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Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

Publié le mercredi 19 janvier 2011 à 00h13min

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“Alassane Dramane Ouattara est et demeure le vrai vainqueur de la présidentielle ivoirienne. Le Conseil constitutionnel a tout dit sauf le droit. Il a, en réalité, inventé le droit”. Ces propos sont de Venance Konan, écrivain et journaliste ivoirien indépendant, venu hier en fin de matinée à notre rédaction pour un entretien dans lequel il dénonce le climat de terreur qui règne en ce moment à Abidjan où lui-même aurait échappé de peu à la mort ; c’est ce qui l’a conduit à fuir son pays pour se réfugier au Burkina Faso dans l’attente du départ de Laurent Gbagbo du pouvoir.

Qu’est-ce qui vous amène à Ouaga ?

• J’ai pris un peu de distance par rapport à certaines personnes qui ne me veulent pas du bien suite à mes prises de position qui n’ont pas été de leur goût. Et comme vous le savez, Laurent Gbagbo aime faire taire ceux qui sont contre lui. C’est ainsi qu’il m’a envoyé ces tueurs à travers une unité qui s’appelle le CECOS (Ndlr : Centre de commandement et de sécurité). Heureusement ces tueurs se sont trompés de maison. J’ai alors profité pour quitter Abidjan via Bouaké avec l’aide d’amis.

Vous êtes donc en exil à Ouaga ?

• Je n’irai pas jusqu’à utiliser ce mot. C’est simplement un repli stratégique de ma part et j’espère que les choses vont se dénouer rapidement afin que je puisse rentrer chez moi. Personne ne peut accepter ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo a fait un hold-up électoral, c’est du banditisme de grand chemin. La Côte d’Ivoire a organisé une élection claire et transparente avec tous les observateurs et de nombreux journalistes. Le vainqueur s’appelle Alassane Dramane Ouattara mais Laurent Gbagbo refuse de reconnaître les résultats et veut confisquer le pouvoir.

Pourquoi avez-vous choisi la capitale burkinabè comme refuge ?

• C’est le pays le plus proche où je compte de nombreux amis. Je me sens donc chez moi.

Les autorités burkinabè sont-elles informées de votre présence ?

• Oui.

Donc, vous bénéficiez de leur soutien ?

• Pour l’instant, je ne me plains pas (rires). Qu’on se comprenne bien : je n’ai pas encore demandé l’asile mais les autorités savent que je suis à Ouaga avec mon ami Tiburce Koffi, lui aussi journaliste indépendant et écrivain, qui vit les mêmes problèmes que moi.

Pourquoi le régime Gbagbo vous en veut particulièrement alors qu’il y a d’autres journalistes ivoiriens qui tirent à boulets rouges sur lui ?

• Je ne suis pas le seul à être menacé. Beaucoup de confrères vivent cachés. Ma particularité, peut-être, c’est que ma voix porte parce que j’écris dans de grands journaux français comme Le Monde et Libération.

On dit que la loi est dure mais c’est la loi. Le Conseil constitutionnel a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur. Pourquoi ne pas se plier à cette décision ?

• Si le Conseil constitutionnel avait dit le droit, on se serait plié. Or, ici le Conseil constitutionnel a tout dit sauf le droit. La loi dit que s’il y a des fraudes et des irrégularités qui sont de nature à entacher le résultat final, on annule tout et on organise de nouvelles élections dans 45 jours. Le Conseil constitutionnel a été le seul à voir des fraudes là où personne n’a rien vu. Tous les rapports produits par l’ONU, l’UA, la CEDEAO et même les préfets et sous-préfets nommés par Laurent Gbagbo sont clairs : il y a eu quelques incidents, comme dans toutes les élections, mais qui ne sont pas de nature à affecter le résultat final. Ces incidents ont été enregistrés dans six bureaux de vote, mais Paul Yao N’Dré (Ndlr : président du Conseil constitutionnel) a annulé des voix dans 3 000 bureaux de vote. Personne n’a contesté le fait qu’il y ait eu des incidents. Il y a eu des bagarres devant les bureaux de vote, des gens ont été molestés et des voitures ont été incendiées mais cela n’a pas influencé les urnes.

Même les militaires des Forces de défense et de sécurité (FDS) envoyés au Nord n’ont pas dit le contraire. Pourquoi c’est dans la zone fidèle à ADO qu’on annule les voix alors qu’il y a eu des incidents dans d’autres régions ? La crise ivoirienne dont on espérait trouver une issue heureuse avec cette élection est partie de l’ivoirité qui consistait à harceler les populations du Nord et on annule les voix de sept départements de cette partie de la Côte d’Ivoire qui se trouve du coup exclue du processus.

Quelle est l’ambiance en ce moment à Abidjan ?

• C’est la terreur. Laurent Gbagbo a instauré le couvre-feu à Abobo et à Anyama. La nuit, les gens se barricadent parce qu’ils ont peur des tueurs qui peuvent les surprendre.

Alassane Dramane Ouattara soutient que 63% des militaires ont voté pour lui. Pourquoi l’armée n’a jusque-là pas basculé en sa faveur ?

• L’armée a basculé mais le problème c’est qu’elle n’a pas les moyens. Laurent Gbagbo, depuis toujours, a une garde républicaine surarmée et a embauché des mercenaires libériens et angolais.

D’aucuns estiment que la CEDEAO et la Communauté internationale n’ont pas eu la même détermination lorsque les rebelles ont pris les armes contre Laurent Gbagbo ?

• Je vous fais remarquer que c’est la CEDEAO, à travers le ministre sénégalais des Affaires étrangères, qui a fait signer le cessez-le-feu. Ensuite, le Président Eyadema a conduit les négociation avant Marcoussis. Le conflit a duré en réalité trois semaines. L’usage de la force est le dernier recours. La CEDEAO a procédé à des négociations à Lomé, à Accra, à Pretoria pour enfin aboutir aux Accords de Ouaga. Si la CEDEAO devait utiliser la force, comment allait-elle procéder face à une rébellion dispersée dans une ville comme Bouaké ? On pensait que tout était réglé avec les Accords de Ouaga. Malheureusement on est en face d’un boulanger qui roule tout le monde dans la farine. C’est Laurent Gbagbo qui a voulu que cette élection soit la plus transparente possible. On s’est plié à tout ce qu’il voulait comme un enfant capricieux.

Quelle est, pour vous, la solution à cette situation d’impasse ?

• Que Laurent Gbagbo ait un peu de dignité en reconnaissant sa défaite.

Maintenant on fait quoi puisqu’il refuse de partir ?

• On continue les négociations. Raïla Odinga est à Abidjan et on espère qu’il va réussir à le convaincre car il ne gagne rien en massacrant les Ivoiriens. On espère que les différentes sanctions auront des effets mais si au bout de tout cela, il ne part pas, il faut utiliser la force. Comme l’a dit quelqu’un, mieux vaut une fin effroyable qu’un effroi sans fin. Tout le monde hésite à utiliser la force pour éviter des morts. Mais chaque jour, on tue en Côte d’Ivoire et on découvre des charniers. Le représentant spécial des Nations unies, M. Choi, a failli se faire tuer pour avoir voulu constater de visu un charnier.

Il y a de nombreuses tueries et les chiffres qu’on donne concerne les cas recensés officiellement. Dans les campagnes, on massacre des citoyens. Si la situation reste ainsi, c’en est fini pour la démocratie et les élections en Afrique.

Entretien retranscrit par Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 19 janvier 2011 à 01:43 En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    QUe nos gouvernenants aprennent de ce qui arrive au voisins

  • Le 19 janvier 2011 à 07:12 En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Super belle analyse de Venance. Merci pour cette initiative le faso.

  • Le 19 janvier 2011 à 07:56, par damne2laterre En réponse à : Gbagbo : Qui avale une noix de coco...

    « Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus ».

    Si vous ne connaissez pas ce proverbe Africain, Laurent Gbagbo, lui, en fait la démonstration depuis plus d’un mois.
    Mais, me direz-vous, qu’est-ce qui est aussi gros qu’une noix de coco ?
    Imaginez :

    Vous perdez une élection, vos représentants déchirent les résultats devant les caméras du monde entier, le siège de la CEI (commission électorale indépendante) est envahie par des militaires qui chassent les journalistes.
    Puis, votre ami, président du conseil constitutionnel, donc « autorité suprême », vérifie les dépouillements des quelques 20 000 bureaux de vote en quelques heures, invalide les 7 régions les plus favorables à votre adversaire pour arriver à vous faire gagner avec 51% des voix.
    Plus c’est gros, plus ça passe...

    Mais, me direz-vous, si il a fait ça, c’est qu’il fait confiance à son anus !

    Effectivement, Laurent Gbagbo avait tout pour être confiant. Son pasteur lui avait dit que Dieu l’avait choisit. Des sondages l’avaient aussi donné vainqueur. Mais, par précaution, il avait imposé un couvre-feu, on ne sait jamais...
    Il s’était aussi assuré du soutient des généraux, et gardait la main sur la télévision, pour annoncer ses résultats gagnants à lui, et organiser une grande campagne de désinformation et de propagande « anti-le monde entier ».
    Mais par dessus tout, Laurent Gbagbo avait un Joker, personnalisé par Charles Blé Goudé et ses « patriotes » :
    Une épée de damoclès ( ou une machette plus précisément )
    au dessus de la tête des 15 000 Français et des millions de Ouest-Africains qui vivent en Côte d’Ivoire. Au-cas ou la licorne, l’ONUCI ou les pays voisins voudraient se mêler de ce qui ne les regarde pas...

    Résultat, Laurent Gbagbo pense avoir 5 ans pour bien digérer sa noix de coco, jusqu’aux prochaines élections présidentielles. Il a bien réussit à tenir 10 ans au pouvoir, avec un mandat de 5 ans.

    Mais je crains pour lui que son anus, cette fois-ci, ne lui arrache quelques larmes quand la noix de coco entière se présentera.

    Signé : Damne2laterre

    • Le 20 janvier 2011 à 03:05, par Sen En réponse à : Gbagbo : Qui avale une noix de coco...

      @damnelaterre vous vous êtes lâché à ce que je vois. Un peu de respect pour l’anus du plus grand ROI Gagbo 1er s’il vous plait. Je pense que sa noix ne vas pas lui déchirer son arrière train mais plutôt lui rester sur l’estomac durant de nombreuses années, j’espère à vie derrière les barreaux après son procès devant le TPI ou la CPI comme il conviendra au moment opportun de le juger.

  • Le 19 janvier 2011 à 09:17, par Bedjou En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Courage pour la lutte que vous menez pour le triomphe de la vérité ; A suivre ce qui se passe en Côte d’Ivoire, j’ai honte pour l’Afrique. La démocratie a encore vraiment du cchemin ; mais à coup sûr elle triomphera des dictacteurs tapis un peu partout sur le continent. L’action du peuple Tunisien nous donne des raisons de croire et d’esperer.

  • Le 19 janvier 2011 à 11:44 En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    tant que les africains eux même ne réagissent pas au bon moment d’une seule et même voix tout le monde se fatiguera y compris la communauté internationale,l’ONU etc.. on ne peut pas continuer à régler nos problèmes a notre place ; c’est ce qui nous différencie des occidentaux ; comment un pays cité en exemple de démocratie comme le Ghana peut faire passer ses propres intérêts avant tout ? on est divisés et c’est ce qui fait notre retard et permet à des gens qui inventent des lois pour rester de "réussir leur coup" ; ceux qui créent cette fissure devraient penser au jour ou la voix du peuple sera respectée dans tout le continent lui permettant alors de seulement commencer à émerger ne serait-ce qu’économiquement...

  • Le 19 janvier 2011 à 12:18, par Foumpiim En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Soutien Venance !
    J’ai lu nombre de vos articles, et je n’osais meme pas croire que vous etiez encore a Abidjan ! Decision sage que celle de quitter.Nous,peuple libre te epris de paix du Burkina, autorisons les autorites burkinabe a mettre tout en oeuvre pour que vous ne manquiez de rien.
    Si cela ne devait pas etre le cas, faites nous signe, et on partagera nos salaires avec vous.
    Merci

  • Le 19 janvier 2011 à 16:44, par le soldat des causes nobles En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Bienvenue à toi mon frère !
    l’Afrique à besoin des hommes comme toi, qui osent dire la vérité au risque de leur vie.
    Dommage que le Faso où tu t’es replié ne soit pas le bon exemple en matière de démocratie et de droit de l’homme : Suivez mon regard.

  • Le 19 janvier 2011 à 21:34, par DroitAuBut En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Merci Mr Venance Konan, pour tout ce que vous faite pour la renaissance d’une côte d’ivoire nouvelle. Je suis un admirateur de vos écrits. Gbagbo avait dit pendant un de ses discours et je cite "Tant que le serpent n’est pas encore mort ne jette jamais le bâton que tu tiens",alors je vous encourage continuer votre lutte. GOOD LUCK

  • Le 21 janvier 2011 à 15:37, par Yao K En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

    Chers Burkinabés :
    Ce VENANCE K. ment comme son mentor DRAMANE et tous les hôtes volontaires du Golf Hotel dont les familles, pourtant vivant avec nous en ville, se sont pas tuées par "les mercenaires de GBAGBO".
    Ce qui se passe ici en CI est très loin de ce qui se raconte sur certains médias (dont qlq médias du BF) : les Ivoiriens dignes soutiennent en bloc leur PR GBAGBO qui tient fermement les rennes du pouvoir. Contrairement à DRAMANE qui ne fait que lancer des mots d’ordre morts-nés de "ville morte" m^me pas respectés à BOUAKE, ABOBO, etc.
    Je suis surpris par tant de haine qui se dégage des propos de certains
    BF à l’endroit de la CI et de ses institutions dont notre PR réelu GBAGBO. Concernant
    les récentes élections, sachez que pour nous, Ivoiriens, et pour tous ceux qui ont un peu de
    bons sens, le débat est clos. Et que toute discussion encore possible est le déguerpissement
    des pensionnaires de la républiquette du Golf Hotel, patrimoine de l’Etat de CI. Que tous
    les Africains qui ont des compatriotes venus chez nous faire fortune et/ou qui y ont
    eux-mêmes tiré des profits réfléchissent bien avant d’appeler à une intervention militaire
    en RCI (à bien méditer). Pour finir, je vous invite à réagir à la crise de mon pays en
    vous faisant un opinion propre à partir des informations disponibles non partisanes et des
    lois de CI. Car tout ce qui sort de la bouche de SARKOZY et ses sbires
    (WADE-GOODLUCK-COMPAORE-etc) n’est pas forcément vérité d’évangile. Yao K(cadre
    financier-Abj/Cocody Riviéra3)

    • Le 21 janvier 2011 à 21:09 En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

      Petit idiot de Yao,reponds a cette question:Le CC a t’il dit le droit ou non.Pourquoi quand on revient a la source du conflit vous nous dites que le debat est clos ?Sale Ignard.

      • Le 23 janvier 2011 à 22:32, par REVAI En réponse à : Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien : “Le Conseil constitutionnel a inventé le droit”

        Le Conseil Constitutionnel organise de nouvelles élections si et seulement si la nature des fraudes est de nature à affecter le résultat d’ensemble. Si de façon souveraine, elle a trouvé que l’annulation des votes en question n’était pas de nature à affecter le résultat final ( tenant compte des documents en sa possesion), pourquoi voulez vous qu’elle procède à de nouvelles élections ? Le débat se situerait au niveau de la rapidité avec laquelle elle a analysé les fraudes et pas ailleurs.
        Dans cette histoire en CI, je mets quiconque au défi de me prouver que le droit a été respecté de façon stricte par le CC et la CEI. Le droit a été sacrifié à l’autel d ela politique.
        Analysez svp en toute objectivité

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