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Prolifération des Télécentres : Bonjour l’anarchie !

Publié le jeudi 20 novembre 2003 à 12h34min

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Le dépôt d’une garantie de cent mille francs (100 000 FCFA) par ligne est exigé. Cela n’empêche pas que dans la commune de Kaya, les télécentres privés florissent. Ces télécentres sont concentrés dans le centre-ville aux abords du marché et des lieux de distraction.

Selon M. Kassoum Guigma, responsable communal du Centre-Nord de l’ONATEL Kaya, la commune comporte une centaine de télécentres privés et chaque mois, il y a au moins deux nouveaux télécentres qui ouvrent leurs portes. Pour les pharmacies par exemple le nombre d’habitants, la distance entre les pharmacies sont des critères qui sont pris en compte pour l’ouverture des officines. Ce qui n’est pas le cas pour les télécentres. Autrefois, une distance de cent mètres était au moins exigée entre deux télécentres. Les propriétaires ont souhaité que cette restriction soit levée, car selon eux, il faut libéraliser le marché et permettre à chacun de s’installer là où il veut. Quant aux critères d’aménagement du local, ils ne sont pas respectés par tous les télécentres à savoir :

- Une surface minimum de 15 m2

- Un fauteuil ou une chaise pour le client. Certains télécentres servent en même temps de vente de liqueurs, de salons de coiffure etc. Toujours, selon M. Guigma, chaque semaine, un relevé est fait et la facture expédiée à l’exploitant. Il n’est surtout pas question de cumuler deux factures. D’ailleurs un délai de 72 heures est prévu pour s’en acquitter. Les appareils de taxation sont vérifiés par les services de l’ONATEL avant leur installation. L’impulsion ne doit pas dépasser 100 francs. C’est la fourchette pratiquée par la majorité des télécentres mais, on en trouve aussi où l’impulsion est taxée à 90 francs. Cela fait partie de la saine concurrence.

Selon M. Guigma, la collaboration est parfaite avec les gérants de télécentres, et les télécentres ne sont pas facturés comme les lignes ordinaires. Les télécentres génèrent une masse importante d’argent, ce que réfutent certains propriétaires. Que pensent les utilisateurs, les gérants de télécentres ? Plusieurs personnes approchées lors de cet exercice ont bien voulu répondre à nos questions. Ce que nous déplorons, c’est le comportement de certaines caissières qui ont tenu à palper du CFA avant de nous répondre alors qu’elles ne sont pas en odeur de sainteté avec des utilisateurs.

Voilà le produit de notre démarche.

Certains propriétaires de télécentres veulent en même temps et dans un même local exercer plusieurs activités à la fois : cybercafés, fax, micro-ordinateurs, ce qui est incompatible et refusé par l’ONATEL. D’autres gèrent en même temps un salon de coiffure, une boutique jumelée. Simon Zabré gère le télécentre Universel depuis le 18 octobre 2001. Selon ses dires le taxaphone tombe très souvent en panne et il ne sait pas pour quelle raison puisqu’il faut changer à chaque fois. Hormis cela, il ne connaît pas de problème de ligne. Il arrive que très souvent, des usagers viennent appeler du télécentre pour se faire rappeler. A son niveau, il ne sait pas si le gérant perçoit quelque chose. Le télécentre Universel est à jour et ne connaît pas d’arriérés. Au niveau des recettes, la somme oscille entre 50 000 et 70 000 francs par semaine. Selon M. Zabré, employeur des filles, il le fait peut-être pour attirer des clients, en faire un décor, car le dynamisme ici n’entre pas en jeu car, il en sait quelque chose. Les filles, selon ses dires, s’occupent beaucoup plus de leurs propres intérêts dans la mesure où, elles ont cette fâcheuse habitude de déserter les lieux. C’est bien d’avoir deux lignes mais compte tenu de l’affluence actuelle de la clientèle, de la situation géographique du télécentre, cela n’est pas une nécessité pour le moment.

Pour N. Tasséré Bargo qui possède un télécentre, opérateur économique de son état, depuis plusieurs années, il gère le télécentre de l’Escale. Avec des clients, il a connu des problèmes par rapport au taxaphone M. Bargo possède un cellulaire mais préfère faire recours au télécentre parce que si vous téléphonez sur une ligne fixe, le prix ne varie pas alors que du cellulaire à un cellulaire, c’est plus cher. Il lui arrive de payer par semaine à l’ONATEL des factures de 50 000 à 100 000 francs pour le télé centre. Néanmoins, il reconnaît que la gérance d’un télécentre rapporte. Pour M. Bargo, les filles sont mieux indiquées pour s’occuper des télécentres. Car avec les garçons, on assiste à des manipulations, ce dont il a été souvent victime et cela se répercute sur les factures que délivre l’ONATEL. Pour ceux qui viennent appeler afin qu’on les rappellent, il leur est souvent demandé cent francs, somme qu’ils refusent de s’acquitter très souvent. Certains accusent les caissiers, ou caissières d’être des relais pour des amants ce que réfutent et dénoncent M. Bargo car il aurait interdit au personnel de recevoir certaines personnes pour de longues causeries alors que ce ne sont pas des clients.

Trois caissières ont été déjà remerciées pour avoir enfreint cette interdiction. Selon M. Bargo, les propriétaires de télécentres de Kaya ne disposent pas d’une association. Une ébauche avait été tentée mais cela n’a pas vu le jour. C’est dire qu’en cas de pépin avec un client, un employé ou l’ONATEL, chacun se débrouille. Selon M. Bargo, ouvrir de nos jours un télécentre à Kaya, serait aller à l’aventure car il y en a beaucoup. Mais cela n’empêche pas des gens de continuer d’en ouvrir.

Ousmane Zamtako, propriétaire du télécentre Vive les Etalons et PDG des établissements Zam a été difficile à se laisser interviewer.

Comptant parmi les premiers à ouvrir un télécentre privé, il va sans dire que sa contribution était nécessaire. Selon M. Zamtako, au tout début, posséder et gérer un télécentre était rentable. Avec la floraison de ces entreprises de nos jours, les recettes ont beaucoup diminué. Pour M. Zamtako, embaucher des filles comme caissières évite les détournements. Elles savent aussi séduire la clientèle car avec les garçons c’est difficile. Les recettes, dit-il, sont conditionnées par l’emplacement du télécentre. Pour communiquer, M. Zamtako qui possède un portable, un téléphone fixe, préfère utiliser les services d’un télécentre car cela permet selon lui, de contrôler sa consommation et c’est cela l’intérêt de ces structures. Ce qui permet de ne pas se retrouver avec des factures astronomiques.

Pour M. Zamtako, le portable n’est pas fait pour les pauvres. Il regrette que les propriétaires des télécentres ne se soient pas organisés en association. Il souhaite que l’ONATEL facilite la tâche en appelant les gens à s’organiser. L’ONATEL ne s’occupe que de ses intérêts. Pour M. Zamtako, les difficultés résultent d’abord de l’ONATEL qui, au début, avait raccordé Korsimoro, Pissila, Barsalogho à Kaya. Quand les gens téléphonaient, ils ne déboursaient que cent francs. Puis subitement les prix ont grimpé et cela les a désorientés. Ensuite, il y a les clients qui téléphonent et se voyaient réclamer cent francs sans avoir eu leurs correspondants. De nos jours ces désagréments sont oubliés. Que disent les utilisateurs ?

Casimir Kafando  : "j’utilise très souvent les télécentres car c’est un moyen de communication indispensable et moins coûteux". Cela permet aux personnes qui n’ont pas de téléphone fixe ou de portable, de passer des appels. Pour M. Kafando, le téléphone fixe est plus avantageux que le portable qui n’est utilisé que pour des cas urgents. Il s’insurge contre cette somme qu’on paie quand le répondeur sonne alors que le correspondant n’est pas en ligne ou contre ces gérants qui ne mettent pas le taxaphone à zéro quand vous succédez à un client qui vient d’appeler. M. Kafando a remarqué que la plupart des télécentres sont gérés par des filles, ce qui suppose qu’elles sont plus sérieuses que les garçons empêchent d’enregistrer des pertes.

Emmanuel Sawadogo  : Chauffeur dans la compagnie OA : il préfère les télécentres car ils rendent plus de service. Comme exemple à Ouaga ou à Kaya, une fois à destination, les passagers trouvent des télécentres pour leurs appels, ce qui leur permet de ne pas à attendre longtemps et cela en déboursant cent francs. Les surfacturations, les prises de bec entre clients et gestionnaires, il en a entendu parler mais n’en a jamais été victime ou témoin. M. Sawadogo a dit que Kaya compte trop de télécentres. Il souhaitait en ouvrir mais s’est désisté car, il craint de ne pas faire de bonnes affaires. Il possède un cellulaire mais l’utilise rarement.

Richard Ouédraogo : directeur de l’hôtel Kaziendé à Kaya, abonné à Celtel, préfère utiliser le portable pour ses appels. Néanmoins quand il est à Kaya, il préfère la ligne fixe qui est moins chère bien que d’un opérateur à un autre les prix fluctuent pour les portables. L’hôtel Kaziendé n’a pas de télécentre en tant que tel en son sein. Toutes les chambres sont équipées de téléphone et pour éviter que le client ne sorte de sa chambre, il lui suffit de composer le zéro et le N° demandé. La communication est ainsi directement facturée à la réception à raison de 150 francs l’impulsion parce qu’il faut tenir compte des différentes charges. Il arrive aussi comme l’a dit M. Ouédraogo, que des clients se déplacent vers des télécentres privés pour leurs communications. C’est comme ceux qui préfèrent aller prendre leurs repas ailleurs.

Pour les caissiers ou caissières, ça été difficile. Des caissières étaient prêtes à parler hors micro ce qui ne nous intéresse pas. D’autres par contre ont demandé à être rémunérées avant toute intervention, somme que nous n’avons pas et que ne prévoit pas le service. En définitive nous avons approché Moussa Bélemviré. Pour lui : "La clientèle ne se bouscule pas dans les télécentres. J’ouvre le matin à sept heures et je ferme vers vingt-deux heures. Je ne connais pas ce que c’est que trafiquer le taxaphone et depuis que je suis là, personne ne s’est plaint à ce sujet. Quand le client téléphone, il a sous les yeux le taxaphone. Par semaine, je peux engranger plus de cinquante mille francs. Le salaire versé me convient et je ne me plains pas". Comme vous l’avez remarqué, les gens préfèrent utiliser les télécentres car moins chers. Le portable n’est utilisé que pour des cas urgents.

La floraison de ces établissements a aussi pignon sur rue dans certains départements de la province. Comme à Kaya, ils sont proches les uns des autres et cela ne les empêche pas de faire de bonnes affaires. Il faut ici saluer l’installation d’un télécentre au sein du Centre hospitalier régional, ce qui est une bonne chose. Le souhait des uns et des autres serait qu’il soit fonctionnel 24h/24h. D’autre part, selon nos constats la superficie de 10m2, les commodités pour les clients, l’éclairage de la cabine ne sont pas partout respectés selon le cahier des charges. A l’ONATEL d’y veiller.

Jacques NONGUIERMA
AIB/Sanmatenga

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