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« Le gouvernement doit faire pression sur les commerçants pour que les prix baissent »

Publié le jeudi 19 août 2010 à 23h24min

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La Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) ne comprenant pas pourquoi le gouvernement a procédé, au cours de ce mois d’août, à une hausse des prix des hydrocarbures, a entrepris des démarches auprès de certaines structures de l’Etat. Même si ces actions sont, pour le moment, infructueuses, le président de cette organisation, Dr Mathias Somé, reste confiant. C’est ce qui ressort de l’entretien qu’il a accordé à Fasozine.com dans la soirée de ce jeudi 19 août 2010.

Fasozine.com : Comment réagissez-vous face à la dernière augmentation des prix des hydrocarbures ?

Dr Mathias Somé : Nous avons été surpris comme tous ceux qui vivent au Burkina par l’augmentation des prix des hydrocarbures qui survient malheureusement à une période où les populations connaissent deux types de problèmes. Le premier problème est que cette hausse des prix coïncide avec la période du carême. En plus de l’achat des hydrocarbures, les gens ont des dépenses supplémentaires. De même, nombre de ménages ont perdu leurs biens et leurs concessions dans des inondations ces derniers temps. Il va donc falloir que le gouvernement prenne ses responsabilités. Et comme je le disais, nous ne connaissons pas les raisons de cette augmentation. Nous avons tenté vainement de nous informer sur les motifs de cette situation. Et en tant que structure responsable, nous menons des démarches auprès des instances décisionnelles pour connaitre les raisons de cette hausse, car nous ne pouvons pas entreprendre une quelconque action sur la base d’hypothèses.

En outre, nous déplorons que dans un pays qui met l’accent sur la gouvernance, qu’on n’ait pas songé à informer les citoyens sur les motifs de changement des prix des produits de grande consommation comme les hydrocarbures. Nous présumons que le gouvernement s’est retrouvé obligé de procéder au relèvement de ces prix. Mais il est normal dans un pays qui prône la bonne gouvernance que les citoyens soient informés des raisons de ces changements.

Quelles sont, selon vous, les hypothèses qui pourraient expliquer la hausse des prix ?

L’hypothèse la plus simple, la plus probable et la plus visible est le cours du dollar. Parce que depuis un an que le gouvernement a procédé à une baisse des prix des hydrocarbures, le cours du dollar n’a cessé de monter. Un dollar fait actuellement autour de 560 francs CFA contre environ 400 francs CFA, il y a un an.
La 2e hypothèse est l’inondation qui frappe plusieurs pays dans le monde actuellement. Avec ces catastrophes, il est possible que les besoins du gouvernement ne soient plus couverts par les apports extérieurs et qu’il soit obligé de trouver lui-même les fonds à l’interne.
Mais nous disons bien qu’il s’agit là d’hypothèses. Et quels que soient les motifs, les Burkinabè ont besoin de savoir pourquoi leur gouvernement a procédé à l’augmentation des prix des hydrocarbures.

Les populations ont aussi constaté une hausse des prix de certaines denrées alimentaires, en cette période du carême. Que fait la Ligue des consommateurs face à cette situation ?

L’augmentation a touché de façon simultanée les prix du mil, du sucre et du ciment. Ces augmentations relèvent, selon nous, de la pure spéculation. Aucune raison ne peut expliquer que les structures qui produisent et qui commercialisent ces produits procèdent à un accroissement des prix, à une période où le gouvernement a mis sur le marché les céréales à des prix sociaux.

Concernant le sucre, la Société sucrière de la Comoé (SN/Sosuco) avait expliqué l’année dernière que le prix du sucre avait augmenté, du fait de la forte demande dans la sous-région. Et lorsque nous avons appris l’augmentation du prix du sucre cette année, nous avons contacté les responsables de la SN/Sosuco. Ils nous ont rassurés qu’ils n’ont pas augmenté d’un centime les prix du sucre parce qu’il y en a suffisamment dans la sous-région.

Et pour le ciment, nous ne comprenons pas pourquoi les responsables de la société qui fabrique le ciment procèdent à une augmentation des prix en ces moments où beaucoup de maisons se sont écroulées du fait des inondations et que le gouvernement encourage les populations à construire en dur.

Face cette persistance de la spéculation montée par des opérateurs économiques, le gouvernement manque de pression à l’endroit de ces personnes. Même si le gouvernement ne fixe plus les prix de ces produits, il a le devoir de les rendre accessibles aux consommateurs, afin de relancer le marché.

La Ligue des consommateurs a-t-elle envisagé des solutions à cette situation ?

Nous avons contacté le conseiller technique du ministre du Commerce et de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat. Mais il nous a redirigés vers une structure du Premier ministère qui s’occuperait maintenant des hydrocarbures. Et pour les autres produits, il nous a renvoyés vers l’Inspection générale des affaires économiques, une sous structure du ministère du Commerce et de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat. Nous avons des difficultés à les contacter, mais nous y arriverons, parce que nous voulons demander au gouvernement d’assumer ses responsabilités. Il a l’obligation de répondre aux besoins des citoyens. Le gouvernement ne peut pas, sous prétexte que l’Organisation mondiale du commerce demande aux pays de lever le contrôle sur certains produits, laisser des commerçants organiser des spéculations de la sorte.

Pourrait-on s’attendre à des actions énergiques de la part de la Ligue des consommateurs ?

Il sera difficile, dans le cas présent, de demander aux gens de boycotter ces produits. La réponse ne sera, d’ailleurs pas de boycotter ces produits mais ce sera d’amener un acteur responsable, le gouvernement, à exercer une pression sur les commerçants afin que les prix baissent. La situation au Burkina est paradoxale à celles d’autres pays. Au Niger, par exemple, les taxes sont levées sur tous les produits de grande consommation (céréales, aliments, équipement électroménager) pendant le mois du ramadan. Il en est de même en Mauritanie. Le Sénégal de son côté, baisse le prix du gaz. C’est une forme de solidarité de l’Etat à l’endroit des musulmans en cette période du carême et les commerçants aussi s’engagent dans cette voie. Mais au Burkina, le gouvernement ne perçoit pas la nécessité de prendre des dispositions, afin de permettre aux musulmans de faire tranquillement un bon carême. C’est donc sur le gouvernement qu’il va falloir agir parce que son devoir est de faire en sorte que les commerçants ne pratiquent pas l’escroquerie.

Jacques Théodore Balima

Fasozine

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