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Issa Hayatou, président de la CAF : "Maintenant, je peux même quitter la CAF "

Publié le jeudi 16 septembre 2010 à 03h05min

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Entre deux avions, Issa Hayatou a mis pied à terre à Paris pour nous accorder une interview exclusive. Que d’honneur pour votre quotidien ! Hayatou était de retour de son village natal, Garoua, où il est allé, 10 jours avant, pour le cérémonial de fin du jeûne musulman en famille. Immédiatement après, il a repris son bâton de pèlerin, destination, le Caire (via Paris) où il va présider la réunion de la CAF qui va procéder à la désignation d’un secrétaire général en remplacement à Moustapha Fahmy appelé à la FIFA. Issa Hayouta qui se définit comme un ami du Burkina a réellement fait violence sur lui-même pour que cette entretien ait lieu. Sans détour et malgré le peu de temps, nous avons revisité le foot africain.

Sidwaya (S.) : Parmi vos objectifs, vous vous êtes juré, d’amener prioritairement la Coupe du monde sur le sol du continent africain. A présent que c’est fait, que pensez-vous de cette victoire personnelle ?

Issa Hayatou (I.H.) : On peut le dire. Mais au-delà de ma modeste personne, c’est une victoire pour l’Afrique. Quand les 4 candidatures africaines se sont exprimées, personne ne vendait chère leur peau. Ils ont continué à nourrir le scepticisme jusqu’à la veille de la compétition. La presse a joué un mauvais rôle dans la situation en rappelant constamment la grande criminalité qui existe en Afrique du Sud. Finalement, le constat est là. L’Afrique a présenté une parfaite copie de la Coupe du monde. Tant sur le plan des infrastructures que sur le plan de la fréquentation des stades, le continent a battu les records.

Le tabou est désormais levé. On n’hésitera plus à confier à un autre pays d’Afrique, l’organisation d’une Coupe. L’Afrique du Sud nous a honoré. Il est vrai que je me suis investi personnellement pour que l’Afrique ait sa Coupe du monde. Mais il ne suffit pas de tirer la couverture sur soi. Le président de la FIFA et mes collaborateurs de la Confédération africaine ont joué chacun sa partition. L’histoire nous a donné raison. Aucun pays au monde, je pèse mes mots, n’a les infrastructures actuelles de l’Afrique du Sud. Aucun. Ni la Grande Allemagne, ni la France. C’est une énorme fierté pour le continent et ses hommes.

S. A présent, pouvez-vous alors quitter la CAF, prendre une retraite méritée tout en vous disant : j’ai atteint mes objectifs ?

I.H. : Je n’ai plus rien à prouver. C’était mon objectif, mais, c’est vrai, il en reste un que je n’ai pas pu atteindre : Gagner une Coupe du monde. Pendant ma gestion, en tant que président de la CAF, je me suis battu pour amener la Coupe du monde chez nous. Mais je voulais aussi qu’un pays africain puisse l’emporter.

Il est vrai que le Ghana n’était pas si loin du but. Si ce penalty en fin de match avait été réussi, je ne sais pas ce qui allait arriver. Il n’était pas exclu que ce pays s’offre une place en finale et mieux, qu’il l’emporte. Néanmoins, la prestation du Ghana, en dépit de l’élimination précoce des 5 autres pays africains en lice, a permis de démontrer que le football du continent est au top.

Nous pouvons espérer. Je puis me permettre de dire que si je quitte la Confédération aujourd’hui, les bases sont déjà jetées, le complexe est désormais écarté.

S. En novembre, le Burkina va abriter la CAN futsal. C’est une discipline peu connue et peu pratiquée aussi bien au Burkina que dans la plupart des Etats africains. Pensez-vous qu’il faut faire un peu de forcing pour parvenir à implanter le futsal ?

I.H. : J’ai eu le privilège d’être invité par le président du Faso lors de l’ouverture du CHAN en Côte d’Ivoire pour visiter le beau palais des sports dont le Burkina s’est doté. J’ai pu voir l’infrastructure. A partir de là, la CAF n’a pas hésité un seul instant à confier l’organisation de cette compétition au Burkina. Du côté organisationnel, nous n’avions aucun doute sur les capacités du Burkina. Le pays a déjà très bien organisé la CAN seniors et celle des moins de 19 ans. En plus, nous savons que le chef de l’Etat a toujours un œil sur ce type d’événement dont il suit personnellement l’évolution . C’est un atout de taille.

A partir du moment où ces conditions sont réunies, j’ai fait un témoignage au comité qui n’a même pas hésité. Nous viendrons donc au Burkina et nous repartirons la tête haute comme ce fut le cas de par le passé. La discipline est en pleine promotion en Afrique. On ne pourra pas pour l’heure, espérer des conditions optimales. Quelques pays seulement ont des championnats de futsal. On s’appuyera sur eux. Les autres le découvriront. Mais je sais que tous apprécieront et la discipline s’implantera en Afrique.

S. : Une rue sera dédiée à Issa Hayatou à Bobo-Dioulasso. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?

I.H. : Pour vous dire la vérité, je n’ai pas encore été saisi officiellement. On m’en a parlé officieusement sur la base d’informations piochées sur le Net. Mais je puis vous dire que grande est ma joie si l’information venait à se confirmer. Ce sera la preuve que le Burkina reconnaît les efforts de certains fils du continent. Ce sera une consécration pour moi. Je le prendrai pour un appel à mieux me battre.

S. : Souvent la CAF est obligée de marcher sur des œufs en allant dans les pays qui ont des régimes contestés, prenant des décisions qui lui mettent à dos les gouvernements de certains pays.Qu’est-ce qui oriente les pas de la structure ?

I.H. : Quand vous portez sur vous les responsabilités de la gestion du football de ce niveau ou quand vous êtes responsables tout court, vous êtes obligés, des fois, de faire le dos rond. Les flèches qui vont vous parvenir glisseront et tomberont. Toutefois, notre démarche ne s’inscrit pas dans la provocation. Je vois que vous voulez faire allusion aux incidents du bus du Togo et leur évolution lors de la dernière CAN. Les gens ont commencé à jeter l’anathème sur nous, tout en oubliant que nous n’avions fait qu’appliquer le règlement. L’Afrique est le seul continent où il y a trop de susceptibilité.

On me dira qu’ailleurs, il y en a aussi. Mais chez nous, il faut gérer la religion, la couleur de la peau, les civilisations, il faut tout gérer. Nous aimons nous mettre assez souvent en dehors du règlement. Il n’y a pas très longtemps, après la diffusion du calendrier de la CAN , dix équipes, voire plus, se retiraient de la compétition.

Cela donnait une très mauvaise image du continent. Nous sommes parvenus à juguler ce fléau. Et nous n’avons pas le droit de permettre que cela se répète. Fort heureusement, le Togo a fini par reconnaître son erreur. Le crédit de la CAN est incompatible avec les états d’âme. Nous avions des partenaires, des sponsors qui, grâce à leur accompagnement ont permis à la CAN de sortir de la zone de turbulence.

Il ne faut pas les décevoir au risque de vous retrouver dans l’incertitude. Nous tenons compte de la susceptibilité des uns et des autres mais nous sommes obligés de nous montrer ferme. La participation à une CAN n’a rien de contraignant. Tous les Etats sont libres de s’engager. Mais une fois engagé, il y a l’obligation du respect du règlement. La fédération nationale qui adhère à ce principe peut jouer, au cas contraire, elle doit rester en dehors.

Nous menons un double combat. Je ne vous le cache pas. Au niveau mondial, on voit d’un mauvais œil, la montée fulgurante du football du continent. Moi je suis dans les arènes, on discute tous les jours. Si la presse et certaines autorités qui dirigent notre football pouvaient avoir l’alibi recherché pour frapper, nous condamner, croyez-moi elles n’hésiteraient pas. Il ne faut pas que nous leur tendions le bâton qui va servir à nous frapper.

S. : La Mauritanie qui formait le groupe D avec la Gambie, la Namibie et le Burkina a jeté l’éponge. Qu’est-ce qui va lui arriver ?

I. H. : Effectivement la Mauritanie s’est désengagée de la course pour la qualification de la CAN 2012. Au niveau de la CAF, nous n’avons pas encore connaissance des motivations. Donc il est difficile de nous prononcer là-dessus. Mais au risque de me répéter dès que nous réunirons les informations nécessaires, nous dirons encore la loi. Tout juste, je peux noter qu’il y a longtemps que nous n’avions plus enregistré de défections.

S. : Mais le Tribunal arbitraldu sport (TAS) semble avoir donné une autre suite à l’affaire du bus du Togo. Comment la CAF a-t-elle pris cette décision ?

T.H. : Non, le tribunal arbitral du sport ne nous a pas donné une autre fin à l’incident. Nous avions été partie intégrante de la procédure qui a abouti à la levée de la sanction. Le TAS ne pouvait pas condamner la CAF car nous avions dit le droit. Mais les instances ont estimé qu’après la fermeté pour donner la leçon, l’heure était venue de réunir tout le monde. Et croyez-moi, je suis le premier à me faire du souci quand il y a un seul pays qui est en retrait des activités de la Confédération. Le TAS a donc pris l’initiative de réconcilier les deux parties après constat qu’il ne pouvait pas casser la décision de la CAF qui est légal. La FIFA a servi de médiateur.

Elle a écrit à la CAF et au Togo, les deux parties se sont mis d’accord et rendez-vous a été pris à Zurich. Notre discours a été de faire comprendre à la délégation togolaise que nous étions une structure qui rassemble et non qui divise. Mais pour nous, il fallait que les uns et les autres reconnaissent leur tort. La partie togolaise effectivement a reconnu que la délégation avait mal agi en rentrant au Togo sans pouvoir signaler cela à la CAF. Sans état d’âme, en tant que frères responsables, nous avons passé l’éponge et accepté que le Togo soit réintégré.

Contrairement à ce que les uns et les autres disent, le TAS ne nous a pas débouté. Je me rejoui de cette solution finale. Mais je crois que nous avions fait la preuve que nous sommes une structure forte et soucieuse de son image. Je crois surtout que l’exemple est donné. Demain, toute fédération qui sera dans cette situation sait à quoi s’en tenir. La CAF appliquera les textes.

S. : Qu’est-ce qui a poussé la CAF à aligner désormais la CAN seniors sur les années impaires ?

I. H. : Nous avions opté d’aligner les éliminatoires de la CAN à ceux de la Coupe du monde. Les vedettes africaines évoluent tous en Europe. Ils sont payés par les clubs européens qui ont leur calendrier. Pour disposer d’eux aisément, la combinaison des deux compétitions est la solution trouvée. Les clubs ont aussi leurs arguments, celui de l’employeur. Mais nos différents Etats ont les leurs.

C’est le continent qui a donné naissance aux joueurs, les a formés. Bref le débat est là. On peut bien le mener. Mais à quoi bon verser dans la polémique ? Quant au CHAN, nous n’avons aucun souci de disponibilités des acteurs. C’est une compétition de locaux.

S. : Entre la CAN 2012 et celle de 2013, il n’y a qu’une année. C’est assez juste pour organiser des qualifications ordinaires. Il semble que la CAF dispose d’une nouvelle formule. Comment cela va-t-il se passer ?

H. : Quand l’idée de ramener la CAN aux années impaires a pris corps, nous avions dit qu’il était bon que cela coïncide à l’organisation de la compétition par la Libye. Initialement, la Libye devait l’organiser en 2014. Nous avions demandé à ce pays d’accepter l’abriter une année avant, considérant que, ni la mobilisation des ressources, ni la disponibilité des infrastructures ne poserait un problème.

Le président Kadhafi nous a donné son accord. Alors, ce sera en 2013. Pour les qualifications, la formule est trouvée. Elle se déroulera en deux étapes. Déjà nous considérons les 16 qui auront jouer la phase finale en 2012 comme des exemptés du premier tour des qualifications. Les autres pays qui ne seront pas à la CAN vont s’affronter pour 16 places à prendre.

Une fois cette étape bouclée, il y aura une confrontation entre les 16 issues des qualifications et les 16 autres qui ont joué la phase finale de la CAN. Un tirage au sort sera fait et chacune des 16 finalistes de la CAN 2012 passée disputera en aller-retour, un ticket direct pour la CAN 2013. En clair, les 16 finalistes n’auront à disputer que 2 matchs avec le même adversaire alors que les autres joueront plus de matchs car il a fallu dégraisser pour ne garder que les 16 meilleures. Toutes les précautions ont été prises. Les garanties sont là. Tout est ok.

S. : Depuis 1972, le Cameroun qui est votre pays n’a plus abrité de phases finale de CAN. Pourquoi ?

I.H. : Nous n’avons pas à la CAF une baguette magique. Le Cameroun n’a pas soumis depuis lors, de candidature. Mais il semble que le pays ambitionne se présenter. Je n’en ai pas encore la certitude. Le SG de la CAF ne m’a pas encore fait cas d’une telle candidature. Pourtant les appels à candidature ont été lancés, pour les CAN 2015 et 2017. Le Cameroun a déjà abrité la CAN. Quand on fait le point, tous les Etats ne comptent pas encore une CAN. Il faut laisser aussi la chance aux autres. Ceci peut expliquer aussi cela.

Interview réalisée à Paris par Jérémie NION

Sidwaya

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