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50 ANS DU BURKINA : Les défis restent entiers

Publié le vendredi 10 décembre 2010 à 01h16min

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Les Burkinabè peuvent-ils fêter dans l’allégresse les cinquante ans d’indépendance de leur pays ? Les avis restent très partagés. Le bilan paraît maigre, et le chemin à parcourir parsemé d’embûches. Au début, il y eut la naissance d’un pays, avec peu de ressources, mais avec pour ambition la volonté de construire une nation, en rassemblant une multitude de peuples aux cultures imbriquées les unes dans les autres par le fait colonial. Un territoire rétabli après avoir été démantelé et partagé entre ses voisins. De sorte qu’une certaine logique perdure encore dans les déplacements des populations, lesquelles avaient été conditionnées pour aller, notamment en Côte d’Ivoire, servir de main- d’œuvre taillable et corvéable à merci dans les plantations et industries de la puissance coloniale.

Tout avait été mis en œuvre pour répondre à l’appel d’une bureaucratie coloniale sans pitié pour les nationaux. Elle avait besoin d’auxiliaires pour interpréter, transmettre les instructions et faire obéir les sujets. Parallèlement, devaient émerger une armée, une police et une justice aux ordres, une école, et une Administration qui n’avaient d’ambitions que celles du colon.

Comme ailleurs dans d’autres possessions françaises, dans ce pays, la répression était devenue la norme presque partout : politique, santé, éducation, entre autres. Tant et si bien que l’avènement de l’indépendance fut un réel soulagement. Enfin, on allait pouvoir se prendre en charge dans la dignité et dans la solidarité. L’espoir était donc né, avec les premiers acquis dont le gouvernement et les premières institutions de la République, les armoiries, le drapeau, l’hymne national, etc. Vinrent ensuite les infrastructures. Le dynamisme des individus et l’esprit d’initiative des communautés ont fait de ce pays une référence dans la résolution de questions comme la faim et la soif dans le Sahel. En cinquante ans d’indépendance, notre peuple doit encore sa survie, à l’utilisation d’outils rudimentaires comme la daba et la houe. Une véritable prouesse !

Le Burkina Faso se trouve cependant aujourd’hui à la croisée des chemins. Né dans les années 60, l’Etat cherche encore sa voie à travers de multiples réformes qui se heurtent à l’emprise des intérêts néo-coloniaux. Ceux-ci pèsent de manière insidieuse dans les prises de décision tant en politique qu’en affaires. Cela se ressent nettement sur les marchés internationaux (prix du coton) et les négociations avec l’Union européenne (Accords ACP/UE). Au fil du temps, le Burkina a enregistré de nombreuses expériences, mais elles n’ont presque jamais été capitalisées et mises à profit. Des Etats d’exception aux républiques expérimentales, c’est l’éternel recommencement. L’Etat burkinabè n’a presque pas de continuité, du fait de l’ampleur des règlements de comptes, du clientélisme, de la corruption, de la gabégie et de la petitesse d’esprit de certains.

Tant et si bien qu’au plan politique, l’électorat, aujourd’hui désabusé, se désintéresse de plus en plus de la chose politique. Les dernières consultations électorales l’ont prouvé : la fracture est réelle entre électeurs et classe politique. Pour en mesurer l’importance, il suffit de se rappeler que ce pays fut parmi les premiers en Afrique à avoir connu un soulèvement populaire (1966) et une mise en ballottage d’un chef d’Etat en exercice (1978). On était donc en droit d’attendre de ce cheminement politique un certain raffinement et non ce score de 80% acquis par Blaise Compaoré, candidat à sa propre succession. Surtout qu’à lui seul, il totalise 23 années de pouvoir sur les 50 ans d’indépendance du Burkina Faso !

Ce pays n’aura finalement connu qu’un seul président civil sur les six qui l’ont dirigé. De quoi engendrer une certaine apathie, un engourdissement dans la vie des institutions, et par voie de conséquence une fuite de responsabilité dans la gestion des affaires publiques. Comparativement au passé, le Burkina Faso a connu un recul dans la gestion de ses institutions, qui subissent le diktat de la majorité présidentielle.

Cela s’explique aussi par le déficit de communication existant entre les élites au pouvoir, les opposants et les membres de la société civile. De sorte que peu à peu, l’apathie, le manque d’initiative et la fuite de responsabilité ont fini par gangrener une expérience politique originale, mais dont les fruits servent plutôt à nourrir d’autres pays africains. Il s’en suit un dépérissement de l’Etat, un appauvrissement des valeurs morales, une perte de repères au niveau de la relève, et donc un rendement de moins en moins certain des ressources humaines. Le système de santé et le système éducatif sont ainsi à l’image de l’Etat que le colonisateur a laissé entre nos mains : toujours cher, loin de nos réalité et inaccessible.

Certes, le Burkina Faso a fait quelques progrès. Mais le fait de n’avoir jamais su ou voulu capitaliser les acquis, contribue chaque jour à handicaper ce pays sur tous les plans. En refusant de s’ouvrir aux autres, d’accepter de se parler franchement, et de trouver des voies consensuelles aux problèmes qui s’amoncellent, les Burkinabè peinent à se réconcilier avec eux-mêmes. Après cinquante ans d’indépendance, le Burkina Faso demeure pauvre et arriéré, en dépit de certaines avancées. Aux élites politiques de faire un sérieux examen de conscience, pour rebondir afin de soustraire la grande majorité d’une misère qui ne fait que croître. Car, plus que jamais : "Viima yaa kanga" ! (1)

"Le Pays"

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