéfices. Mais, si son montant est supérieur au montant de l’IBICA, la différence reste acquise au Trésor public. Par exemple, si le montant de l’IBICA est de 750 000 F CFA et que le montant de l’IMF est de 600 000 F CFA, le contribuable ne paiera, à la fin de l’année, que la différence, c’est-à-dire 150 000 F CFA. Il est désormais en règle pour ce qui concerne son impôt sur les bénéfices. Mais si le montant de l’IMF était de 950 000 F CFA, cela voudrait dire qu’il a payé plus qu’il n’en faut. L’acompte est plus élevé que l’IBICA. La différence (soit 200 000 F CFA) ne lui est pas remboursée, mais reste acquise au Trésor public, c’est-à-dire non remboursable. Cette situation a pour conséquence que le contribuable paie un impôt qui ne relève plus, en réalité, de l’impôt sur les bénéfices, puisqu’il paie un impôt supérieur à son bénéfice réalisé.

C’est ce qui fait dire à certains opérateurs économiques et à des spécialistes de la fiscalité que dans cette opération, seul l’intérêt de l’Etat est pris en compte. Si l’impôt minimum forfaitaire sur les professions industrielles et commerciales a été abrogé par la loi de finances 2011, il faut tout de suite dire que c’est surtout en raison de l’existence d’un autre prélèvement qui est le minimum forfaitaire de perception. Ce prélèvement a été institué par la loi n° 006-2010 du 29 janvier 2010 portant modification du code des impôts. Ce minimum de perception (sur lequel nous reviendrons dans un prochain article) fait en quelque sorte doublon. Autrement dit, le maintien du dispositif de l’IMFPIC dans le code des impôts fait double emploi avec l’institution du minimum forfaitaire de perception. La suppression donc de l’IMF a été décidée par souci de cohérence du système fiscal.

Amadou N. YARO

Le Pays

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