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PRESIDENTIELLE AU NIGERIA : Goodluck piégé par la règle non écrite

Publié le mardi 17 août 2010 à 01h23min

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L’élection présidentielle qui se tiendra dans moins de six mois au Nigeria, pourrait être précédée de primaires fort intenses. En effet, au sein du parti au pouvoir, le PDP, l’actuel chef de l’Etat, Jonathan Goodluck, pourrait se heurter à un candidat de taille : Atiku Abubakar. Ancien vice-président du pays, celui-ci a annoncé dimanche dernier qu’il se présentera au scrutin de 2011.

Une candidature qui intervient alors que le parti au pouvoir dont il est issu, est encore hésitant. C’est que Goodluck Jonathan, le président sortant, n’a pas encore officialisé sa candidature, même si le parti lui a donné le feu vert la semaine dernière. Goodluck est parvenu au pouvoir suite à un accident de l’histoire. Il a succédé au président Umaru Yar’Adua, musulman du nord du pays qui devait gérer le Nigeria durant deux mandats consécutifs.

Il est décédé des suites de maladie, le 5 mai dernier, sans même avoir pu jouir du premier. Suivant une règle non écrite, le parti au pouvoir applique une alternance tous les deux mandats, entre le Nord musulman et le Sud chrétien. Le défunt président Yar’Adua n’ayant effectué qu’un seul mandat, la présidence devrait donc échoir au Nord. Dans ces conditions, la candidature d’Atiku Abubakar pourrait donner des arguments supplémentaires aux partisans de cette règle. Mais ce souci va-t-il triompher, Goodluck ayant goûté aux délices du pouvoir ? On connaît les pièges sans fin de la boulimie du pouvoir sur le continent. A ce propos, on se rappelle les tentations devant lesquelles a bien failli céder l’ancien président Obasandjo. Il aurait volontiers cédé aux sirènes du pouvoir, n’eût été l’interpellation d’un certain…Atiku Abubakar, ci-devant candidat à la candidature.

L’homme est bien connu de la scène politique nigériane pour avoir été vice-président d’Olusegun Obasanjo de 1999 à 2007. Contrairement à beaucoup d’acteurs politiques africains, lui, avait osé quitter le parti au pouvoir après ses déconvenues avec son président. A la présidentielle de 2007, il s’était classé troisième lors d’un scrutin entaché de fraudes. Aujourd’hui, Atiku Abubakar entend se faire réintégrer par le PDP et se lancer dans la bataille des primaires contre le président sortant. La lutte pour la succession de Yar’Adua sera donc âpre.

D’autant que le nouveau candidat à la candidature dispose d’atouts sérieux. En effet, il a pour lui l’expérience des affaires et son intégrité morale. A moins de négociations intenses, il serait en mesure de gêner une éventuelle candidature de l’actuel occupant du fauteuil présidentiel nigérian. Mais la candidature de M. Atiku pourrait aussi encourager d’autres à sortir du bois. Cela augure déjà d’une course au leadership fort intéressante. Reste au parti au pouvoir à savoir gérer l’ensemble des ambitions pour en tirer un meilleur profit. Un défi à relever avec la certitude que toute querelle mal gérée pourrait profiter à l’adversaire. Le pourra-t-il ? Quelles sont les chances de chacun des candidats si des primaires se tenaient ? Quelle est la probabilité pour l’un ou l’autre de remporter l’élection présidentielle ? L’heureux porte-drapeau qui parviendra à obtenir les faveurs du parti majoritaire, trouvera certainement sur sa route d’autres candidats. Il pourra éventuellement affronter le célèbre écrivain Wole Soyinka si la candidature de ce dernier se confirme.

Avec ces rebondissements à la nigériane, l’Afrique anglophone fait à nouveau la leçon à l’Afrique francophone. Il est vrai que l’Afrique anglophone s’est parfois illustrée par des coups d’Etat ayant porté au pouvoir des bouffons comme Idi Amin Dada et des dictateurs sanguinaires du genre Sani Abacha.

Dans d’autres cas, des rébellions ont ouvert les portes du pouvoir à des dirigeants controversés comme Museveni ou Mugabe. Mais de façon générale, c’est bien chez les anglophones qu’on retrouve les expériences les plus fructueuses en matière d’alternance démocratique sur le continent. Tant au sein des partis politiques qu’au sommet de l’Etat. On l’a vu avec les départs de Jerry John Rawlings et John Kuffour au Ghana, Babangida et Obasandjo au Nigeria. Et c’est en Afrique du Sud qu’on trouve un phénomène du genre de Mandela, au Liberia qu’on déniche la première femme chef d’Etat, laquelle a battu aux élections un challenger…footballeur. En fait, les expériences en politique et en affaires réussissent mieux en zone anglophone, parce qu’elles reposent sur un socle culturel qui a su résister à l’épreuve du temps et de l’histoire coloniale. Le dialogue des cultures qui en résulte, favorise par conséquent la tolérance et la coexistence pacifique en dépit des couacs enregistrés ici et là comme au Nigeria.

Alliée à la liberté d’expression et à la libre concurrence qui font un bien meilleur ménage dans ces pays, la culture permet alors de survivre aux Etats d’exception et de promouvoir relativement l’exercice d’une bonne gouvernance sur fond d’alternance démocratique. Rien de comparable dans les Etats de l’espace francophone. Certes, l’on peut encore brandir les exemples du Bénin et du Mali où l’alternance a pu se réaliser jusque-là au sommet de l’Etat. Mais dans la plupart des cas, la perte des repères culturels et le bâillonnement des libertés, ont consacré en Afrique francophone le culte des pouvoirs à vie et de la pensée unique, le règne de l’impunité et de la cupidité, la prépondérance de l’irresponsabilité et de la médiocratie. De manière générale, les pouvoirs en place se réfugient derrière des constitutions et des textes de loi devenus ridicules et obsolètes par le jeu infini et insultant des tripatouillages.

Et lorsqu’elles existent, les institutions ont en général beaucoup perdu de leur crédibilité, autant que les acteurs politiques qui en sont les géniteurs ou les principaux animateurs. Le cas nigérian devrait donc faire réfléchir les ténors de la politique en Afrique francophone. Mais comme ailleurs, pour remporter le suffrage des électeurs, le candidat du parti au pouvoir au Nigeria, devra avoir des réponses aux grandes questions nationales : rébellion du sud sur fond de crise environnementale née de l’exploitation du pétrole, choléra, crise ethnico- religieuse, entre autres. Présentement, le Nigeria traverse de sérieuses difficultés. Une éventuelle course au leadership pèsera nécessairement sur les ressources à mobiliser. Il va sans dire que la dispersion des énergies s’en ressentira. Pourvu que l’issue soit salutaire. En attendant, le président Jonathan Gooluck, lui, se trouve pris au piège. Mais encore une fois, le sens du « fair play » et du pragmatisme des pays anglophones, vient clouer l’Afrique francophone au pilori.

"Le Pays"

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