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Alice Tiendrébéogo à propos de l’éducation des filles burkinabè en 50 ans : « Nous notons des avancées significatives malgré le retard historique »

Publié le mardi 7 décembre 2010 à 01h56min

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S’il y a un domaine, dans lequel le Burkina a fait de gros progrès ces dernières années, c’est bien celui de l’éducation des filles. Ces dernières, en une décennie, ont vu, pratiquement, leur taux de scolarisation doubler, passant de 33,6% en 1999 à 65% en 2010. Pour en parler, en ces moments de célébration du cinquantenaire du pays, nous sommes allé recueillir le témoignage de Alice Tiendrébéogo/Kaboret, directrice générale du Fonds pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle et ex-présidente du Comité de suivi de l’Initiative sur l’éducation des filles en Afrique.

De 198O à 1987, la DG du FONAEF a occupé successivement les fonctions de directrice du Cours normal de jeunes filles, proviseur du lycée national de jeunes filles. Par ailleurs, pour avoir également, entre autres, été ministre de la Promotion de la femme, Secrétaire d’Etat à l’action sociale et député à l’Assemblée nationale, la fille de Philippe Zinda Kaboret, titulaire d’un doctorat de 3e cycle en science de l’éducation et d’une maîtrise d’histoire, est bien placée pour savoir ce que l’éducation, sinon l’instruction, peut rapporter à une fille.

Lefaso.net : Vous êtes actrice de la lutte pour l’accès des filles à l’école. Quel bilan succinct pouvez-vous dresser sur cette question au Burkina, après 50 ans d’indépendance ?

Alice Tiendrébéogo : La situation de l’éducation des filles accuse un retard historique, mais il existe des avancées significatives à partir de 1993.
L’administration coloniale avait volontairement limité la scolarisation des peuples africains.Les objectifs de l’école coloniale étaient d’assurer la collaboration des chefs à travers leurs fils, ce qui a permis aux garçons de prendre une avance historique sur les filles. Elles n’ont eu accès à l’école que grâce aux missionnaires qui poursuivaient des objectifs religieux (former de bons chrétiens). L’état indépendant a maintenu le retard historique. Ainsi le décret n° 285 bis PRES/ EN du 31 août 1965 stipule que la scolarisation primaire est obligatoire et gratuite dans les limites des places disponibles.

Cependant il faut signaler que l’Etat burkinabé s’est préoccupé très tôt de la problématique de l’éducation des filles notamment avec le projet d’égalité d’accès des filles et des femmes à l’éducation financé par l’UNESCO de 1967 à 1984. Le décret de 1974 autorisant les filles en grossesse à continuer leurs études est une avancée révolutionnaire qui ne sera suivie par beaucoup d’Etats qu’après 1993 sous l’influence de FAWE. Parmi les stratégies qui se sont révélées efficaces pour résoudre les problèmes on peut citer au niveau national : la création d’un service chargé de la scolarisation des filles au sein du ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation de masse en 1989 ; l’adoption du premier plan d’action sur l’éducation des filles en 1994 et la loi n° 013-96/ADP du 9 mai 1996 portant loi d’orientation de l’éducation qui confère le droit à l’éducation à tout citoyen et l’obligation de scolarisation de 6 à 16 ans sans distinction fondée sur le sexe, l’origine sociale, la race ou la religion.

Mais, quel a été l’impact d’un projet comme le PDDEB ?

La mise en œuvre du plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) qui entend réduire l’inégalité d’accès à l’école selon le sexe et atteindre 70 % de taux de scolarisation en 2010, a permis de passer d’un taux de 33,6 % en 1999 à 65 % en 2010 pour les filles. Un accent particulier a été mis sur les filles avec des mesures de discrimination positive : les campagnes massives pour l’éducation des filles, cartable minimum, prise en charge des cotisations des parents d’élèves des filles au CP1. En outre, l’on peut citer d’autres projets :
- Le projet Bright financé par l’USAID et qui vise à développer l’éducation des filles dans dix provinces déficitaires
- La mise en œuvre du projet Education V avec la Banque mondiale au secondaire.
- La création du Centre international pour l’éducation des femmes et des filles en Afrique de l’Union africaine (UA/CIEFFA) qui a son siège à Ouagadougou.
- La création du Forum for African Women Educationnalists (FAWE)

Concrètement, quels ont été les résultats de tous ces projets ?

Toutes ces initiatives heureuses ont produit des résultats.
Ainsi, au primaire, le taux brut de scolarisation des filles est passé de 51 % en 2004/2005 à 71,2% en 2008/2009.

Au secondaire général et technique le taux d’accroissement du pourcentage des filles entre 2003/2004 et 2007/2008 a été de 20%.
L’on suppose que tout n’est rose…
Evidemment, il demeure des insuffisances qu’il faut travailler à corriger. En effet, le maintien et la réussite des filles à l’école restent encore problématique. Il en est de même du nombre insuffisant des filles dans les filières scientifiques. Par exemple à l’Université de Ouagadougou, en particulier à l’Institut des sciences, l’on n’enregistre que 17,22% de filles.
Comment envisagez-vous la question de l’éducation des filles pour l’avenir ?

Comme je viens de le relever, un certain nombre de problèmes restent à résoudre.

Il faudrait que l’on œuvre résolument à la suppression des obstacles que rencontrent les jeunes filles dans l’enseignement secondaire et supérieur, en améliorant notamment la qualité et en renforçant l’efficacité de l’enseignement scientifique, technique et professionnel. De même il importe de prendre véritablement en compte la dimension genre dans les différents systèmes éducatifs. Aussi s’impose t-il à l’Etat la nécessité de créer un environnement propice à l’éducation des filles, toute chose qui passe par la participation active et citoyenne de la femme à la gestion de la cité, au développement d’un leadership féminin.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

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