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INTERDICTION DE MANIFESTATION AU BENIN : Réelle menace ou tentative de musellement ?

Publié le jeudi 14 octobre 2010 à 03h52min

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Si l’odeur d’un putois peut paraître surprenante et désagréable dans un concert de fleurs, cette interdiction de manifestation édictée au Bénin l’est également. En effet, dans un pays qui fait exception dans une Afrique où la liberté d’expression est couramment bafouée, cette décision prise par le ministère de l’Intérieur le mardi 12 octobre 2010 fait effet de cheveu incongru dans une soupe jusque-là rarement troublée.

Cette mesure suscite d’autant plus d’interrogations qu’elle concerne une affaire hautement sensible : la lumière sur la mort de Pierre Urbain Dangnivo, l’homme qui a contribué à rendre publique l’arnaque d’ICC Services. En outre, voilà qu’on oppose les forces de l’ordre à la marche de l’Organisation de défense des droits de l’homme (OHDP) qui, pourtant, a obtenu (selon ce que ses responsables soutiennent) l’accord des autorités municipales de Cotonou pour justement manifester son mécontentement contre cette décision qu’elle juge "liberticide". Les interrogations vont donc bon train : est-ce parce que les syndicats et autres organisations des droits de l’homme en ont fait un peu trop lors de leurs manifestations pour réclamer la vérité que cette décision a été prise ?

Dans ce cas, c’est compréhensible dans la mesure où l’on veut éviter que des mouvements ne dégénèrent en actes de violence. Mais encore faut-il bien définir ce qu’on entend par "en faire un peu trop" ! Si, pour reprendre la principale illustration du ministre de l’Intérieur, c’est parce que les manifestants ont bloqué la circulation, c’est alors comme demander à un homme de se doucher sans se mouiller ! Car toute marche sur la voie publique cause forcément des perturbations à la fluidité de la circulation des biens et des personnes. Une fois de plus, on comprendrait mieux le ministre si les manifestants se livraient à des actes de vandalisme. Ce qui n’a apparemment pas été le cas jusqu’à présent, à moins d’une preuve contraire. Un raisonnement qui conduit par conséquent à une deuxième interrogation : si ce n’est donc pas pour éviter une réelle menace de vandalisme que cette interdiction a été signée, est-ce alors pour tenter d’étouffer l’affaire Dangnivo et celle d’ICC Services avec ?

Une réponse affirmative ferait une vilaine tâche sur la veste impeccable et immaculée que le président Yayi Boni veut faire endosser à sa gestion du Bénin. Et dans ce cas, il ne serait plus très différent de certains de ses homologues africains qui cognent le genou de leur peuple tout en lui interdisant de crier sa douleur. Mais la douleur peut être insoutenable et le cri incompressible. Dans ce cas, les opprimés peuvent se transformer en méchants cabris morts qui n’auront plus peur de la matraque de l’autorité, ni d’égard pour les balises de la légalité. Autrement dit, à vouloir étouffer les syndicats et autres défenseurs des droits de l’homme béninois, on pourrait avoir l’effet inverse. Si tant est que les autorités béninoises ne se reprochent rien, qu’elles laissent donc les syndicats manifester. Sinon, on finirait par croire qu’elles veulent sauvegarder autre chose que l’ordre. Et qu’elles utilisent pour cela de bien peu glorieux moyens : des muselières.

Abdou ZOURE

Le Pays

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