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Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

Publié le vendredi 31 décembre 2010 à 18h33min

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Roland Dumas et Laurent Gbagbo

On pouvait penser qu’il n’était plus préoccupé par ses fins de mois. Il faut croire que non. Roland Dumas, ancien ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, président honoraire du Conseil constitutionnel de la République française, reprend du service en Afrique noire. Il a débarqué aujourd’hui, jeudi 30 décembre 2010, à Abidjan pour apporter son soutien à Laurent Gbagbo.

Les commentateurs soulignent sa proximité avec le PS et celle de Gbagbo avec l’Internationale socialiste ; ceci expliquant cela. Mais à 88 ans (Dumas est né le 23 août 1922), voilà une rencontre qui sera une cerise sur le gâteau des impostures politiques de celui qui s’est illustré dans « l’affaire Elf » et quelques autres.

Le 21 mai 1981, au lendemain de l’élection de François Mitterrand à la présidence, a eu lieu la cérémonie solennelle au cours de laquelle le futur chef de l’Etat (Mitterrand n’avait pas encore pris officiellement ses fonctions) a remonté la rue Soufflot jusqu’au Panthéon, une rose rouge à la main. Tous les nomenklaturistes du PS étaient là. A l’issue de la cérémonie, alors qu’un orage venait d’éclater, Dumas s’est engouffré dans la voiture de Mitterrand. Il raconte : « Mauroy [futur premier ministre] était à ses côtés. On s’est tassés. On ruisselait. La foule en délire s’accrochait à la voiture. Un grand Africain était couché sur le capot et frappait la vitre. Je redoutais un accident et suppliais le chauffeur de rouler au pas. Mitterrand a dit simplement : « C’est formidable, le tiers-monde est déjà là ». Le tiers-monde de Mitterrand et de Dumas n’était pas exactement celui que l’on rencontrait alors du côté de Dakar, Abidjan, Douala, Libreville, Kinshasa…

Aristocrate du socialisme, Dumas aimait les antichambres du pouvoir, les salons feutrés, les galeries d’art, les concerts lyriques et les… femmes fatales. Ce grand bourgeois de province qui s’est enrichi à la tête d’un cabinet d’avocats dont la bonne fortune est liée, en partie, à ses engagements politiques et à ses amitiés « particulières » dans un univers culturel qui, souvent, frisait l’ultra-mondain, a été le plus atypique des ministres de la « mitterrandie ». Ses fréquentations, son mode de vie, sa façon d’être et de paraître expliquent qu’il n’ait pas eu que des amis au sein du Parti socialiste.

Parmi ses fréquentations hors normes, les chefs d’Etat africains. Dumas, en la matière, a toujours souhaité être discret. Certes, il a été ministre des Affaires étrangères de la France de 1984 à 1986 et de 1988 à 1993, mais ce n’est pas à ce titre qu’il a eu à connaître un certain nombre de personnalités-clés du continent.

Pendant la Deuxième guerre mondiale, le père de Dumas était le chef de l’Armée secrète de la région Limousin et responsable départemental du « Noyautage des administrations publiques », le NAP. Roland, quant à lui, appartiendra au groupement Mithridate dont le chef était Marie-Madeleine Fourcade. « A laquelle je resterai lié jusqu’à sa mort », dira-t-il. Fourcade a été le chef du réseau « Alliance ». Ce fut une des plus formidables centrales de renseignements militaires qui ait fonctionné en France de 1940 à 1945. Elle a été animée par des ultra-nationalistes français, souvent issus de l’armée, des « anti-Allemands » de la droite catholique et traditionaliste. On y trouvait, aussi, des fonctionnaires et des entrepreneurs coloniaux dont Jacques Lemaigre-Dubreuil, « magnat », comme on disait alors, des huileries en Afrique.

« Alliance » sera une pépinière de cadres qui vont jouer, par la suite, un rôle de premier plan en Afrique noire et, principalement, au Gabon. Dans les affaires ou dans l’administration, ils conserveront toujours des liens avec les services secrets français. Il y avait là Jean-Claude Brouillet, proche de Léon Mba, qui sera le fondateur de la première compagnie aérienne gabonaise. Gilbert Beaujolin, futur patron, notamment, des Sociétés d’équipement pour l’Afrique (SEA), numéro un de la distribution automobile de haut gamme en Afrique centrale, Rolan Bru, un forestier qui a été le « sponsor » de Léon Mba pour son accession à la mairie de Libreville avant qu’il ne devienne président de la République gabonaise. Ils vont former le cœur des « réseaux Foccart » au Gabon.

C’est de cette époque que datent les relations entre Dumas et François Durand de Grossouvre, futur chargé de mission à la présidence française où il suivra les questions liées aux « services secrets » au Maroc et au Gabon. Grossouvre s’est suicidé dans son bureau de l’Elysée quelques instants avant d’aller dîner avec Georges Rawiri, une des plus éminentes personnalités politiques gabonaises. Dumas a été un proche, également de Joachim Feilberbaum, dit Jean-Pierre François, protégé du père de Roland Dumas, juif autrichien naturalisé français, fondateur de la Banque romande.

En 1956, Dumas est élu député. Il s’inscrit au groupe UDSR, Union démocratique et sociale de la Résistance, animé par René Pleven et Mitterrand et qui compte dans ses rangs les députés du RDA conduits par Félix Houphouët-Boigny (qui a rompu, à l’instigation de Mitterrand, ses liens avec le PCF). « Avec lequel j’ai maintenu une relation amicale jusqu’à sa mort », soulignera Dumas. C’est à cette époque qu’il tisse « des liens confiants et utiles avec les autres futurs chefs des Etats africains ayant accédé à l’indépendance ».

L’UDSR lui permet de fréquenter le futur président guinée Ahmed Sékou Touré (député français à l’Assemblée nationale en 1956). Dumas deviendra, par la suite, un habitué de la Villa Camayenne à Conakry pour y négocier, dans les années 1970, la libération de Français détenus au camp Boiro. En 1974, au lendemain de la séquestration au Tchad de la Française Françoise Claustre, c’est Dumas qui sera chargé par sa famille d’obtenir sa libération.

C’est à la fin des années 1970 que Dumas sera aussi l’avocat de la défense de Roger Delpey, agent du SAC (Valéry Giscard d’Estaing le considérait comme appartenant « aux milieux nationalistes d’extrême-droite ») qui, dans le sillage de « l’affaire des diamants », fut incarcéré pour avoir écrit un livre sur Jean-Bedel Bokassa, éphémère empereur de Centrafrique. Il le fera libérer. « Roger Delpey poussa la reconnaissance jusqu’à m’accompagner dans ma campagne électorale en Dordogne en 1981, et contribua de ce fait à mon retour au Parlement », écrira Dumas dans ses mémoires. A noter que selon Jacques Foccart, Delpey informera Dumas, « qui ne l’avait nullement découragé », en novembre 1983, de son plan visant à « rapatrier » Bokassa à Bangui, opération que fera échouer Houphouët.

Avant même d’entrer au gouvernement (19 décembre 1983), Dumas va être le missi dominici de Mitterrand auprès de Mouammar Kadhafi, le chef de l’Etat libyen qu’il va rencontrer à de nombreuses reprises. A l’automne 1983, à la suite de la publication du livre de Pierre Péan, « Affaires africaines », il se rendra à Libreville pour « rabibocher » la France et le Gabon. C’est lui encore qui se rendra à Rabat - où il a depuis longtemps ses entrées - en 1984, lorsque le roi du Maroc, à la veille d’une visite privée de Mitterrand, signera le traité d’union arabo-africain avec Kadhafi, traité qui inquiète Alger et Tunis. Il y retournera en 1990 après que Gilles Perrault ait publié son livre, « Notre ami le Roi ». Objectif : désamorcer la crise, Hassan II ayant menacé de rompre avec Paris.

Devenu ministre des Affaires étrangères à compter de 1984 (après avoir été, quelques mois, ministre délégué chargé des Affaires européennes), il va développer ses connexions africaines, pour l’essentiel en marge de Quai d’Orsay, faisant de sa fonction publique le tremplin de ses affaires privées. Des connexions qui ne manqueront pas d’apparaître suspectes aux yeux des juges quand va éclater « l’affaire Elf » et sa liaison avec la sulfureuse Christine Deviers-Joncour.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 31 décembre 2010 à 18:46, par intelo Africain En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    ces soit disant avocats la meme savent pertinement qu’ils ne pourrons jamais defendre bagbo dans ce monde ou qu’il seront en matiere de proces, seulement une petite strategie de blanc pour bouffer le reste de son argent qui se leve a peu pres de 3000miliards. bagbo partira et cela on a pas besoin d’aller consulter les grands Marabouts de Ramatoulaye pour le savoir meme s’il continu toujour de jouer avec le temps.

    • Le 31 décembre 2010 à 19:11 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

      Est-ce que pour savoir que Gbagbo va partir , on a besoin d’ aller jusqu’a Ramatoulaye ? Le premier escroc qui nous acoste dans la rue de Goughin, qui nous salue et qui nous dit qu’ il faut qu’ on parle tout de suite parce que il y a quelque chiose sur notre tete peut le faire. Gbagbo, soit malin. Protege ton gande vole au peu ;ple ivoirien. Blanc c’est pas bl ;anc. Pendant que la majorite te dit la verite blanche, que tu es un dictateur qu’ il faut chasser par la force en mettant en avant uenforece africaine, les plus margoulins font semblant de defendre ta cause perdue. Le mieux que tu as affaire, c’est de t’ enteter conformement a ta nature butee jusqu’ a ce qu’ on te bute. Mais au moins tes deux filles heriteront quelques peu du reste de ton pactole mal acquis apres les rapatriements de fonds qui vont s’ en suivre.
      Oui, c’est comme ca. On ne peut pas fonder sion bonheur en rendant des gens malheureux. ca se termine toujours mal. Un proverbe de mon vilage dit que si tu ne veux pas que ton voisin ait 9, tu n’ auras pas 10. La loi de la nature est immuable. On ne sera jamais heureux si on travaille a rendre les autres malheureux.

  • Le 31 décembre 2010 à 19:04 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    Ce sont des individus lugubres du genre Roland Dumas qui ont fait dire a Francis Fukuyama que les ideologies etaient terminees, que nous en etions a la fin de l’ histoire avec le dernier homme. Mais comment ne pas y croire meme si cette these n’a pas ete bien muire ? On ne comprend plus les gens. Ils se disent de gauche, ou socialistes ou progressistes ou humanitaires mais dans leur comportement, il n’ y a pas la morale, pas un brin de morale. Dites - moi, Mr. le Professeur de philosophie morale et politique, Etienne Traore, peut- on reellement gerer la cite sans la dimension morale ? Beaucoup de nos neo- progressistes veulent gerer la cite mais sont des disciples de Machiavel. Je suis un peu desabuse. Franchement. Tous ceux qui soutiennent Gbagbo dans son imposture me font deseperer des ideologies, me font dire que peut- etre, ce Fukuyama que j’ai combattu dans mes multiples publications, au fond, ne devrait pas avoir autant tort meme si, a l’ instar de Dinesh de Souza, ils font des appels du pied a l’ occident pour des raisons que eux seuls connaissent. Meme au prix de la servilite.

    LOP

  • Le 1er janvier 2011 à 22:10 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    le malheur dans cette presse au burkina c’est son aveuglement dans cette affaire ivoirienne qui lui fait dire tout et n’importe Aucune recherche de la verite objective C’est le consensus general anti gbagbo. Pourquoi ?
    somé

    • Le 3 janvier 2011 à 02:02 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

      Et vous votre malheur est de soutenir un brigand politique. Vous êtes-vous interroger pourquoi ? On sent que vous goûtter à la sauce anti impérialiste de Gbagbo, mais ça ne lui fait pas gagné les élections. Se faire défendre par des personnes lugubres en déjà long sur ce qu’il est. J’ose espérer qu’il n’en est pas ainsi de vous. Réveilllez-vous et ne soyez de cette espèce d’Emile Kima

    • Le 3 janvier 2011 à 21:42 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

      Some, tu refuses de voir la vérité en face. Tu ne sais même pas que la situation en RCI va nous permettre de régler nos problèmes de transition au Burkina Faso parce que nos dirigeants ne voudront pas retranscrire le scénario de GBAGBO. Ouvre l’oeil et le bon oeil car GBAGBO va bientôt partir et c’est la meilleure solution. vrai SOME.

  • Le 3 janvier 2011 à 01:43, par wait and see En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    com tw tu voi avk 3yeux dites nous ou eclaircisse ns davantage ce que tw tu connai plus k la presse ! parler parler pour parler.

  • Le 3 janvier 2011 à 09:55 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    Somé ! toi aussi,
    Quand tu lis un article lis le jusqu’au bout, là est écrit en général le nom de l’auteur et le titre de son journal.
    Pense tu que c’est un burkinabé qui a écrit ça où que cet écrit relève vraiment de la presse burkinabé ?

  • Le 6 janvier 2011 à 19:05 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas . Sa morale et la nôtre (1/2)

    Rassurez- moi. Le zig- la, c’est vraiment un Some ? Nous sommes vraiment dans le moment de l’ ante- Christ. Mefiez- vous. Un Some peut en cacher un Sot qui se prend pour de la lumiere.

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