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Pêche et pisciculture au Burkina Faso : Plongées dans le barrage de Bagré

Publié le vendredi 1er octobre 2010 à 05h36min

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Outre ses capacités de production agricole, le barrage de Bagré renferme d’énormes ressources halieutiques. Cette plus grande étendue d’eau du Burkina Faso offre d’énormes potentialités en matière de pêche et de pisciculture. Une quantité importante de poisson qui en ressort entretient toute une activité économique dans cette localité située à environ 260 kilomètres de Ouagadougou et à 45 kilomètres de Tenkodogo, dans la région du Centre-Est.

Pour le seul mois de juillet 2010, quatorze (14) tonnes de poisson sont sorties du barrage de Bagré. Et à la fin août, les services en charge de la gestion des ressources halieutiques de cet aménagement hydroélectrique ont enregistré 13,9 tonnes de poisson. Les chiffres ne concernent que le seul débarcadère de Bagré-Chantier, l’un des 12 lieux de pesée et de vente de poisson au bord du barrage.

A l’opposé de bien d’autres contrées du Burkina Faso, le poisson n’est pas une denrée rare à Bagré. Grâce au barrage dont cette localité bénéficie depuis 1992, les ressources halieutiques de plus en plus promues, abondantes, disputées occupent une place de choix dans les activités rémunératrices des populations. Bon nombre de personnes y puisent leur principale source de revenus. C’est le cas de Ernest Yigo, la trentaine bien sonnée, dont l’existence est en grande partie liée à celle du poisson dans son environnement.

L’exploitation de cette ressource lui est collée ou presque à la peau. Pêcheur dès sa tendre enfance, à l’instar de bien d’autres jeunes de Bagré, village bissa, dans la province du Boulgou, il ne sait exercer autre métier que celui de la pêche. Très tôt le matin, Ernest Yigo rejoint son lieu de travail sur les berges du barrage de Bagré. Même les intempéries du mois d’août ne peuvent ébranler cette recherche effrénée de la pitance, à travers la traque du poisson. Sous la pluie matinale du 31 août dernier, il affiche sa présence aux environs de 8 heures au débarcadère de Bagré-Chantier.

En compagnie de ses camarades des eaux et des pirogues, M. Yigo tient déjà sa prise de poisson qu’il veut livrer : « Je suis pêcheur il y a plusieurs années, mais il faut avouer que la pêche n’est plus rentable comme ce fut le cas dans le passé. Le poisson se fait rare ces derniers temps ». Ce constat est aussi celui de l’agent technique de l’Agriculture, chef d’antenne du Périmètre aquacole d’intérêt économique (PAIE) de Bagré, Moussa Korbéogo, servant de guide du jour. Le technicien des questions halieutiques affirme que la période la plus propice pour les pêcheurs reste la période de juillet-août-septembre de chaque année. Durant ces mois, les prises des pêcheurs sont assez considérables.

Selon le chef d’antenne du PAIE de Bagré, la pêche est bien organisée au bord du barrage. Entre autres procédures d’organisation, un agent du périmètre est présent à chaque débarcadère. Il est chargé d’enregistrer les pêcheurs et les sorties de poisson du barrage. La prise est revendue, généralement sur place, aux consommateurs, aux mareyeurs ou aux transformatrices de poisson.

Les mareyeurs s’approvisionnent en poisson qu’ils vont revendre dans les marchés environnants, à Tenkodogo, à Bittou et même à Ouagadougou, la capitale. Deux types de mareyeurs se distinguent : la catégorie M1 représente ceux qui ont les moyens, capables d’acheminer le poisson jusqu’ à Ouagadougou et celle dite M2 dont les activités concernent les localités environnantes. « Nous délivrons annuellement, une licence annuelle de 50 000 F CFA à la catégorie M1 et une autre de 10 000 F CFA aux mareyeurs classés M2 », explique Moussa Korbéogo. Surnommé Brodi, Issaka Kaboré fait partie de la deuxième catégorie des mareyeurs.

Pêché, transformé et revendu sur place

Il s’est rendu tôt au débarcadère du cours d’eau pour s’approvisionner en bonne qualité de poisson : les grosses carpes et les gros mâcharons. « Les gens aiment ces genres de poisson à Ouagadougou et ça se vend bien », soutient-il, auréolé de ses dix-huit (18) ans d’expérience dans le commerce de poisson. Le manque de la ressource, ces derniers temps dans les eaux du barrage de Bagré, est aussi constaté par celui-ci. « Au début, quand je venais pour me ravitailler, je faisais au plus deux jours seulement et j’avais une quantité suffisante de poisson pour retourner à Ouagadougou.

Maintenant, il faut passer quatre ou cinq jours, voire une semaine avant d’avoir la quantité souhaitée », se plaint le mareyeur. Le poisson est généralement acheté bord-barrage avec les pêcheurs entre 300 et 800 F CFA le kilogramme. « Une fois à Ouagadougou, le même poisson est revendu entre 600 F et 1 300 F CFA, le kilogramme », affirme le commerçant tout en refusant d’admettre que ce commerce est rentable.

A côté des mareyeurs, se trouvent les transformateurs ou plus exactement, les transformatrices de poisson. Leur activité consiste à acheter le poisson avec les pêcheurs, à le fumer ou à le sécher avant de le revendre. Celles-ci sont aussi assujetties à une licence individuelle de 2 500 F CFA l’année.

A Bagré, les transformatrices de poisson sont organisées en groupements. Alima Ouédraogo née Diabo est la présidente de l’Union des transformatrices de poisson de Bagré qui compte six groupements avec une centaine d’adhérentes. « Mon quotidien, c’est le poisson. Les réalisations que j’ai pu acquérir, c’est grâce au poisson », avoue la présidente Ouédraogo dont l’époux est mareyeur. Son activité principale est exercée parallèlement avec celles de l’élevage, de l’agriculture ou du commerce. Alima avoue que c’est grâce à l’activité liée au poisson qu’elle parvient à financer les autres activités.

A l’instar d’autres transformatrices ou mareyeurs, elle a investi dans l’achat de matériels pour les pêcheurs. La responsable des transformatrices déplore aussi la rareté des ressources halieutiques, par moments. Nantie de plus de 15 ans d’expérience dans le métier, elle confie que la transformation du poisson n’est plus rentable aujourd’hui comme ce fut le cas dans le passé. « Actuellement, nous faisons plutôt du social, puisque nous permettons aux pêcheurs et à certains mareyeurs de se débarrasser de leurs poissons pourris que nous transformons pour les rendre consommables », soutient Alima Ouédraogo.

L’important potentiel piscicole menacé par l’homme

Le directeur de production de la Maîtrise d’ouvrage de Bagré (MOB), Maxime Ouédraogo, évalue à 1650 tonnes, le potentiel annuel de poisson dans le barrage. Les espèces de poisson avoisinent la quarantaine. « Ce sont des espèces lacustres inféodées à des lacs, à des eaux stagnantes. Ce sont généralement des carpes ou des silures », souligne-t-il. Pourtant, cette riche ressource halieutique est confrontée à une évidence implacable : la rareté du poisson constatée au fil des ans. Les causes d’une telle situation ne sont pas inconnues des exploitants. Elles résultent essentiellement, du non respect des normes recommandées en matière de capture.

« Certains pêcheurs mènent souvent leur activité à des heures indues (la nuit ou très tôt le matin avant 7 heures). D’autres pêchent avec des filets de petites mailles. Cela a pour conséquences, la capture de petits poissons qui devraient en principe, être épargnés pour la multiplication de l’espèce », dénonce le chef d’antenne PAIE, Moussa Korbéogo. De leur côté, les pêcheurs justifient ce déficit de poisson par le manque de matériel. « Nous voulons que les premiers responsables du pays nous aident à acquérir du matériel de qualité qui coûtent extrêmement cher », plaide Ernest Yigo, le jeune pêcheur.

Il soutient que le poisson existe, mais ce sont de bons outils qui font défaut. Le manque de matériels pour travailler est aussi évoqué comme une difficulté par le chef d’antenne PAIE. « Notre seule et véritable arme est la sensibilisation. Dès qu’on veut entreprendre des contrôles, nous sommes confrontés à l’alibi du manque de moyens », déplore-t-il. Devant de telles difficultés à amener les pêcheurs à observer les bonnes règles, sa structure se voit parfois contrainte de recourir aux agents des Eaux et forêts, en vue d’un contrôle plus prononcé.

Outre le cadre naturel d’évolution des ressources halieutiques que le barrage de Bagré offre, cette vaste étendue d’eau apparaît depuis un certain temps comme le site de la promotion de la pisciculture au Burkina Faso. Pour pallier son déficit en matière de demande et de consommation de poisson, le pays a opté pour la production artificielle dans les étangs et les bassins.

L’élevage de poisson

La zone du Projet d’élevage piscicole (PEP) où cette culture poissonnière se pratique depuis quelques années, force l’admiration et convainc à se lancer dans cette activité. Cette initiative prise par le ministère en charge des Ressources halieutiques avec l’assistance de la coopération taïwanaise, il y a plus de six ans, s’inscrit dans la politique de l’Etat d’accroître l’offre de poisson au Burkina Faso. Selon le responsable PEP, Sana Bouda, la promotion et la vulgarisation de la pisciculture à travers le PEP, s’appuie sur cinq (5) composantes : la formation, la production, l’alimentation, l’enfermement, la transformation. Tout ce processus se laisse observer à Bagré.

Le PEP dispose d’un centre de formation pour des techniciens, des ingénieurs et autres agents piscicoles où plusieurs spécialistes ont déjà été outillés. Des semences (culture d’alevins) sont produites sur place et destinées à l’élevage. Celles-ci bénéficient pour leur croissance d’aliments propres à la nourriture du poisson fabriquée sur les lieux. Une ferme de grossissement regroupe les étangs-écoles de la PEP où le poisson est élevé pour être vendu ou transformé à l’usine.

Le volet de la transformation est celle qui allie l’entretien du poisson à la consommation ou à la conservation. « Il s’agit d’une des plus grandes usines de transformation du poisson dans la sous-région avec une capacité de 80 à 90 tonnes par an », explique M. Bouda. Le PEP a copiloté la véritable introduction de cette production artificielle et industrielle du poisson au Burkina Faso pendant les cinq premières années avec la coopération taïwanaise.

L’Etat burkinabè devrait assurer la relève après le départ des coopérants chinois, mais cette relève est encore loin d’être une réalité (voir encadré). Le projet se trouve actuellement dans un désintérêt et essaie tant bien que mal de survivre avec ses moyens de bord. La conviction de ses acteurs en ce secteur permet l’effectivité de certaines activités sur le terrain. Nous avons pu assister, le 31 août dernier à 17 heures, à une séance d’extraction de poisson dans les étangs du PEP.

Alban KINI (alban_kini@yahoo.fr)


La pisciculture burkinabè en mal de relève

Le Projet élevage piscicole (PEP) de Bagré, lancé en juillet 2004, s’inscrit dans le cadre de la politique nationale de développement des ressources halieutiques. Confié aux Engagements nationaux, il a été soutenu financièrement et techniquement, par la coopération taïwanaise qui l’a géré pendant cinq(5) ans.

La partie taïwanaise s’est retirée en décembre 2009. Depuis janvier 2010, l’Etat burkinabè ou un privé devrait assurer la relève. Pour l’instant, l’on est encore à l’étape des études pour déterminer un statut exact au PEP. Le vide laissé par le départ des Taïwanais est toujours visible.

Le projet, on peut le dire, vivote actuellement. En guise d’illustration, un des responsables sur le terrain, confie que devant des besoins annuels de gestion des instances évalués à 40 millions de FCFA, l’Etat n’a consenti que le dixième, soit 4 millions de FCFA. Le PEP ne doit sa survie actuelle qu’au reste des fonds des Taïwanais. Mais jusqu’à quand, cela va durer ?

Les premiers responsables de la Maîtrise d’ouvrage de Bagré (MOB) en sont conscients. Cependant, ils se veulent très optimistes. Ils refusent d’admettre la mort programmée du projet. Comme solution de sauvetage, l’on parle d’une privatisation partielle ou totale des acquis du projet. Vivement que l’on presse le pas pour ne pas voir certains acquis du PEP voler en éclat !

A.K.


Le poisson serait moins cher à Ouagadougou qu’à Bagré

Il n’est pas rare d’entendre des personnes à Ouagadougou, dire que le poisson est plus cher à Bagré que dans la capitale burkinabè. Une assertion que partagent des acteurs de terrain (pêcheurs, mareyeurs, transformatrices). Ils expliquent cela par le fait qu’il est difficile pour le consommateur venu de Ouagadougou d’acheter le poisson directement avec les pêcheurs. En effet, pour avoir le poisson, le consommateur doit passer forcément par les commerçants, qui eux, dès qu’ils ont le produit, double, sinon triple les prix.

Ainsi, le poisson acheté avec le pêcheur à Bagré à 750 F CFA, le kilogramme est revendu sur place à 1 250 F CFA, par exemple. Alors que la même quantité de poisson est vendue à 1 300 F CFA à Ouagadougou, la capitale, située à plus de 200 km. C’est pourquoi des Ouagavillois affirment que le poisson est très cher à Bagré, pourtant grand producteur de ce produit.

A.K.

Sidwaya

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