Ce que l’on attend de Sékouba Konaté, c’est beaucoup moins ses déclarations incendiaires que sa capacité à conduire sereinement le processus de transition qui chancelle. Il aurait dû, face au blocage actuel, imposer urbi et orbi une date pour le second tour aux deux prétendants à la magistrature suprême, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Certains estiment d’ailleurs que le général Konaté cherche insidieusement à placer un Malinké à la tête de la République, en la personne de Tibou Kamara qu’il vient de nommer ministre d’Etat.

Toutes choses qui pourraient embraser le pays d’autant plus que le général lui-même a reconnu que "les problèmes ethniques montent" en Guinée. Les dissensions ethniques ont atteint un dégré paroxysmique en Guinée si fait que toute manoeuvre susceptible de les redimensionner doit être évitée. De toute façon, le général président aura compris que le modus vivendi est loin de se faire autour de ce qu’il propose ou menace d’imposer. Si tous les propos rapportés sont authentiques, le général Konaté, longtemps connu pour sa discrétion et sa sobriété, se serait laissé aller à des excès langagiers qui risquent d’entacher son aura. "Je n’ai qu’une envie, c’est de claquer la porte, mais c’est mon entourage qui m’en empêche", a-t-il affirmé tout de go. C’est vraiment l’aveu d’un manque de tact et de self-control longtemps drapé dans le mutisme du général. Considéré comme l’antithèse de son prédécesseur Moussa Dadis Camara, coutumier en son temps des déclarations à l’emporte-pièce et des accès de colère, le général serait-il en train d’emboîter le pas à ce dernier ?

Quoi qu’il advienne, Sékouba Konaté doit s’assumer. La politique est un terrain si fangeux et ondoyant que la fermeté et la discipline des casernes sont souvent obligées de s’y plier. Malheureusement, le général Konaté semble ne l’avoir pas compris. Le bon militaire est celui-là qui, face à la cacophonie et aux intrigues diverses, arrive, et ce souvent à son corps défendant, à faire preuve de retenue et de réserve. Ne dit-on pas généralement que le silence est d’or et la parole traitresse ? Dans tous les cas, les hommes politiques guinéens doivent, en ce qui les concerne, dépasser leur ego pour que le processus électoral toujours chancelant puisse connaître une issue heureuse et cela dans l’intérêt du peuple guinéen. Le général président ne saurait mieux faire que si l’ensemble de la classe politique l’accompagne dans la mission à lui confiée.

Boundi OUOBA

Le Pays