Goodluck candidat : Foire d’empoigne en vue au PDP
« Aujourd’hui je confirme qu’après de vastes consultations approfondies (...), moi, Goodluck Ebele Jonathan, avec l’aide de Dieu, j’offre au peuple du Nigeria mes services en tant que candidat à la présidence lors de l’élection de 2011 ». C’est en ces termes que l’actuel président du Nigeria, âgé de 52 ans, a annoncé sa candidature sur sa page du réseau social Facebook le mercredi 15 septembre 2010.
Ce chrétien du sud du Nigeria, qui a succédé en mai dernier au défunt président Umaru Yar’Adua, lève ainsi le voile sur sa présence au départ de la prochaine élection présidentielle dans son pays après plusieurs mois de spéculation. Force est de reconnaître cependant que la tâche ne sera pas du tout facile pour lui : tout d’abord, il y a l’échéance même de l’élection présidentielle nigériane, dont la date est fixée au 22 janvier 2011.
A 5 mois de cette date, aucune liste définitive de candidats ni liste électorale actualisée n’est encore disponible dans ce pays qui compte 150 millions d’habitants. 70 millions d’électeurs doivent être enregistrés d’ici le mois de décembre. Une tâche titanesque donc pour la Commission électorale nationale indépendante, dont le président, Attahiru Jega, a justement précisé que le Nigeria n’a jamais rien fait de tel, avant d’ajouter qu’il n’était pas un « magicien ».
C’est dire donc l’ampleur du travail à abattre en si peu de temps et ce, sous l’égide du commandant en chef de la République fédérale, Goodluck Ebele Jonathan. Ensuite, il y a la question même de la candidature de l’homme au célèbre chapeau borsalino au sein de son propre parti, le Parti démocratique populaire (PDP), dont il n’est pas le prétendant naturel à la magistrature suprême, contrairement à ce qui est souvent le cas sous nos tropiques.
En effet, une règle, non écrite, d’alternance tous les huit ans, qui prévaut au sein du parti au pouvoir, veut que le prochain candidat soit de nouveau un homme du Nord musulman, car le défunt président Umaru Yar’Adua n’a pu achever son mandat, de quatre ans (2007-2010). En d’autres termes, Goodluck Jonathan, en tant que chrétien du Sud, devrait, selon cette règle, céder le trône à un musulman pour respecter cette alternance géoreligieuse tacite.
De plus, il faut dire que lors des primaires du PDP, qui doivent se tenir dans les semaines à venir, Jonathan aura fort à faire face à des poids lourds de la scène politique nigériane, notamment l’ancien président Ibrahim Babangida, qui revient à la charge dix-sept ans après son départ ; et l’ex-vice-président Atiku Abubakar. D’ores et déjà, l’ancien général, Ibrahim Babanguida, ou IBB comme le surnomment les Nigérians, qui plus est musulman du Nord, s’affirme comme le rival le plus sérieux de l’actuel chef d’Etat, dont la popularité, très forte à son arrivée au pouvoir, est aujourd’hui en baisse.
Des empoignades en perspective donc au sein du PDP avec cette pléthore de candidats, et la bataille semble avoir déjà débuté, car l’annonce de la candidature de Goodluck Jonathan est intervenue, comme par hasard, le jour même où son adversaire, IBB, lançait sa campagne. Cette foire d’empoigne au sein même du parti au pouvoir démontre la vivacité de la démocratie dans le pays le plus peuplé de l’Afrique. En d’autres temps, rien que la maladie de l’ex-président Yar’Adua aurait servi de prétexte à un coup d’Etat.
Pendant la vacance au pouvoir à cette époque, les institutions républicaines ont continué à tourner, prouvant que les mécanismes démocratiques sont bien en place au Nigeria. Une réalité sur laquelle devra s’appuyer le vainqueur du scrutin du 22 janvier prochain pour faire taire les divisions ethnico-religieuses dans son pays, qui débouchent bien trop souvent sur des tueries, afin de donner toute sa grandeur au géant de l’Afrique de l’Ouest.
Hyacinthe Sanou