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ACTIVITE MINIERE A PELEGTANGA : Une catastrophe écologique et environnementale redoutée

Publié le jeudi 18 novembre 2010 à 01h44min

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Une société russe d’extraction d’or est en pleins travaux d’installation de son arsenal dans le village de Pelegtanga, à 10 km de Yako, dans la province du Passoré. Comme toutes les entreprises de ce type dans notre pays, Pinsapo Gold s’est engagé à offrir certains services aux populations riveraines de son aire d’extraction. Mais depuis le début des travaux proprement dits, certains signaux donnés par l’entreprise ne poussent pas à l’optimisme. Certaines personnes n’ont jamais caché leur scepticisme face au produit toxique de base avec lequel cette société doit procéder à l’extraction de son minerai : le cyanure. Si les responsables coutumiers du village optent pour la prudence et s’en remettent au Comité villageois de développement (CVD), beaucoup semblent réticents quant à la suite réservée à certains engagements et non des moindres. Les populations, dans leur majorité, n’épousent pas l’utilisation du cyanure dans leur environnement immédiat de vie.

Nous sommes le mardi 26 octobre 2010, dans le village de Pelegtanga, le symbole par excellence de l’exploitation artisanale de l’or au Passoré. Ici, tout le monde est acteur du site aurifère à des degrés divers. La seule occupation qui vaille la peine de mobiliser des foules de tous les âges est relative au travail de l’or. Le travail des enfants n’est pas un crime dans ce milieu. Depuis 1988 et sans discontinuer, des milliers de gens de tous horizons et de toutes nationalités affluent et se relaient sur l’un des plus grands, des plus riches et des plus vieux sites du Passoré. Du petit village de Pelegtanga, on en est arrivé à créer une vraie métropole rurale dont les habitants s’agglutinent dans le quartier « Bouda », sur une aire à forte densité.

De fait, les convoitises devenaient grandes. Après les acteurs nationaux, depuis sa naissance, le site de Bouda est aujourd’hui la propriété d’une multinationale russe. On pourrait résumer le cas de Bouda en deux mots : un site, deux permis. Le permis de El hadj Saidou Pafadnam qui gère la production issue de l’exploitation artisanale et le permis détenu par Pinsapo Gold qui s’occupera de l’exploitation à base du cyanure. Selon le Comité villageois de développement (CVD) du village, c’est le 7 juin 2010 que les populations ont été conviées officiellement à une assemblée générale devant évoquer l’arrivée éventuelle d’une société minière sur leur site. En pareille circonstance, l’information ne tarda pas à faire le tour des maisons de fortune non seulement des orpailleurs mais aussi des autochtones qui ont été, du moins pour certains, enthousiasmés par l’officialisation de cette arrivée avec son cortège de promesses ou d’engagements.

Et selon plusieurs responsables locaux, ces engagements non écrits se résument en cinq points : l’éclairage de l’école, du centre de santé et de la maison des jeunes à partir d’un groupe thermique ; la construction de locaux propres à la société en matériaux définitifs ; un forage à grande capacité ; le recrutement de 50 jeunes aux postes d’emplois correspondant à leur capacité et, enfin, le dédommagement des propriétaires terriens qui verront en partie ou totalement leurs terrains engloutis par les besoins de l’entreprise. Même si la moisson paraît bien maigre pour nombre de riverains, ceux-ci ont cru que l’heure de la quasi-modernisation ou encore de l’amélioration providentielle de leurs conditions de vie a sonné.

"Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé faire ?"

Cependant, tout le monde n’était pas de cet avis. Les premiers à manifester leur mécontentement ont été les autochtones du quartier. De plus en plus, la population semble prendre conscience de la toxicité du cyanure. Pour le Tengsoba de Bouda, les « inquiétudes étaient fondées sur les risques encourus par l’utilisation du cyanure qui pourrait infiltrer le sous-sol et contaminer la nappe phréatique ». Une pareille hypothèse pourrait mettre en danger la vie des populations qui boivent l’eau des puits et forages des alentours du site. « Il aurait fallu qu’ils aillent loin de nos concessions pour implanter leur site en pleine nature, le risque zéro n’existant pas en la matière », rétorque un des fils du quartier. « Comment le gouvernement, qui est très renseigné sur la dangerosité de ce produit, a pu autoriser une telle œuvre ? », se demande un autre. En général, et malgré les multiples démonstrations et autres assurances des techniciens de Pinsapo, à l’image de Boniface Naré, les uns et les autres ne sont nullement rassurés. A entendre certains intervenants, l’influence de certains fils du village aurait été mise à contribution pour calmer les sceptiques.

Mais que nenni ! La grande majorité des orpailleurs se disent outrés par la présence du cyanure aux alentours de leurs concessions. « Nous avons entendu dire que ce produit a dévasté tout un village ailleurs. Malgré nos grands frères qui sont venus s’entretenir avec nous pour nous rassurer, nous ne sommes pas tranquilles », confie une personne qui a requis l’anonymat. Conscients des problèmes liés à la présence de cette nouvelle société, le CVD a formulé des doléances qui paraissent impossibles à satisfaire par la société. Celles-ci sont de plusieurs ordres : clôture du CSPS ; acquisition d’une ambulance et d’une sonorisation pour des séances de sensibilisation ; construction de trois salles de classe, d’un CEG, d’un marché, d’un centre de formation professionnelle, d’une banque de céréales et d’un abattoir ; réalisation d’une retenue d’eau ; mise à la disposition d’un fonds de roulement au CVD, financement de plantations d’arbres et enfin mise en place d’un comité de suivi des engagements. Mais pour leur examen et leur éventuelle prise en compte, il va falloir repasser après, la société minière ayant déjà déterminé ses investissements à réaliser.

Par exemple, en lieu et place des maisons à ériger, Pinsapo a préféré des conteneurs climatisés déplaçables sans laisser de patrimoine infrastructurel à la zone une fois l’activité terminée. S’agissant du recrutement, seuls 9 jeunes ont été embauchés (vigiles et manœuvres) avec des salaires compris entre 27 000 et 48 500 F CFA pour le moment. L’autre désespoir des habitants, c’est la qualité du réseau routier. Au lieu de construire un bout de route à la hauteur des charges de « leurs poids lourds », la société s’est contentée d’un raclage et d’un remplissage d’une piste rurale. De tout le tableau, la seule action qui a permis d’atténuer les angoisses des uns et des autres est le dédommagement des propriétaires terriens.

Pinsapo Gold reste muet

Là-dessus, les avis sont unanimes. Saidou Sampebgo, membre du CVD et bénéficiaire du dédommagement se dit satisfait de ce qu’il a reçu. Pour le chef coutumier du village, « l’essentiel est que les Russes tiennent leurs engagements afin que leur sort ne soit pas identique à ce qui s’est passé à Kalsaka" (ndlr : tension née de la disparition du fétiche « nab-chaise »). Le Tengsoba du village de Pelegtanga s’en remet à Dieu pour que l’usage du cyanure ne soit la cause de dégâts humains ou environnementaux même si, pour lui, « la parole d’honneur existe aussi chez les Blancs ». Pour le CVD, la population avait rejeté dans l’ensemble l’arrivée de la société minière. « Plusieurs personnes ne comprennent rien du tout à leur méthode de travail et mieux, au sein du bureau du CVD, il y a de plus en plus de sceptiques », se lamente le président du CVD, Gilbert Sampebgo.

Le seul salut viendrait très probablement, selon lui, de la mise en place prochaine du comité de suivi. Ce comité qui se composerait d’éléments des deux parties, foi du secrétaire général du CVD Edouard Sawadogo, « jouerait un rôle d’alerte et de veille afin de maintenir un dialogue constant et opérationnel avec la direction de la société dont la hiérarchie est rigoureuse ». Le CVD lui-même ne dispose pas pour l’heure de stratégie claire de négociation. La preuve, il ignore le montant dû aux propriétaires terriens. Seule référence, les montants ont fluctué entre deux mille F CFA à plus de deux cents mille F CFA et ont concerné un peu moins de 50 personnes.

Comme on peut le constater, si les orpailleurs sont assurés de ne pas être expulsés de leurs trous, en revanche, les populations natives du village ne sont pas tranquilles. Certes, aucune tension ou manifestation n’est à l’ordre du jour ou même en projet. Mais la désillusion commence à se faire jour. Déjà, on ne croit plus au miracle, on pense plutôt à une probable catastrophe si les dispositions dont se prévaut Pinsapo Gold ne sont pas respectées. Toutefois le chef coutumier et ses conseillers voudraient bien croire à la « sainte parole » de Pinsapo Gold. Notre tentative pour avoir la version de la société est restée vaine.

Abdoulaye DIANDA (Collaborateur)

Le Pays

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