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Criquets pélerins : Le pire est encore à venir

Publié le jeudi 2 septembre 2004 à 07h27min

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De retour au Sahel, où rien n’a été préparé pour leur arrivée massive, les criquets pèlerins gagnent chaque jour du terrain dans les pays d’Afrique de l’Ouest. On craint le pire pour les récoltes en cours de maturation.

Début août, des nuages de criquets pèlerins se sont abattus sur Nouakchott, la capitale mauritanienne. Les habitants qui ne les avaient pas revus depuis plus de 10 ans, les regardaient avec étonnement . Au coucher du soleil, ils s’agrippent à tout ce qui porte des feuilles d’arbres, plantes d’ornement, cultures - et quand ils repartent rassasiés au petit matin, il ne reste plus que de maigres branches et des amas de feuilles. Dans l’Adrar au nord du pays, la zone des palmeraies, les essaims sont arrivés en pleine période de cueillette des dattes. Ils dévorent les fruits jaunes et laissent les palmiers en piteux état.

Ces criquets pèlerins se sont multipliés suite à la bonne saison des pluies de l’an dernier. On signale leur présence depuis plus d’un an au Maroc et en Algérie mais c’est leur multiplication extrêmement rapide d’une génération à l’autre, ils sont 5 à 20 fois plus nombreux favorisée par des conditions écologiques qui expliquent leur pullulation actuelle. Venus du Sud algérien, ils ont ainsi envahi depuis plusieurs mois le nord désertique de la Mauritanie et progressent désormais vers le sud.

Combats contre l’ennemi

Ils ont ainsi eu vite fait de franchir le fleuve Sénégal et de se retrouver dans la région de Matan, à 700 km au nord de Dakar où les pluies tombées en juillet ont favorisé leur multiplication. Ils sont partout, même sur les routes où des égarés se cognent sur les vitres des taxis-brousse, donnant des frayeurs aux passagers. Omar Fall, chauffeur, raconte que quand ils arrivent en nombre : "c’est leur ombre qui attire l’attention des gens".

Les paysans n’y voient eux que des insectes nuisibles à même de semer la disette dans les campagnes. Mais ceux des premiers villages infectés proches de Matan ne sont pas aussi pessimistes. "Les criquets avaient envahi notre village mais les agents de la Dpv (ndlr : Direction de la protection des végétaux) les ont exterminés . Ils n’ont pas eu le temps de détruire les cultures qui commencent à peine à pousser", reconnaît Amadou Niang du village de Thionkor.
A Matan, un comité de crise est sur pied. Selon le gouverneur Mamadou Moustapha Ndao qui le coordonne "ces criquets grégaires matures qui ont grandi en Mauritanie ou au Maroc sont plus préoccupés par la ponte que par la nourriture". Pour autant, personne ne reste les bras croisés.

Ainsi , une vingtaine de véhicules de la DPV, appuyée par l’armée et les populations, prospecte chaque matin les champs envahis par les criquets pour les exterminer. Ces "combats contre l’ennemi", comme dit le gouverneur, ont lieu entre 2h et 4h du matin. Lorsque le jour se lève, on passe alors à la destruction des oeufs au moment où ils sont bien visibles. Pour l’heure, 20 000 ha sur près de 50 000 ha infectés ont été traités, selon la Dpv. Pour ne pas empoisonner le bétail avec les pesticides, "on interdit aux éleveurs de se rendre dans ces cimetières", déclare le gouverneur.

Des moyens de lutte très insuffisants

Pourtant certains craignent que des essaims ne parviennent à tromper la vigilance des équipes de lutte. Ce qui pourrait mettre à mal les nombreuses rizières et les champs de mil qui commencent tout juste à pousser . D’autant qu’en voyant les équipements vieillots et le matériel obsolète de la Dpv, on s’interroge sur leur efficacité en cas d’invasion plus importante, ce à quoi les spécialistes s’attendent.
Selon les experts, cette invasion de criquets aurait pu être évitée si les pays voisins avaient harmonisé leur action de prévention. Car, fait remarquer un cadre mauritanien de la défunte Organisation commune de lutte anti-acridienne et anti-aviaire (Oclalav) :" Quand on voit les criquets, c’est déjà trop tard pour les combattre. Nos dirigeants doivent le savoir".

Lors d’une réunion tenue le 27 juillet à Alger, neuf pays du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest ont élaboré un plan de lutte qui prévoit le traitement de 2 400 000 ha dont plus de 1 400 000 ha en Mauritanie qui a reçu 600 000 Euros de l’Espagne et l’appui de l’Algérie. De son côté, la France a accordé 300 000 Euros au Sénégal, au Mali, au Niger et à la Mauritanie.

Mais toutes ces aides tardent à se mettre e, place et chaque pays doit faire face avec les moyens du bord et des quantités de produits de traitement très insuffisantes à l’invasion grandissante de ces criquets. Actuellement ils sont presque aux portes de Dakar et ont atteint le Niger et le Mali. En attendant de pouvoir faire mieux, les autorités se contentent de slogans guerriers. "J’ai envie de rire quand j’entends la radio nationale dire : traquez les criquets ! Brûlez-les et enterrez-les !", dit, sarcastique, Saër Diagne, un agriculteur de Rosse en Mauritanie.

Par Moussa Gassama
Boubacar Sylla
(Syfia)

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