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Célestin Mocnga Topona, 1er vice-président de l’UNDR : « Le Tchad n’a pas intérêt à soutenir un groupe rebelle... »

Publié le jeudi 1er juillet 2010 à 00h34min

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Célestin Mocnga Topona

Célestin Mocnga Topona de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), parti d’opposition tchadien, séjourne au Burkina Faso, du 18 juin au 1er juillet 2010. Venu à Ouagadougou pour des séances de travail avec le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Sidwaya a profité pour rencontrer le 1er vice-président du parti. Il évoque les relations de son parti avec le CDP, la situation politique au Tchad, la réconciliation entre le Tchad et le Soudan, la gestion de la manne pétrolière, les perspectives politiques de l’UNDR, etc.

Sidwaya (S.) : Vous séjournez au Burkina Faso, du 18 juin au 1er juillet 2010. Quel est l’objet de votre visite à Ouagadougou ?

Célestin Mocnga Topona (C.M.T.) : Nous sommes à Ouagadougou, depuis plus d’une semaine, dans le cadre d’une séance de rencontre avec le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Mon parti et le CDP ont des relations d’amitié depuis un certain temps et nous avons voulu venir voir comment ce parti fonctionne, nous imprégner de la gestion de ses ressources, de ses installations techniques et de ses différents services.

S. : Vous avez eu des rencontres avec le parti au pouvoir, le CDP. Concrètement, qu’est-ce qui a été au centre de vos échanges ?

C.M.T. : Nous avons discuté essentiellement, du fonctionnement administratif, financier et bien d’autres sujets. Nous avons voulu savoir comment au CDP, la gestion des hommes, des cadres, des ressources matérielles et financières du parti se fait. Nous avons cherché aussi, à comprendre l’organisation stratégique du parti, en vue de défendre ses options politiques, les grandes orientations dans la thématique de la sensibilisation, la mise en place d’un guide pour la mobilisation de la base.

D’habitude nous, qui dirigeons des partis politiques, avons d’énormes difficultés à mobiliser la base. En outre, les structures mises en place varient d’un parti à un autre. Sur le fond, le CDP et nous, avons à peu près la même ossature, le même statut, mais sur le terrain, il y a de petites différences. Nous avons découvert ici, une panoplie de structures organisées que le CDP maîtrise parfaitement sur l’ensemble du territoire.

Nous sommes surpris de constater qu’au CDP, le secteur dit informel est même structuré et pris en main par le parti. Ce secteur par essence est très difficile à gérer et à mobiliser pour donner aux acteurs qui le composent, un engouement politique. Par exemple au Tchad, nous rencontrons des difficultés à organiser ce secteur. Mais au Burkina, nous avons trouvé qu’il y a possibilité de prendre les différents maillons de ce secteur en main.

S. : Vous vous êtes imprégné des réalités du CDP, de la structure du parti, de la gestion des ressources. Quelles différences avez-vous relevées avec votre formation politique ?

C.M.T. : La différence est grande. Tout d’abord, le CDP est un parti au pouvoir, bien organisé, avec des structures dont notre parti ne dispose pas. Ensuite, le CDP a une expérience dans la gestion des choses publiques et un personnel compétent que nous n’avons pas. Par contre, au plan de l’orientation générale, de la stratégie et même de l’idéologie, nous partageons des points communs.

S. : L’UNDR est un parti d’opposition, pourquoi avoir choisi de venir prendre l’exemple d’une formation politique présidentielle ?

C.M.T. : Les deux partis, le CDP et l’UNDR, partagent la même idéologie. Nous nous réclamons de la social-démocratie ; c’est aussi l’idéologie du CDP.

L’historique de nos relations avec ce parti repose sur des valeurs supérieures. Nos dirigeants ont l’habitude de se rencontrer pour parler de la gouvernance de l’Afrique, de l’économie et d’autres questions qui dépassent le clivage parti d’opposition et parti au pouvoir. C’est pourquoi nous partageons ces valeurs avec le CDP.

Lorsque nous sommes arrivés sur le terrain, nous avons été agréablement surpris de constater que dans les documents de base et les grandes orientations du CDP, ce sont des choses que l’UNDR défend. Il y a donc une similitude d’option politique sur les grandes questions.

S. : En Afrique, les partis au pouvoir se soutiennent souvent lors des élections. Pensez-vous que le CDP va vous accompagner à aller à la conquête du fauteuil du président Idriss Deby Itno ?

C.M.T. : Pour le moment, nous nous battons pour conquérir le pouvoir d’Etat par nos propres moyens. Je voudrais vous apprendre que nous avons déjà une expérience électorale.

Aux premières élections pluralistes au Tchad en 1996, notre candidat est arrivé en troisième position à l’élection présidentielle au premier tour. Le parti au pouvoir a dû faire appel à nous pour qu’on l’accompagne au second tour. Idriss Deby a donc été élu, grâce à l’apport de l’UNDR. Ce qui nous a permis de gérer le pays pendant un certain temps.

Nous nous projetons donc, pour l’échéance présidentielle de 2011. Déjà à la fin de l’année 2010, il y aura les élections législatives et communales. Nous affûtons nos armes avec d’abord, nos propres ressources tout en n’excluant pas les alliances et les aides extérieures. Mais, ce n’est pas l’objectif de notre mission au Burkina Faso.

S. : Quelle est la situation politique qui prévaut actuellement au Tchad ?

C.M.T. : Elle est comme la plupart des pays qui ont connu des problèmes politiques. Mais au Tchad, nous avons connu une situation plus particulière. Depuis l’indépendance, notre pays n’a pas connu une gestion politique saine.

Nous n’avons connu que des guerres. La libéralisation politique de 1990 est venue à point nommé, parce que nous avons vécu avant sous un régime dictatorial. Lorsque ce régime a été renversé en 1990, c’était un soulagement général et c’était aussi, le point de départ du foisonnement des partis politiques.

Au Tchad, nous avons connu la conférence nationale. C’est au cours de cette conférence souveraine que nous avons débattu des problèmes qui minent notre pays. A l’issue de celle-ci, il y a eu un renforcement du processus démocratique avec le printemps des formations politiques. En 1996, il y a eu la première expérimentation d’élections pluralistes.

Notre parti qui venait de naître, constituait la troisième force sur l’échéquier politique national avec 15 députés. Nous avons donc conclu des accords avec le parti au pouvoir. Cette expérience nous a conduit au référendum sur la constitution. C’est là que nous avons eu des divergences de points de vue avec le parti au pouvoir sur le référendum qui modifiait des dispositions de la constitution dont celle sur le mandat présidentiel.

Nous n’étions pas pour cette modification et nous avons pris notre liberté d’action et continuer d’œuvrer dans le cadre de l’opposition démocratique. En résumé, nous pouvons dire que, malgré les groupes rebelles qui menacent souvent, la situation politique au Tchad est en train d’être stabilisée.

S. : A vous entendre, vos divergences avec le parti viennent de la modification de la disposition sur le mandat présidentiel. Etes-vous pour ou contre la limitation des mandats ?

C.M.T. : Je vous fais d’abord un bref aperçu de notre constitution. Elle a été élaborée, suite à un débat profond entre les différents acteurs politiques au Tchad qui a duré trois mois. C’était lors de la fameuse conférence nationale dont je venais d’évoquer. Pendant cette conférence, tous les acteurs, toutes obédiences politiques confondues, se sont entendus sur l’ossature de la constitution, y compris le mandat présidentiel. C’est ainsi qu’elle a été promulguée.

Même s’il devait y avoir modification de certaines dispositions, nous avions souhaité en son temps, qu’une négociation soit engagée pour voir l’opportunité ou pas de changer ces dispositions dans la constitution. Mais nous n’avons pas été entendus et ce débat n’a pas eu lieu.

Nous pensons qu’aller dans cette voie, c’est violer le consensus que nous avons obtenu en 1996. En tous les cas, nous sommes dans un Etat démocratique, le référendum a eu lieu et la nouvelle constitution a été adoptée. Mais, nous sommes des légalistes et nous prenons acte de la nouvelle mesure. Toutefois, au plan politique, nous avons notre vision des choses, parce que nous estimons que les situations ne sont pas les mêmes.

Au Tchad, nous avons connu des moments tumultueux avec des guerres incessantes. Il y a eu des milliers de victimes, des familles ont été fragilisées et l’économie, mise à genou. Nous avions pensé que la priorité aurait été que les acteurs s’activent d’abord, à relever le pays, avant de voir autre chose. Le pouvoir a outrepassé notre position. Mais le jour où nous serons au pouvoir, naturellement, nous allons demander à nouveau au peuple de revoir, selon notre vision, la constitution.

Pour le moment, c’est l’avancement du processus démocratique qui nous intéresse, surtout en qualité. Par le passé, les élections ont été entachées de beaucoup d’irrégularités et nous nous sommes battu contre cela. Nous voulons maintenant que les prochaines consultations soient plus crédibles.

S. : Le président soudanais Omar El-Béchir et son homologue tchadien Idriss Deby Itno, se sont rencontrés pour une réconciliation, en vue de relancer le processus de paix entre les deux pays. Peut-on dire que la situation est désormais normalisée entre les deux Etats ?

C.M.T. : Nous saluons d’abord, ce rapprochement entre le Soudan et le Tchad. La guerre qui a déchiré l’Est du Tchad a eu des conséquences désastreuses de part et d’autre des deux pays. Lorsque notre président a pris attache avec son homologue soudanais, l’UNDR a salué à sa juste valeur, cet acte.

Nous encourageons la consolidation désormais, des relations entre le Tchad et son voisin, le Soudan. Les troubles qui ont été causées par l’un ou l’autre, chaque pays accusant l’autre de soutenir la rébellion qui opère sur son territoire, doivent en principe, prendre fin. L’UNDR est un parti d’opposition et nous avons toujours donné notre point de vue.

Le Tchad n’a pas intérêt à soutenir un groupe rebelle d’un autre pays et le Soudan non plus n’a aucun intérêt à soutenir les rebelles qui opèrent à partir de son territoire contre un pays voisin. C’est la paix qui nous intéresse et la réconciliation entre le Soudan et le Tchad est une grande avancée. Notre souhait est qu’on ne retombe plus dans les erreurs du passé et qu’on ne voit que l’intérêt supérieur du Soudan et du Tchad.

Cela ne peut être valable que si les deux parties cessent de voir tout en termes de conflit entre les deux pays et privilégier la normalisation de la situation politique au Soudan et au Tchad. Le Soudan a ses problèmes internes, il doit régler ses propres difficultés avec ses opposants et la partie du Sud-Soudan. Si au Tchad, nous avons aussi des problèmes, qu’on nous laisse les résoudre dans un cadre démocratique pour que la guerre ne soit plus qu’un lointain souvenir.

S. : En janvier 2009, lors de votre conseil statutaire, l’UNDR recommandait au président Deby, un dialogue inclusif avec toutes les oppositions politico-militaires pour une paix définitive au Tchad. Où en êtes-vous avec cette recommandation ?

C.M.T. : Je pense que finalement, nous avons eu raison. C’est ce qui est en train de se faire sans qu’on ne reconnaisse que c’est au sein de l’UNDR que l’idée a germé. Aujourd’hui, des accords sont signés avec le Soudan qui demande en retour, qu’on accompagne les rebelles à regagner la légalité.

Si les groupes politico-militaires règlent leur situation, cela veut dire que le pouvoir à N’Djamena a accepté de discuter avec eux. Cependant, nous avons souhaité dans nos recommandations que la négociation se fasse au grand jour. Nous pensons qu’il n’y a pas de honte à discuter avec des gens qui ont pris les armes pour des raisons qui leur sont propres.

Ce sont avant tout des citoyens tchadiens et la question qu’on doit se poser est de savoir pourquoi ils ont pris les armes. Il faut peut-être trouver une solution politique à leurs préoccupations. A l’époque, nous avons indiqué que le tout pour la guerre ne règle absolument rien, aussi bien du côté du gouvernement que de celui des rebelles.

Tout compte fait, il n’y aura jamais de victoire, parce qu’il s’agit d’une question de guérilla et non d’une guerre classique entre deux Etats. Cette guerre de guérilla dure depuis que le Tchad est indépendant, donc il y a des problèmes politiques de fond qu’il faut résoudre. En son temps, nous avons recommandé que le régime prenne contact avec les rebelles pour connaître les motifs de la prise des armes.

Cela implique qu’il faut trouver quelque part, un facilitateur sur le continent africain, on en trouve. Nous avons l’exemple probant du président du Faso, Blaise Compaoré qui a été médiateur dans plusieurs crises dans la sous-région. En tous les cas, notre souhait est qu’on arrive à taire les armes et à l’étape actuelle des choses, nous sommes sur la bonne voie. Il nous appartient donc de consolider le processus enclenché.

S. : Vous attendez donc toujours ce dialogue inclusif recommandé ?

C.M.T. : Dans notre programme politique, nous pensons que le dialogue, qu’il soit inclusif ou pas, doit avoir lieu. C’est une des conditions nécessaires à une stabilité politique au Tchad.

S. : Le respect de l’orthodoxie financière était également, une de vos recommandations en janvier 2009. Y a-t-il un changement dans la gestion des finances publiques au Tchad ?

C.M.T. : Nous continuons de demander au gouvernement de faire des efforts parce que l’économie de notre pays ne se porte toujours pas bien. Toutes les actions que nous avons enclenchées au plan politique contre la mauvaise gestion sont nées de notre volonté de voir l’économie tchadienne en bonne santé.

Nous voulons que la gestion de nos ressources, qu’elles soient minières ou financières, soit orthodoxe. Mais comme nous ne sommes pas au pouvoir, nous ne savons pas comment le régime prend les recommandations et les suggestions des autres. Toutefois, le gouvernement doit continuer à faire un effort dans la gestion des ressources. Sur ce plan, nous n’avons pas de complaisance à faire au gouvernement.

S. : Qu’est-ce que vous reprochez concrètement au gouvernement tchadien ?

C.M.T. : Les recettes pétrolières devraient être orientées vers des secteurs de développement. Notre plus grand souhait est de voir le gouvernement bien gérer les ressources du pétrole. Il faut que le régime sache que le pétrole est une richesse nationale et doit être au service du développement de l’agriculture, de l’élevage et des secteurs sociaux de base.

En elles-mêmes, les recettes du pétrole ne suffisent pas, mais c’est une ressource qui est venue s’ajouter à nos potentialités traditionnelles que nous devons bien utiliser pour l’essor de notre économie. Nous voulons que l’avènement de l’ère pétrolière puisse avoir un impact sur le quotidien du citoyen tchadien.

S. : Comment votre parti prépare-t-il les échéances électorales, législatives et communales en fin 2010 et présidentielle en 2011 ?

C.M.T. : Nous n’allons pas dévoiler notre stratégie. Mais, notre option est déjà prise ; nous ne boycottons plus aucune élection. Nous avons boycotté le référendum, parce que nous étions contre la modification de dispositions de la constitution.

Pour cette fois-ci, nous allons maximiser nos chances si possible avec d’autres partis de l’opposition qui le souhaitent, pour que nous constituons un front solide. Nous sommes dans un regroupement de formations politiques dénommé coordination de partis politiques pour la défense de la constitution. Si les amis de cette coordination souhaitent qu’on parte au combat unis, nous allons fédérer nos efforts et nos stratégies.

S. : Vous souhaitez donc, un candidat unique pour toute l’opposition à la présidentielle en 2011 ?

C.M.T. : A l’UNDR, nous avons toujours été pour cette option et nous n’avons aucun complexe à le dire. Si aujourd’hui, la classe politique qui se réclame de l’opposition veut bien se surpasser, nous sommes pour un candidat unique de l’opposition.

Entretien réalisé par Enok KINDO

Lassané Osée OUEDRAOGO

Sidwaya

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