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INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

Publié le mardi 21 décembre 2010 à 02h31min

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Blaise Compaoré vient de prêter serment. Ce faisant, il s’est mis en route pour son dernier mandat aux termes de l’article 37 de la Constitution du 2 juin 1991. Tout ce qu’on peut lui souhaiter, c’est d’avoir plein succès dans la conduite du navire burkinabè, c’est-à-dire inscrire, à jamais, son pays sur la liste des pays qui sont des modèles indiscutables de démocratie. Il pourra mettre à profit ce mandat pour mettre son pays sur orbite, pour le propulser sur les sentiers de l’émergence. Ce ne sont donc pas les chantiers qui manqueront au tout nouveau chef d’Etat.

Mais nombre de Burkinabè s’interrogent sur ce que nous réserve vraiment ce mandat. La raison de cette inquiétude se trouve surtout, dans les velléités du camp présidentiel de sauter le verrou constitutionnel de la limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs. Ce verrou, convient-il de préciser, existait dans la Constitution originelle de 1991. Il a été sauté en 1997 par la majorité parlementaire favorable au même chef de l’Etat, puis remis à sa place de façon consensuelle suite à la crise consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune en décembre 1998.

C’est dire donc que la version actuelle de l’article relatif au nombre de mandats consécutifs que le président du Faso peut exercer, procède d’un consensus national. Ce genre de consensus est utile à la paix et tout pays devrait s’en enorgueillir. Justement, en matière de paix, c’est un honneur pour le Burkina que son premier magistrat vole au secours de certains pays de la sous-région, englués dans des crises politiques du fait du manque de dialogue et de consensus national. Tout le mérite en revient au président Blaise Compaoré qui a su matérialiser cet attachement du peuple burkinabè à la paix au profit de pays frères. Il a, de ce fait, acquis un profil de médiateur respecté. Mais, il ne faut pas oublier que cette respectabilité n’est jamais un acquis définitif. C’est un combat quotidien qui nécessite de gros sacrifices personnels.

En tout cas, le président du Faso a aujourd’hui un devoir impérieux d’assumer son statut de "donneur de leçons". Certes, la présidentielle burkinabè de 2010 a brillé par son manque de charme et un cafouillage organisationnel indigne d’un pays organisant des élections de façon régulière depuis une vingtaine d’années. Mais, "il n’est jamais trop tard pour bien faire". Il faut regarder courageusement ces échecs en face et travailler à ne plus jamais offrir un tel spectacle aux yeux du monde. Pour ce qui est de la limitation du nombre de mandats consécutifs, inscrite à l’article 37, le terrain est balisé pour qu’elle ne soit, bientôt, qu’un simple souvenir.

C’est la dernière tentation de Blaise Compaoré. Va-t-il y succomber ? Saura-t-il au contraire y résister au nom de l’intérêt commun, de la paix si chère à ce peuple ? Car, il faut l’avouer, cette paix dont les Burkinabè sont si fiers est le fruit de l’action de tous. Elle n’est pas l’oeuvre exclusive de quelque groupe que ce soit, encore moins d’un individu. Le nier, c’est faire preuve d’un manque de réalisme et de modestie. Car, il est évident qu’aucune personne, quelle que soit sa puissance, ne peut, à elle seule, imposer la paix dans un Etat. Il est même évident que plus de la moitié des Burkinabè qui triment et qui ont à peine de quoi "calmer leurs boyaux" au quotidien ne sont pas sur la même longueur d’ondes que les autres quand on parle de paix dans le pays.

Ce qui est sûr, tous les yeux sont désormais tournés vers le locataire du palais de Kosyam. Lui seul, peut, de façon raisonnable, renoncer à faire de notre jeune démocratie un perpétuel recommencement pour peu qu’il résiste aux sirènes du pouvoir à vie et aux flatteries des "griots" et autres encenseurs de tous ordres. Il ne devrait pas non plus se fier aux données arithmétiques flatteuses de son dernier score quand on sait qu’elles ne traduisent pas la volonté réelle de la majorité des Burkinabè.

Ceux-ci ont, par leur abstention record, envoyé un signal fort à la classe politique dans son ensemble, mais surtout à ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. De plus, une bonne partie des populations est, même si d’aventure on venait à estimer qu’elle est minoritaire, opposée à une révision de l’article 37 dans le sens de supprimer la limitation du nombre de mandats consécutifs. Les Evêques du Burkina, dont la neutralité n’est plus à démontrer, ont courageusement tiré la sonnette d’alarme sur la question. Il y a eu des initiatives d’autres mouvements de la société civile dans le sens d’éviter toute modification de cet article pour assouvir des intentions partisanes et égoïstes. La pétition initiée par un groupe de Burkinabè et qui a pu recueillir les signatures nécessaires, s’inscrit dans ce cadre. Le bon leader, c’est aussi celui qui sait passer la main en temps opportun, qui ne cède pas à la passion dévastatrice du pouvoir à vie. Blaise Compaoré a donc 5 ans pour poser des actes qui réconcilient vraiment les Burkinabè avec eux-mêmes.

Des actes concrets et non de simples formalités. S’il venait à renoncer à cette difficile mais noble et exaltante tâche, ce serait dommage pour ce pays. Car, au sujet des crises qui secouent les autres pays, contrairement à ce que certaines personnes clament, usant d’arguties qui ne convainquent qu’elles seules, cela n’arrive pas qu’aux autres. C’est important. Les réformes que le chef de l’Etat burkinabè appelle de tous ses voeux et qui sont également souhaitées par bien des Burkinabè, à défaut de faire l’unanimité, doivent faire, au moins, l’objet d’un large consensus national. Pour cela, il faudra aux tenants du pouvoir actuel, une sacrée dose de lucidité, d’humilité, bref, de sagesse.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 21 décembre 2010 à 10:12 En réponse à : INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

    Très bon Papier,
    Le Burkina Faso à RDV avec son histoire démocratique en 2015, à nous tous (pas qu’à Blaise Compaoré),de participer à son écriture avant !

  • Le 21 décembre 2010 à 10:41, par maria En réponse à : INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

    Bonjour.

    je recommande cet article à notre ami commun Blaise compaoré.

    Il faut le lire à tete reposé, seul et faire un tres bonne meditation

    respectueusement mon president

  • Le 21 décembre 2010 à 13:01 En réponse à : INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

    Blaise devrait se prononcer dès le 31 décembre avec son discours à la nation. S’il ne veut pas devenir le fossoyeur de la démocratie au Burkina, il ne devra pas toucher à cet article 37 et le faire savoir à ces sbires et autres extrémistes de son camp qui ne sont là que pour quelques avantages auprès du pouvoir actuel et, prêt à tout pour conserver leurs privilèges ; sinon, gare aux conséquences désastreuses comme en Côte d’Ivoire où la guerre civile risque de se déclencher à tout instant.

  • Le 21 décembre 2010 à 13:19, par article 37 En réponse à : INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

    le titre est parfait

    Blaise COMPAORE en phase d’apogée va amorcer le déclin, parce qu’il multipliera les erreurs tactique et stratégique. A force de croire qu’il est le seul Burkinabè capable de gérer le pays il se retrouvera seul pour gérer les crises qui l’emporteront.

    Le cercle de ses amis à l’étranger va se retrécire. A un certain moment il ne sera plus la bien venue dans certains pays et là il durcira le ton à l’intérieur.

    La pilule de l’article 37 est bel et bien empoisonnée, que personne ne s’y trompe. celui qui prendra de cette pilule ne survivra pas. Avalée, touchée, tripatouillée, modifiée comme le dit Etienne TRAORE, c’est l’article maudit qui emportera des hommes et des femmes qui s’entêteront à le manipuler.

    l’article 37 et c’est bien de lui on parle, fera du second quinquennat de Blaise, une situation d’incertitude, de répression, de mécontentement, de ralliements, de démission, de renvoi.

    L’etat de grâce est terminée.

  • Le 21 décembre 2010 à 18:05, par ouedraogo z En réponse à : INVESTITURE DU PRESIDENT DU FASO : La dernière tentation de Blaise

    TRES BEL ARTICLE. VOILA ICI UN DIGNE FILS DU PAYS. ETRE JOURNALISTE C’EST CA. BON VENT A VOTRE QUOTIDIEN. J’ESPERT QUE CE MESSAGE N4EST PAS TOMBE DANS L’OREILLE DE SOURD.

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