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Marchés Publics : Réguler, mais à quel prix ?

Publié le jeudi 12 août 2010 à 22h43min

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La question des marchés de l’Etat ou marchés publics au Burkina. Un sujet de grande préoccupation. En première ligne dans ce secteur, le gouvernement semble plus que jamais décidé à mieux le contrôler. Y parviendra-t-il dans, un contexte d’ouverture des frontières politiques et économiques, caractérisé par des alliances de toutes sortes ? Grosse équation en perspective.

Pour son baptême de feu, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) a tenu à frapper fort. Dans son rapport 2008-2009, l’on retiendra ainsi les sanctions infligées à plusieurs entreprises de la place, coupables d’avoir cherché à ruser avec la loi.
En vertu du principe de la responsabilité de la faute, ces sociétés sont dorénavant, écartées du savoureux gâteau de la Princesse. Et de quelle manière ?
Publiés par voie de presse, leurs noms ont immédiatement suscité la curiosité. Chacun se bousculant pour admirer le fruit de la pêche aux présumés coupables.

Au total, ils sont 24 prestataires à avoir été officiellement suspendus (entre 2 et 5 ans) et 10 avertis pour des manquements divers, par la Commission de Règlements Amiables des Litiges, la CRAL.
Belle prise pour les uns, menu fretin pour les autres, quoi qu’il en soit, cette mise à l’écart décidée par l’autorité administrative, n’a laissé personne indifférent. Signe que le débat est réellement d’actualité, et qu’il fera partie des grands thèmes de la campagne présidentidielle.
En effet, la gouvernance économique est l’un des thèmes qui reviennent en boucle, dans le discours des adversaires du Président Compaoré, au pouvoir depuis 1987.

La sortie de l’ARMP n’est donc pas fortuite. C’est vraisemblablement, un clin d’œil adressé à l’opinion nationale ; à un électorat qui vaut de l’or, mais qui freine des quatre fers pour jouer le jeu de l’enrôlement sur les listes électorales. Même si dans la forme, la démarche s’appuie sur des textes communautaires.
Il s’agit des directives 4 et 5 du Conseil des Ministres de 2005 de l’UEMOA, et relatives aux procédures de passation, d’exécution et de règlements des marchés publics et de délégations du service public, mais également à leur contrôle et à leur bonne exécution.

Pour autant, la maison Burkina est loin d’avoir été entièrement balayée. Il est loisible au regard des limites objectives assignées à l’ARMP dans ses attributions, de s’interroger sur la possibilité que l’objectif escompté puisse réellement être atteint. Surtout, au regard de la forte corrélation qui existe entre le monde politique et économique.
Inutile de faire l’autruche ou le dindon farceur, de nombreux opérateurs économiques sont aussi des politiciens influents et vis versa. Ils n’hésitent pas à se rendre maîtres et possesseurs de chantiers, dont les portes leur sont généreusement ouvertes.

Avec hélas, au bout du compte, des pratiques monopolistiques ; ces gros bonnets ont acquis avec le temps, la conviction qu’ils sont incontournables dans le jeu économique, dont ils détiennent les éléments de décryptage. Décourageant de ce fait, une saine concurrence dans le milieu.
A tort ou a raison, d’autres opérateurs économiques qui se disent excédés, affirment avoir tout simplement renoncé à postuler aux marchés publics, en raison, selon eux, de la mauvaise ambiance qui y règne.
Assainir la gestion de marchés de l’Etat au Burkina ne sera donc pas une partie de plaisir. Pour y arriver, il faudra plus que le simple discours et les effets d’annonce.

Dans nos pays, le devoir d’ingratitude n’étant pas encore ancré dans les mœurs, bien au contraire, il est peu probable que les mauvaises habitudes soient évacuées d’un coup de baguette magique.
Comment faire comprendre a des Hommes d’affaires habitués au biberon, que les temps ont changé, que la terre a tourné, alors même qu’ils ont toujours répondu présent, dès le chant du coq ?

Qu’ils ont régulièrement été au cœur de la construction de plusieurs officines politiques, qu’ils ont apporté leur soutien dans les pires moments de tempête, bravant pour certains, les règles élémentaires de gestion, sans crainte d’un quelconque conflit d’intérêt ?
Ce sont là quelques interrogations qui valent ce quelles peuvent valoir, dans le contexte national actuel. Vouloir les ignorer, c’est cependant, se méprendre sur les enjeux actuels de positionnement. Pour ne l’avoir pas suffisamment intériorisé, des fonctionnaires méditent aujourd’hui sur leur sort ...

Point besoin à ce propos, d’enfiler des jumelles ou des lunettes de soleil, pour comprendre la réalité du phénomène. L’état d’avancement de ces chantiers complaisamment octroyés, à des entrepreneurs sans qualifications et sans véritable expertise.
Et dire que c’est l’argent du contribuable qui est au centre de ces bizarreries. Des sommes faramineuses qui auraient pu être octroyées avec des garanties de sérieux. Mais paradoxalement, point de sanction à l’horizon.

Aucune communication sur le sujet, aucune visite officielle de ministre ou d’officiel, comme ce fut le cas ailleurs. Ce qui donne une impression de deux, voire, trois poids quatre mesures.
Plus que des compilations annuelles de littératures statistiques, c’est donc une volonté politique qui doit se dessiner de manière claire et lisible.
La production de rapports d’activités, l’institution des personnes responsables des marchés « PRM » au sein des structures administratives, la mise en branle de mécanisme de contrôle interne et externe, tout cela est salutaire. Car témoignant d’un volontarisme certain de la part des gardiens du temple.

Mais dans les faits, ces mesures pourraient s’avérer insuffisantes, si la confiance continue de déserter à ce point, les salles de dépouillement des dossiers d’appels d’offres.
Tout simplement parce qu’il subsiste en amont, ce soupçon d’impartialité et de favoritisme qui colle à la peau des autorités chargées de mettre sur un pied d’égalité, tous les entrepreneurs autorisés à faire valoir leurs profils et leurs compétences.

A. Traoré

Journal du Jeudi

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