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ALTERNANCE DEMOCRATIQUE : L’Afrique porte le bonnet d’âne

Publié le jeudi 30 septembre 2010 à 03h02min

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"Président-fondateur, président à vie, père de la Nation, grand timonier"... Ces termes qui avaient le vent en poupe sous le règne des pères des indépendances dans les pays africains sont encore d’actualité, du moins par l’esprit qui les soutend. Beaucoup de dirigeants charcutent les Constitutions à tour de bras pour faire sauter tous les verrous démocratiques avec des arguments empreints le plus souvent de cynisme et de ridicule hors pairs. Lorsque l’on ne voit dans la volonté de ceux qui demandent l’alternance que le départ d’un individu du pouvoir, c’est qu’on admet que cet individu jouit d’un pouvoir personnalisé voire divin.

Ce qui n’est pas démocratique. L’alternance ne se fait pas contre une personne. C’est surtout le renouvellement des hommes, des compétences à échéances régulières au sommet de l’Etat. C’est le règne d’une paix réelle, car chaque citoyen qui a un projet de société est conscient qu’il faut bien travailler pour espérer accéder au pouvoir. Avec cette alternance, il y a la rotation des élites à la tête de l’Etat. Ainsi, le pays a des chances de voir défiler à la direction des affaires ses meilleurs et valeureux fils. S’il arrivait aussi que des dirigeants à la gouvernance médiocre parvenaient au pouvoir, le peuple n’a pas trop de soucis à se faire étant donné qu’il a la possibilité de les débarquer à la plus prochaine consultation électorale. L’alternance peut s’opérer avec le même parti. L’Occident le démontre régulièrement.

Aussi, deux leaders d’une même formation politique ne verront pas forcément les choses de la même manière. Chacun aura sa touche particulière, impulsera le développement de son pays dans un sens ou dans un autre. Lorsque les conditions de l’alternance sont réunies dans un Etat, il y a un accroissement de l’importance de l’obligation de rendre compte, élément capital d’une bonne gouvernance. Un dirigeant qui sait, en effet, qu’il ne doit le renouvellement de son mandat et l’avenir radieux de sa formation politique qu’à un bon bilan, mettra certainement plus de coeur à l’ouvrage. Au contraire, s’il est assuré que son peuple, du fait du verrouillage du système, n’a aucun moyen de l’inquiéter, la qualité de son travail dépendra de sa seule bonne volonté. Dans un tel contexte, la routine et le laxisme trouvent un terreau fertile. Si seulement ce genre de pratiques permettait au continent africain de se développer ! Hélas, il reste le plus arriéré, le plus endetté, le moins respecté de tous.

La plupart des Etats africains qui ont renoué avec le système démocratique dans les années 90, peinent toujours à présenter un visage honorable en la matière. Seuls quelques pays émergent du lot. Le Mali, grâce à la sagesse des présidents Amani Toumani Touré et Alpha Omar Konaré, est lancé sur l’autoroute d’une démocratie vraiment apaisée. Il en est de même du Ghana grâce aux présidents Jerry John Rwallings et John Kuffor. Le Bénin, le Sénégal et l’Afrique du Sud sont aussi parmi les rares bons exemples sur le continent. Ainsi, tout comme sur le chemin du développement, l’Afrique est le continent qui porte le bonnet d’âne en termes d’alternance démocratique. A l’instar de l’économie, la gouvernance mondialisée a des standards au nombre desquels figure cette alternance.

Dans la prise en compte de cette dernière, les autres continents ont plus ou moins de l’avance. Par contre, dans la majorité des pays africains, les chances de la réaliser sont très souvent seulement théoriques. La raison réside dans le fait que les partisans du grand timonier, le président en place, ont une peur bleue de s’opposer à ses desseins et les oppositions sont méthodiquement bâillonnées. Cela contraste avec la tendance qui prévaut sous d’autres cieux. L’Amérique du Sud par exemple, empêtrée dans des dictatures dans les années 70, est devenue, mis à part quelques canards boîteux, un exemple de démocratie à côté duquel le continent noir fait pâle figure.

Du Brésil au Chili en passant par la Colombie, le Venezuela ou l’Argentine, la plupart des pays de l’Amérique latine ont fait de l’alternance au pouvoir un pilier de leur gouvernance politique. Pas étonnant qu’ils avancent résolument sur les chantiers sinueux du développement au contraire de l’Afrique qui mendie et qui est toujours sous tutelle occidentale à plus d’un titre. Le président Lula da Silva par exemple, a su faire du Brésil un pays qui compte au plan international. Et le football n’est plus désormais la seule vraie référence de ce pays. Les Etats africains qui bénéficient du soutien du Brésil de Lula citent d’ailleurs ce pays en exemple dans les modèles de développement. C’est dire donc que ce chef d’Etat a fait de son pays une bonne référence. Populaire, très adulé, il passera pourtant la main à la fin de son deuxième mandat légal.

L’idée ne l’a même pas effleuré de tripatouiller la Constitution. Tout le contraire de beaucoup de ses pairs africains qui, même avec très peu de réalisations en faveur de leurs populations, s’estiment indispensables. S’il est vrai que l’alternance n’est pas la seule garantie du bonheur des peuples, il faut reconnaître qu’elle y contribue pour beaucoup. En tous les cas, les pays les plus arriérés de la planète se recrutent parmi ceux où les présidents règnent à vie. Simple coïncidence ? Improbable. L’Afrique doit donc revoir sa copie si elle veut être au rendez-vous du développement, de la paix, de l’histoire tout simplement.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 30 septembre 2010 à 14:01 En réponse à : ALTERNANCE DEMOCRATIQUE : L’Afrique porte le bonnet d’âne

    Merci pour cette reflexion, je vous encourage beaucoup.

    • Le 30 septembre 2010 à 19:13, par Yam nê yam En réponse à : ALTERNANCE DEMOCRATIQUE : L’Afrique porte le bonnet d’âne

      "L’alternance ne se fait pas contre une personne." Ce principe est vrai théoriquement, mais dans la réalité, l’alternance peut et doit se faire contre la personne qui, à lui seule, empêche l’alternance de se réaliser. C’est bien ce qui est arrivé au Niger. Il faut dégager les dictateurs déguisés en démocrate "faiseurs" de paix et "sauveurs" des peuples.

  • Le 30 septembre 2010 à 18:06, par Kon N’doungtouly En réponse à : ALTERNANCE DEMOCRATIQUE : L’Afrique porte le bonnet d’âne

    Espérons que ceux qui vont se reconnaitre dans cette interpellation sachent en faire bon usage , le rappel est nécessaire parce que parmi ces gens là ,il ya plein de têtus !
    En tous les cas , les peuples africains sont entrain d’étendre leurs limites en ce qui est du domaine de la gouvernance démocratique et plus rien ne poura les empêcher d’aller à la victoire enfin !

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