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ELECTIONS EN AFRIQUE : La cuvée 2011 sera-t-elle la bonne ?

Publié le mercredi 5 janvier 2011 à 03h34min

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L’année 2011 se profile en Afrique comme une période des plus prolifiques en événements politiques et en émotions. Eu égard au nombre de pays qui ont à organiser des élections, notamment au sommet de l’Etat, le continent doit s’attendre en particulier à vivre des moments épiques. Joutes oratoires, manifestations de joie et campagnes de protestations vont de nouveau colorier nos journées. Recul ou consécration d’une avancée réelle en perspective ? On observe, en tout cas, plusieurs types d’expériences démocratiques sur le continent.

Certains pays comme le Bénin ont réellement une tradition démocratique : loin d’être un problème, les élections s’y déroulent comme un rituel. Le Niger lui, va renouer prochainement avec le fil perdu de la démocratie. D’autres, comme le Cameroun de Paul Biya, stagnent, pendant que la RD Congo illustre l’existence d’un non-Etat. Dans ce pays profondément engoncé dans les méandres de la cupidité, l’autocratie se dispute à la médiocratie.

Il y en a aussi comme le Soudan qui a mal à son sud ; il devra pourtant subir la dure loi de la cohabitation, si les défenseurs de la séparation l’emportent prochainement au référendum. Il y a également ces dictatures silencieuses qui foisonnent, organisent des élections pour ne jamais les perdre. Enfin perdurent ces micro-Etats larvés comme en Somalie où le bout du tunnel ne semble pas pour demain. En Afrique, l’ère du parti et de la pensée uniques semble révolue. Mais la démocratie a-t-elle de beaux jours devant elle ? Certes, comparativement au passé, la démocratie a incontestablement fait des bonds. Avec les expériences, le paysage politique a été sensiblement modifié. Des partis d’opposition existent, ou commencent à émerger dans plusieurs pays. Mais les comportements ont-ils changé pour autant ? Là-dessus, l’on reste sur sa faim.

Jamais l’arbitraire ne se sera autant illustré dans la gestion des hommes. Les acteurs politiques semblent même s’être surpassés dans les manigances pour neutraliser l’adversaire devenu l’ennemi à vie. Le politique subordonnant tout, des notions comme "service public" ou "bien public", ont fini par être galvaudées au profit d’intérêts inavoués. Les gouvernants ont si bien compris la "démocratie" qu’ils mettent rapidement en place des majorités mécaniques. Celles-ci fleurissent de partout, brodent des textes qui confortent les positions des uns, affaiblissent celles des autres, tout en activant le dépeçage de l’Etat. Le tout dans un concert qui célèbre l’impunité et sonne le glas des biens publics. Comme si les peuples avaient été légitimement dépossédés des ressources nationales au profit d’autres : ceux qui gouvernent. C’est un fait que la plupart des gouvernants africains "sortis" des urnes ou pas, décident de tout. Ils contrôlent tout et ne rendent compte à personne.

On ne peut nier aujourd’hui la réalité de l’expérience démocratique en cours dans nombre de pays africains. Elle est la résultante des luttes menées çà et là par d’intrépides combattants. Beaucoup y ont laissé leur peau. D’autres sont handicapés à vie sur le plan mental ou physique. Il reste qu’en jetant un regard sur le parcours, l’on ne peut s’empêcher d’être amer : quel gâchis ! En effet, la démocratie, malgré les îlots d’espoir, est bien en péril sur le continent. Plusieurs des héros d’hier se conduisent aujourd’hui comme des despotes. Dans ce cas de figure, ils sont encore moins bien éclairés que ceux-là mêmes qu’ils ont activement contribué à chasser du pouvoir. Mais d’où vient-il que le combat pour la démocratie se mue parfois si subitement en de véritables désenchantements en Afrique ? L’absence d’éthique paraît sans équivoque. Pendant longtemps, en effet, nombre des pères fondateurs des indépendances africaines avaient mis un point d’honneur à se respecter, à respecter la parole donnée et surtout le bien public.

Certes, la mégalomanie l’avait parfois emporté, au point de voir certains verser dans une vie ostentatoire déplorable. Mais pour l’essentiel, chacun s’évertuait à respecter la forme, investi du noble sentiment qu’il ne fallait point porter honneur à la réputation de la famille, encore moins des ancêtres. Au centre de tout, la morale gouvernait les pas. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Il semble bien que les dirigeants du jour aient préféré tirer les leçons des gestions passées mais dans un tout autre sens. Par exemple, l’expérience du parti unique permet de verrouiller le système et de neutraliser l’adversaire à volonté. Le parti unique a donc survécu, rendant alors l’expression démocratique inexistante. Les textes sont beaux et cohérents, mais sur le terrain, il y a à redire. Et puisque le sommet ne donne plus l’exemple, chacun, à son niveau, fait désormais ce qu’il veut : à domicile, à l’école, au service et dans la rue. Tant et si bien que presque partout aujourd’hui, l’on avance en reculant.

Dire que la culture africaine ne s’accommode pas de la démocratie est une ineptie. Les principes de la démocratie républicaine sont bien universels. Il s’agit tout simplement de s’y conformer. Par exemple, le respect de l’esprit des textes peut concourir à mettre fin à l’impunité. Il suffit pour cela de revisiter le principe de la séparation des trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Ainsi émergent les grandes nations et se consolident les institutions démocratiques. L’Asie et l’Amérique latine en sont des exemples vivants. L’Afrique en est bien capable. Simple question de bonne volonté et de respect d’un minimum d’éthique.

Malheureusement, plusieurs élites africaines ont capitulé devant cet effort. Pour la plupart, elles se sont réfugiées dans des coalitions d’intérêts et des cercles hétéroclites qui leur dictent la conduite à tenir. Des lobbies existent ainsi qui renforcent la mainmise sur les économies et affament les populations avec la complicité des nationaux eux-mêmes. Attendre de ces élites une contribution significative à l’avancée de la démocratie, paraît alors une illusion. Pourtant, il leur faudra bien se métamorphoser pour espérer déboucher sur une alternance crédible. Car, l’absence d’alternance favorise la paresse et perpétue la corruption et la magouille. Finalement, pour quelles raisons cherche-t-on le pouvoir en Afrique ? Pour bâtir le mieux-être individuel et collectif, ou défendre des intérêts égoïstes ?

Des comportements sont à proscrire, en raison même de l’indigence extrême dans laquelle se trouvent les populations africaines, cinquante ans après les indépendances. D’où l’intérêt de s’interroger quant à la nature de la cuvée 2011. Sera-t-elle meilleure que les précédentes ? Plus d’une quinzaine de scrutins ont lieu cette année sur le continent. La météo politique annonce donc des pluies électorales abondantes. Mais, étant donné les simulacres d’élections connues jusque-là, aura-t-on encore à recourir à la communauté internationale pour trancher les cas litigieux comme en Côte d’Ivoire ? Aux électeurs africains de prendre leurs responsabilités.

"Le Pays"

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