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Crise ivoirienne : Paix, où es-tu ?

Publié le lundi 20 septembre 2004 à 12h09min

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C’est l’histoire d’un coup d’Etat qui a mal tourné et qui s’est transformé en rébellion. Quand, dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, les Ivoiriens furent à nouveau réveillés par le bruit de la canonnière, nul ne se doutait que le pays vivait les premières heures de sa crise la plus grave depuis son accession à l’indépendance.

Tout au plus pensait-on à un de ces mouvements d’humeur dont l’Eburnie était devenue coutumière depuis la mort de Félix Houphouët Boigny et l’arrivée aux affaires de l’homme court aux petites idées de Daoukro, celui par qui tous les malheurs de la Côte d’Ivoire vont arriver.

Erreur ! car cette fois-ci, le mal était suffisamment sérieux pour qu’on se contentât de simples mesurettes pour calmer les "sans-grade". Alors, le président Laurent Koudou Gbagbo était en visite en Italie où il devait notamment recueillir les bénédictions papales dans la résidence d’été du Saint Père à Castel-Gondolfo. Et de bénédictions, il en avait drôlement besoin en ces temps incertains, lui qui promit de faire descendre la foudre sur la tête de ses ennemis.

La suite, on la connaît : n’eût été la diligence des forces françaises qui intervinrent promptement, plus pour protéger la poule aux œufs d’or que pour défendre le pouvoir de Gbagbo, Abidjan serait tombé en l’espace de quelques semaines tant les rebelles, depuis le Nnord, s’enfonçaient dans la Côte d’Ivoire profonde comme le couteau dans du beurre. Les unes après les autres, les principales villes de la partie septentrionale du pays tomberont presque sans combattre jusqu’à ce que les insurgés se heurtent au mur dressé par les soldats tricolores.

Depuis, on en est là dans cette situation de ni guerre ni paix avec un territoire coupé en deux. Que n’a-t-on pas essayé pour recoller les morceaux et relancer la formidable machine économique ivoirienne dont la grippe contamine toute la sous-région, à commencer par le Burkina ?

Tout, on a tout essayé, sans jamais avoir le meilleur. De l’Accord de Linas-Marcoussis à ceux d’Accra I et II en passant par les retraites togolaises, les conciliabules bobolais et bamakois, les chassés-croisés politico-diplomatiques à Libreville, le chemin conduisant à la paix a été tracé mais les différents protagonistes se refusent à l’emprunter résolument, préférant ergoter sur les textes et jouer à colin-maillard avec la communauté africaine et internationale qui a fini par dire sa lassitude.

D’un côté, l’enfant terrible de Mama, à défaut d’une légitimité irréprochable, s’est toujours abrité derrière la légalité pour ne pas avaler la pilule amère de Marcoussis-Kléber, promettant tout et son contraire, rassurant ses homologues dehors pour ensuite en faire à sa tête une fois rentré en bon boulanger-pâtissier qui roule tout le monde dans la farine.

De l’autre, des rebelles au milieu du gué, qui ne peuvent plus reculer ni avancer, qui font parfois dans la surrenchère et surtout, qui se sont naturellement criminaliser au fil des mois pour vivre pratiquement de rapines et de rackets, voire de casses dans la partie sous leur contrôle. L’un ne jure que par le DDR (Désarmement - Démobilisation - Réinsertion), les autres connaissant leur vis-à-vis veulent d’abord des garanties politico-juridiques (conditions d’éligibilité à la présidence, CENI, code de la nationalité, régime foncier rural, etc.) avant de déposer les armes à partir du 15 octobre 2004.

Si fait qu’au moment où chacune des parties commémore à sa manière le deuxième anniversaire du déclenchement des hostilités, la question se pose de savoir si cette échéance sera respectée. On est fondé à en douter quand on voit les aller-retour qu’effectue depuis de nombreuses semaines le projet de loi sur la nationalité entre l’Assemblée nationale et l’Exécutif.

Un jour c’est Henriette Dagri Diabaté, la ministre RDR de la Justice qui retire le texte pour protester contre les blocages et les tripatouillages multiformes des députés FPI amenés par Simone Ehivet Gbagbo, l’épouse de son mari soi-même ; le lendemain, c’est Laurent Koudou en personne qui prétend ne pas se mêler des affaires de l’hémicycle alors que c’est sa Simone qui dirige la rebellion parlementaire et que ses pairs lui ont expressément demandé d’user de son pouvoir pour faire voter les lois indispensables au retour de la concorde.

Dans ce climat de méfiance et de défiance où chacun des protagonistes négocie le couteau entre les dents, les espoirs de paix alternent ainsi invariablement avec la mauvaise volonté manifeste d’appliquer la "fouille de route" de Marcoussis et d’Accra qui a fait craindre plus d’une fois la reprise des hostilités. Deux ans après, on en est donc là, avec cette partition de fait où chacun semble se satisfaire de son morceau d’éléphant dans la mesure où, à côté du Gbagboland, les Forces nouvelles ont érigé un embryon d’Etat où ils règnent, eux aussi, en potentats locaux.

Mais sauf à vouloir se complaire dans cette situation et éviter la présidentielle d’octobre 2005, il faut bien se résoudre à jouer franc-jeu si on ne veut pas qu’au 3e anniversaire du 19-Septembre, on en soit encore à chercher le bout du tunnel. Les Ivoiriens sont-ils capables, pour fumer le calumet de la paix, de voter les lois... litigieuses d’ici le 15 octobre pour qu’enfin le désarmement commence et que l’autorité de l’Etat s’exerce effectivement sur les 322 000 km2 du territoire national, préalable à l’organisation d’un scrutin libre, équitable et transparent auquel tous les prétendants au trône pourront participer ; qu’il s’agisse d’Henri Konan Bédié, celui qui a ouvert la boîte de pandore et qu’on ne parvient plus à refermer ; de Laurent Koudou Gbagbo qui a surfé sur la vague dangereuse de l’ivoirité pour arriver dans des circonstances calamiteuses à la présidence ; ou d’Alassane Dramane Ouattara, le nœud gordien du débat politique ivoirien depuis une décennie ?

En vérité, l’idéal serait que tous ces éléphants de la faune politique éburnéenne, tous comptables à des degrés divers, du chaos, regagnent la forêt et que surgissent de nouvelles têtes pour l’érection d’une nouvelle Côte d’Ivoire. Où trouver cet oiseau rare ? telle est la question que l’on peut se poser même si nombre d’observateurs de la scène politique abidjanaise regardent de plus en plus vers le siège de la BCEAO à Dakar où le gouverneur Charles Konan Banny se serait mis en réserve de la République.

Ce pourrait en effet être la moins mauvaise solution face à HKB qui a allumé le foyer, Gbagbo qui l’a attisé et ADO qui s’est mis en tête de compter les veaux alors qu’en 1990, le "vieux" lui avait seulement demander de venir engraisser la vache qui dépérissait, et dont l’arrivée aux affaires, fût-ce à l’issue d’une élection irréprochable, braquerait ipso facto une bonne partie des Ivoiriens qui auraient l’impression qu’on a "vendu" leur patrie au Mossi Alassane Dramane Ouédraogo. De la même manière qu’aujourd’hui certains de ses compatriotes ne veulent pas sentir le fils de Mama. Alors qu’avec un Baoulé pur attiéké comme Konan Banny qui n’est cependant pas très marqué politiquement...

Observateur Paalga

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