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Crise politique en Côte d’Ivoire : Un émissaire aux mains liées ?

Publié le vendredi 14 janvier 2011 à 00h23min

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Raila Ondinga

La commune d’Abobo semble cristalliser, à elle seule, l’enlisement qui paralyse la Côte d’Ivoire entière. On y a vu les affrontements violents de la nuit du lundi 10 au mardi 11 janvier qui ont opposé FDS et habitants du quartier et fait des morts dans chacun des camps. On aura choisi de remettre ça, à quelques heures d’intervalle. Le bilan en est encore plus lourd : au total, une dizaine de tués, parmi lesquels 6 policiers. Avec un élément nouveau et d’importance sans doute : c’était des combats à l’arme lourde, notamment des RPG 7.

On comprend alors que l’inquiétude monte d’un cran. Si à quelques encablures du centre d’Abidjan on manie des armes de guerre de cette importance, on peut légitimement se demander si bientôt l’escalade ne conduira pas à voir des chars déambuler en plein jour dans les artères de la capitale économique ivoirienne. Sans compter que le flou reste entier sur les véritables détenteurs desdites armes. Les FDS ? Des rebelles ?

Des éléments de l’armée fidèles à Gbagbo ? Ou alors quelques mercenaires aussi zélés que sans scrupule ? Il faudra sans doute attendre davantage pour le savoir. Mais, d’ores et déjà, une évidence s’impose : la crise ivoirienne prend une tournure bien particulière et dramatique dans ce quartier, fief du candidat des houphouettistes, Alassane Ouattara. Pour combien de temps encore ? Nul ne saurait, à l’heure actuelle, le prédire avec exactitude.

t c’est dans ce contexte que s’annonce l’arrivée prochaine du Premier ministre kényan, Raila Ondinga, en nouvelle mission d’émissaire de l’Union africaine en Côte d’Ivoire. Une énième visite qui peut sembler condamnée à connaître l’issue des précédentes : un échec programmé.

Et cela, non pas parce que la feuille de route que lui ont assignée les chefs d’Etat serait floue ou sibylline. Le message qu’il a pour mission de transmettre est on ne peut plus clair : Gbagbo doit démissionner. Pas non plus parce que sa propre position à lui, Raila Ondinga, sur la crise ivoirienne souffre d’une quelconque ambiguïté : dès le départ, l’homme avait affiché une position des plus radicales concernant le président sortant : il doit s’en aller.

Autrement, il faut songer à le déloger par la force des armes. Ce qui constitue à ce jour le plus grand handicap du premier ministre kényan dans sa délicate mission en terre ivoirienne, c’est sans doute les fissures constatées dans le corps de cette Union africaine dont il est presque paradoxalement le chargé de mission, avec pour objectif attendu de faire céder Laurent Gbagbo.

Voilà une instance africaine qui prend nettement position dans l’imbroglio politico-judiciaire ivoirien, décide d’une conduite à tenir à l’unisson et qui, presque concomitamment, affiche de sérieuses divergences concernant ladite fermeté adoptée par l’ensemble de ses chefs d’Etat. Mission donc impossible pour Raila Ondinga, vu qu’il a comme les mains liées et qu’on connaît la position jusqu’auboutiste affichée par Laurent Gbagbo.

Car, au final, qui est-il censé représenter ?
La demeure CEDEAO présente, au sujet de cette crise, tellement de lézardes que la question mérite d’être posée. Et puis, on peut avoir l’impression, au regard des différentes missions qui se sont succédé en Côte d’Ivoire, depuis la date du 28 novembre, que s’impose, avec le temps, comme une certaine lassitude des protagonistes africains impliqués dans la tentative de résolution de cette crise ivoirienne.

La première mission qui porta le message de l’instance régionale se composa de trois chefs d’Etat de pays membres. A la seconde, on décida d’adjoindre le Premier ministre kényan, sans doute au motif que pareille situation il la connaît, pour l’avoir vécue et subie dans son propre pays. La mission à venir, Raila Ondinga devra la mener désespérément seul. On peut, légitimement, ne pas s’attendre au miracle : il ne serait pas étonnant qu’un seul échoue là où quatre ont buté.

A supposer que l’émissaire de l’instance panafricaine fasse chou blanc auprès de Laurent Gbagbo, la chose ne relèverait pas vraiment de l’extraordinaire. On ne peut pas vraiment exiger le miracle d’un homme seul lorsque les commanditaires qui l’ont commis à une tâche si délicate manquent de collégialité et débandent si piteusement. C’est la CEDEAO et l’Union africaine qui ont obligation, à l’heure actuelle, de revoir leur copie au sujet de cette crise ivoirienne. Pour le moment, elles ont presque tout faux.

Et la situation politique continue de s’exacerber en Côte d’Ivoire. Lentement mais sûrement. Sans que, malheureusement, on perçoive quelque part quelque lueur qui laisse penser que l’on verra bientôt le bout d’un quelconque tunnel. Dramatique, comme dans les tragédies grecques à l’ancienne. A ceci près que dans les pièces hellènes, on prévoyait toujours le secours providentiel d’un Deus ex machina.

Jean Claude KongoI

L’Observateur Paalga

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