Accusé par ses adversaires de n’avoir pas fait grand-chose pendant ses dix ans passés à la tête de l’Etat, le président Laurent Koudou Gbagbo a voulu, à travers les couleurs données à la composition de son gouvernement, des signaux forts quant à sa volonté de prendre à bras-le-corps les problèmes des Ivoiriens. Histoire certainement de couper l’herbe sous les pieds de son adversaire, le président Alassane Dramane Ouattara, vu comme un sauveur, un messie pour la Côte d’Ivoire.

ADO n’avait-il pas laissé, au cours de l’historique débat télévisuel précédent le second tour de la présidentielle, entendre que son pays, compte tenu de sa désastreuse situation socioéconomique, n’avait pas besoin d’un généraliste (allusion faite à Gbagbo) mais d’un spécialiste (lui-même) ?
Conscient, en bon politique, de la portée d’une telle affirmation, le président sortant n’était pas passé par quatre chemins pour répliquer, indiquant que pour la direction d’un Etat l’on n’avait pas forcément besoin d’un bon économiste comme tentait de l’insinuer son vis-à-vis, citant les cas du Général De Gaulle et de son successeur Georges Pompidou en France qui n’étaient pas économistes de formation.

Ayant à cœur de démontrer à ses électeurs ou adversaires que c’est la situation de ni guerre ni paix du pays qui l’avait empêché d’agir pendant sa présidence passée, Gbagbo et son Premier ministre Marie Gilbert Aké N’Gbo ont formé un gouvernement, apparemment, à la mesure des préoccupations nationales. Les résultats que le nouveau gouvernement pourrait (s’il a eu le temps) engranger constituent une autre affaire.

Mais, pour l’instant, beaucoup d’Ivoiriens auront certainement l’impression, en jetant un coup d’œil sur la composition de l’équipe Aké N’Gbo, qu’ils n’ont pas été oubliés. Presque tout le monde a été pris en compte, ce qui explique sans doute le nombre pléthorique (34 membres dont 28 ministres, 2 ministres délégués et 4 secrétariats d’Etat). Ainsi, les élèves et les étudiants se voient attribuer un secrétariat d’Etat. Qui dit mieux ? Il en est de même pour certaines couches sociables, notamment celles des handicapés et des victimes de guerre qui bénéficient chacune d’un secrétariat d’Etat.

Pour s’occuper d’une question comme l’action sociale et la solidarité nationale, Gilbert Marie n’a pas hésité à créer 4 portefeuilles ministériels. L’enseignement totalise autant de portefeuilles dans l’équipe gouvernementale.

Isolé sur le plan international pour les raisons que l’on sait (sa victoire n’est reconnue par l’ONU, ni par l’UA), Gbagbo, par ces ministères à la pelle, trouve là de précieux moyens pour s’assurer le soutien des populations à l’intérieur. Sous les tropiques africains, disposer d’un représentant dans l’exécutif n’est pas rien. Et ils sont certainement nombreux les Ivoiriens qui ont intérêt à ce que le gouvernement Aké N’Gbo perdure aux affaires. N’en déplaise à l’équipe Soro et à la communauté internationale !

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net