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DEMISSION DE ALAIN JOYANDET EN FRANCE : Un serviteur de la Françafrique largué

Publié le mardi 6 juillet 2010 à 01h48min

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En Occident en général, la démission est ce à quoi l’on s’attend le plus lorsqu’il est question d’affaires qui touchent, par exemple, des ministres. Le départ du gouvernement de Alain Joyandet qui était, jusqu’à la date du 4 juillet dernier, secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, et de Christian Blanc, ex-secrétaire d’Etat chargé du Grand Paris, entre donc dans l’ordre normal des choses. Les deux ont été emportés par des libertés prises avec les deniers publics, à savoir la location d’un jet privé pour une mission en Martinique ainsi que l’acquisition jugée illégale d’un permis de construire, pour Alain Joyandet et l’achat de cigares aux frais de son ministère, pour Christian Blanc.

Par contre, ce qui est inédit ici est la démission simultanée de deux ministres le même jour. C’est tellement rare que cela mérite d’être souligné surtout que les démissionnaires n’ont pas pour rendu le tablier pour des divergences de vue sur un sujet donné comme c’est le cas la plupart du temps, mais ont été emportés par des affaires de gestion de deniers publics.

Vue d’Afrique, c’est la démission de Alain Joyandet qui intéresse le plus au regard du poste qu’il occupait et des circonstances dans lesquelles il est arrivé au gouvernement en 2008. Jean Marie Bockel, son prédécesseur, avait tout simplement été viré pour avoir trop ou mal compris la politique de rupture dans les relations franco-africaines, prônée par Nicolas Sarkozy fraîchement élu. Et c’est Alain Joyandet, présenté comme un fidèle de Sarkozy, qui avait été rappelé pour ménager les susceptibilités des chefs du village franco-africain, comme feu Omar Bongo Ondimba. Jusqu’à ce qu’il soit lui aussi limogé comme celui qu’il a remplacé mais pas pour les mêmes raisons. Il s’est bien acquitté de sa tâche à l’ombre du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Koutchner, et de personnalités influentes de l’Elysée comme Claude Guéant.

Il a été l’incarnation de la continuité de la politique française en Afrique telle qu’elle se mène depuis bien longtemps et cela quel que soit le régime en place : soutien aux dictateurs, relations privilégiées avec un pré-carré africain constitué d’anciennes colonies françaises, maintien de bases militaires dans certains pays de ce pré-carré même si, par la suite, certaines ont été démantelées avec les nouveaux accords de défense, etc. C’est au nom de cette continuité que Joyandet n’a cessé d’apporter le soutien de la France au président de la Haute autorité de la transition malgache, Andry Rajoelina dit TGV, au moment même où des pays comme les Etats-Unis ou encore des organisations comme l’Union européenne ont décrété des sanctions contre l’ex-maire de Tana devenu chef d’Etat à la suite d’une contestation populaire.

Alain Joyandet, c’était aussi celui qui représentait la France aux investitures de chefs d’Etat qui ont légalisé par le vote leur prise de pouvoir par la force comme le Mauritanien Ould Abdel Aziz ou qui ont été réélus souvent dans la contestation comme Faure Gnassingbé du Togo. Il avait aussi commencé à sillonner l’Afrique avec les cinquantenaires des indépendances célébrés çà et là. La République démocratique du Congo a eu l’occasion d’accueillir ce représentant de la France le 30 juin dernier lors de la commémoration de ses 50 ans d’indépendance. Ce fut son dernier voyage en Afrique en tant que secrétaire d’Etat à la Coopération.

Aujourd’hui, tout cela est fini à un moment où s’annonce une série de cinquantenaires surtout dans le mois d’août ainsi qu’une nouvelle ère en Guinée qui est partie, a priori, pour se doter d’un président élu à l’issue d’un scrutin véritablement ouvert. Alain Joyandet aurait bien aimé représenter à nouveau la France à l’investiture du tout nouveau président guinéen surtout qu’il a eu à jouer les missi dominici dans ce pays du temps de la splendeur du capitaine putschiste Dadis Camara.

Cet honneur reviendra soit à Bernard Koutchner lui-même qui assure l’intérim, soit à un nouveau secrétaire d’Etat à la Coopération. Tout compte fait, la silhouette de Joyandet manquera à certains chefs du village franco-africain. Sur ce plan, la Françafrique perd un fidèle serviteur qui a été contraint de jeter l’éponge à un moment où en France, il est demandé beaucoup de rigueur dans les dépenses compte tenu notamment de la crise que l’on sait. Ceux qui ne l’ont pas compris l’ont finalement appris à leurs dépens.

"Le Pays"

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