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LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

Publié le lundi 26 juillet 2010 à 23h15min

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Le climat était pourri à la Commission de l’informatique et des
libertés. L’ex-Directeur des affaires administratives et financières
(DAAF) et certains commissaires n’avaient plus la tête au travail. Dans
cette maison, l’argent a souvent fait tourner les têtes et les esprits.
Et ce qui devait arriver, arriva. Avec, en prime, des règlements de
comptes à n’en point finir. Et aussi la grande complicité de l’Etat.

Certains membres de la CIL ont fini par tomber dans les filets de
l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE). Le dossier est vilain à
voir : « Détournements de fonds et/ou manquants de caisse : 7 580 536 FCFA ; absence de pièces justificatives de dépenses : 5 278 000 FCFA ; autres malversations : 4 532 700 FCFA. Total à recouvrer : 17 391 236 FCFA ». Mais dans le rapport rendu public récemment, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat ne fait pas état de certains épisodes majeurs de cette
affaire brûlante.

L’ex-DAAF de la CIL, Sébastien Yoda, a dû avoir l’impression que le ciel
lui tombait sur la tête. Le rapport de l’ASCE ne lui fait pas de cadeau.
Comme un lourd marteau qui s’abat sur une tête chauve, le contrôleur
général d’Etat, Henri Bruno Bessin, et son équipe, n’ont pas hésité à
demander au ministre de l’Economie et des Finances de lui infliger une
terrible sanction. En faisant une halte sur le rapport, page 40,
l’ex-DAAF a dû s’attraper la tête.

Une phrase fatidique y
figure : « Veiller à ce que l’ancien DAAF de la CIL ne soit plus nommé à
une fonction comptable ». Selon des sources proches de l’ASCE, cet homme,
précédemment DAAF au ministère des Postes et des Technologies de
l’information et de la communication, a parachuté à la CIL, sans
vraiment maîtriser les contours de la gestion administrative, comptable
et financière. Mais très vite, il a étalé ses carences au grand jour. Il
a posé tellement d’actes flous que l’ASCE s’est vue obligée de
recommander à son ministre de tutelle de ne plus le nommer à une
quelconque fonction comptable.

Dès le début, la présidente de la CIL, Alimata Ouattara/Dah, a senti
venir le danger, au regard des tâtonnements incessants du DAAF. A
plusieurs reprises, elle a demandé au ministre de l’Economie et des
Finances de mettre à la disposition de la CIL, « des ressources humaines
compétentes ». Déjà, le 29 janvier 2008, elle a tiré la sonnette
d’alarme. Mais, sur ce point, sa correspondance restera sans suite. 12
février 2008 : une autre correspondance est déposée sur le bureau du
ministre des Finances. Nous avons réussi à avoir une copie auprès d’une
source proche du ministre, ayant requis l’anonymat. Dans la lettre, une
autre phrase digne d’intérêt : « Je sollicite auprès de vous, la mise à
disposition d’un contrôleur du Trésor au bénéfice de la CIL, pour
appuyer la Direction des affaires administratives et financières dans
ses attributions ». Là aussi, silence du côté du ministère de l’Economie
et des Finances. Pourtant, il fallait que la CIL fonctionne dans le
strict respect des règles comptables.

Une fois de plus, la présidente
écrit au ministre. Et elle reprend le même refrain : « Monsieur le
ministre, le fonctionnement efficient de la Commission de l’informatique
et des libertés, structure nouvellement mise en place, requiert, dans la
mesure du possible, la mise à sa disposition de personnel compétent
ayant une certaine expérience. Aussi ai-je l’honneur de solliciter
auprès de vous, la mise à disposition d’un Administrateur des services
financiers et de deux contrôleurs des services financiers au profit de
la CIL. Ces trois cadres viendront renforcer les capacités
opérationnelles de la Direction des affaires administratives et des
finances qui éprouve actuellement d’énormes difficultés dans son
fonctionnement par manque de personnel ». Dans l’entourage du ministre
des Finances, on reconnaît que la présidente de la CIL a fait les
démarches nécessaires. Mais, très vite, on précise que la procédure
était en cours. En cours ? Peut-être. Mais les choses ont tellement
traîné que des odeurs nauséabondes ont commencé à se dégager des caisses
de la Commission de l’informatique et des libertés.

Certains
commissaires, après avoir senti l’odeur du fric, et constaté les
dysfonctionnements criards au niveau de la DAAF, se sont convaincus
qu’ils pouvaient amasser beaucoup d’argent, en profitant de toutes les
opportunités susceptibles de leur permettre de « puiser » dans les caisses
de l’institution. Certains ont même demandé qu’on leur achète
immédiatement des véhicules de fonction. Mais d’autres se sont opposés.
Face au choc des intérêts, les conflits ont commencé à apparaître au
grand jour. Le Premier ministre Tertius Zongo était, selon des sources
concordantes, bien informé de cette situation presqu’explosive. Mais
comme il n’a pas pris de mesures fermes pour régler le problème, la
situation est allée de mal en pis. Logo_CILLa présidente de la CIL et
certains commissaires ont tenté de colmater les brèches, en vain. Dans
cette grande maison, certains se regardaient en chien de faïence.
Entre-temps, des tracts ont commencé à circuler. Et là, c’était grave :
on voulait la tête de la présidente.

Coûte que coûte, vaille que
vaille ! Mais la bonne dame a résisté. Contre vents et marrés. Et même
lorsque le DAAF a été remplacé, on a tout fait pour précipiter la chute
de la présidente. L’argentier de la maison, Sébastien Yoda, s’en est
allé avec des documents importants, relatifs à sa gestion : états
d’émargement du carburant, contrats, pièces administratives et… le
reliquat du carburant qui, selon des sources proches du dossier,
avoisinerait 800 000 FCFA. Le rouleau compresseur ainsi mis en branle a
fini par entrainer la présidente de la CIL dans une zone de turbulences.
L’Inspection générale du budget et l’Inspection générale du Trésor sont
allées jeter un coup d’œil dans la « maison » ! Et elles ont découvert
qu’il s’y passait des choses pas du tout claires. La présidente de la
CIL a été accusée d’avoir triché dans les frais de missions. Elle aurait
perçu plus qu’il n’en fallait. Et aujourd’hui, on lui demande de
rembourser les reliquats. Mais à y voir de près, si ce que les
inspecteurs de l’ASCE disent est vrai, c’est donc l’Etat lui-même qui a
été défaillant à ce niveau.

Toutes les missions des membres de la CIL
ont été d’abord l’objet de communications orales en Conseil des
ministres, donc analysées, pièce par pièce, par le Conseil. Chaque
communication orale fait état, entre autres, des frais de transport et
des frais de mission. Si elle est adoptée par le Conseil des ministres,
une procédure est engagée pour l’ordre de mission et les questions
financières. L’ordre de mission, qui précise l’imputation budgétaire,
est généralement signé par le Secrétaire général du gouvernement et du
Conseil des ministres et le Premier ministre. Les frais de missions que
la présidente de la CIL a perçus au moment des faits ont tous été
validés et autorisés par le Conseil des ministres. Et c’est en fonction
de cela que les frais de missions sont octroyés. Mais les inspecteurs
ayant effectué le contrôle estiment qu’elle devrait percevoir moins que
cela. Et que, par conséquent, elle doit rembourser le trop perçu sur ses
frais de missions, depuis la création de la CIL. A quoi servent alors
les questions orales en Conseil des ministres et le décret sur le
fonctionnement de la CIL ? Mystère et boule de gomme.

Autre question brûlante, la dotation en carburant. Là aussi, on l’accuse
de ne pas être au niveau de l’échelle normale. Pourtant, ce sont des
délibérations de l’ensemble des commissaires de la CIL lors de deux
sessions tenues les 21 et 28 mars 2008, qui en ont décidé ainsi. Pas
seulement pour la présidente, mais aussi pour les commissaires, le
Secrétaire général, le DAAF et les autres directeurs. « Mais certains ont
tendance à faire croire qu’elle a unilatéralement décidé de s’octroyer
le carburant », déplore un inspecteur de l’ASCE. Aujourd’hui, on lui
demande de tout rembourser. Le vice-président de la CIL, Mahamoudou
Ouédraogo, connaît presque les mêmes déboires. Le colonel Mamadi Aouba
et le DAAF, Sébastien Yoda, ont, eux, reçu un ordre ferme de l’ASCE, de
remettre dans la caisse ce qu’ils ont injustement perçu. Mais en
attendant, certains commissaires, qui ne participent presque plus aux
activités de la CIL, cherchent, coûte que coûte, à ébranler la
présidente, par des méthodes diverses. Au point que certains veulent
même sa tête. Affaire à suivre.

Par Sandra JOLY

Le Reporter


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Vos commentaires

  • Le 27 juillet 2010 à 07:38, par drissa En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    Vaine tentative pour essayer de masquer l’incompétence de cette dame. Si elle avait un brin d’honneur elle aurait démissioner ! À défaut elle doit purement et simplement être remplacée ! Elle n’est que source de problème.

  • Le 27 juillet 2010 à 08:17, par gobnangou En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    Vraiment il y a quels non dits dans ce rapport ?
    Le rapport est clair et la presidente veut seulement brouiller les pistes au lieu d accepter qu elle aussi trempe dans la caisse en percevant indument des frais de mission et aussi le vice president l ancien ministre mahamoudou. Comment un vice president peut proceder a des achats ? il y a bel et bien un service comptable et financier non ?
    Quant au daaf c est la catastrophe. Et dire que c est le meme qui seme la zizanie dans l affaire de la chefferie de koomtoega. Non Alain Yoda il faut arreter de soutenir ces genres de personnes car ca ne fait plus serieux.

  • Le 27 juillet 2010 à 10:07, par Ministrable En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    Les voleurs de la république fricottent toujours ensemble.Le malheur est que ce sont toujours les plus faibles qui sont emportés...alors que la racine du MAL persiste.Mais tout ca finira par leur exploser au visage ! Foi d’homme intègre

  • Le 27 juillet 2010 à 11:33, par arobanda En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    merci pour le grand travail abattu par par L’ASCE,mais vraiment dommage que c est des mietes qu on s acharne a attirer atention du profane la republique na t elle pas d autres chats plus corpulent a fouetter ? A force d inster sur des bannalites on s ettal ses propres carences.

  • Le 27 juillet 2010 à 13:53 En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    Lorsque l’on s’amuse avec l’argent du contribuable on finit par payer un Jour.

  • Le 27 juillet 2010 à 17:29, par Denis En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    Cette structure ne sert à rien. Elle apporte quoi au citoyen lamda ? Prenez cet argent et investissez dans l’éducation et la santé.

  • Le 27 juillet 2010 à 18:05, par mackiavel En réponse à : LES NON-DITS DU RAPPORT DE L’ASCE : L’Etat, la CIL et les millions « disparus »

    On commence à voir les choses sortir maintenant de cette maison. Mais, ce qu’il faut se dire et qui est déplorable, c’est avoir mis autant d’argent dans la main d’une seule personne (DAAF) sans un contrôleur financier. Quant aux procédures de déblocage en conseil des ministres, il faut faire pardon, la-bàs, on ne regarde pas qui va gagner combien à cette mission mais l’efficience et de l’acte et son intérêt pour le pays. A ce niveau, le visa d’un contrôleur financier doit attester que le dossier est conforme et je crois que franchement, il ne faut pas aller chercher les fautes là où il ne faut pas. Après tout, la bonne dame n’est pas aussi innocente qu’elle veut le faire croire même si le DAAF est à la fois indélicat et arrogant. (garder les pièces comptables d’une institution d’autorité même quand on a quiité, il faut bien le faire).

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