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CHEIKH TIDIANE GADIO : Vrai opposant ou aigri du système Wade ?

Publié le mercredi 30 juin 2010 à 00h47min

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Le paysage politique sénégalais s’enrichit d’un nouveau parti. Son géniteur, Cheikh Tidiane Gadio, est loin d’être un inconnu dans l’arène politique du pays de la Téranga. Plus, l’homme a été, un peu plus de neuf années durant, ministre des Affaires étrangères de Maître Abdoulaye Wade. On disait de lui, du temps de sa splendeur, qu’il était devenu, plus qu’un ami, le confident de Gorgui. Et, de la complicité, il y en a eu entre les deux hommes. Toutes les fois que cela parut nécessaire, Gadio joua les pompiers de service.

Et apparemment avec succès. Il fut celui qui résolut les crises que rencontra le Sénégal avec la Mauritanie, la Gambie, au début de l’accession de Wade à la présidence. On se souvient sans doute de la sortie de Gorgui au sujet de la "condition du Burkinabè en Côte d’Ivoire", qui provoqua l’ire des autorités ivoiriennes.

Il fallut toute la subtilité et la grande intelligence politique de Gadio pour éviter la crise diplomatique entre les deux pays. C’est cet homme-là que Gorgui choisit de renvoyer comme un malpropre, de la manière la plus cavalière qui soit. Gadio apprit la nouvelle de son limogeage, un peu comme monsieur tout le monde, en regardant la télévision. Sic transit gloria mundi (1), disaient les Latins. De toute évidence, Wade ne s’est pas fait un ami. Mais au fait, que reproche Gorgui à cet homme dont lui-même se plaisait à dire qu’il était le plus compétent des ministres des Affaires étrangères du continent africain ? Quelque incompétence ? On ose espérer que non. Sinon, le Maître ferait presque du parjure. Autre chose ? Alors quoi ? Peut-être ce que tout le monde pense mais que par prudence, personne n’ose nommer. Une cohabitation difficile avec Karim, le fils du père.

Et la constatation revient, lancinante, à la manière d’une méchante ritournelle. Karim Wade, qui s’y frotte, s’y pique. Gadio, au Sénégal, n’est d’ailleurs pas le seul, ni le premier à l’apprendre à ses dépens. Idrissa Seck, Macky Sall, avant lui, tous deux très proches de Gorgui, ont subi les foudres de ce dernier pour crime de lèse-fils de président. Et voilà à présent Gadio qui crée son parti politique : le Mouvement politique citoyen. Un parti d’opposition. Et qui entend ruer dans les brancards, car plus que quiconque, l’ancien ministre connaît Wade. Il ira sans doute grossir les rangs d’une opposition déjà bien fournie en têtes bien pleines et bien pensantes et qui compte en son sein, aussi bien de traditionnels adversaires politiques de Wade, que des défénestrés du système de Gorgui.

Lui, Gadio, alors, est presque un ouvrier de la vingt et cinquième heure et c’est bien la raison pour laquelle sa nouvelle grande famille politique peut ne pas adopter d’emblée le parti qu’il vient de créer. Car, on peut tout de même s’interroger quelque part sur les motivations réelles ainsi que l’intention future de Gadio, à présent qu’il sonne la mobilisation contre Wade. L’aurait-il fait si d’aventure il n’avait pas été « décagnoté » par cet homme dont il a lui-même, plus que souvent, été et le chantre et le porte-parole de la vision politique, au Sénégal et hors de son pays ?

L’opposition sénégalaise peut avoir des raisons de se méfier, ne serait-ce que quelque temps, d’un nouveau venu qui, très longtemps, a loué et vanté les mérites de celui qu’aujourd’hui il abhorre. Et c’est bien cette cruelle crise d’identité que le Gadio nouveau, sincère ou non, se devra de supporter pendant sans doute quelque temps. On peut, à juste titre, se demander s’il est désormais un opposant sincère ou si, à contrario il n’est rien d’autre qu’un aigri du système de Gorgui. C’est sans doute au fur et à mesure que passera le temps qu’une image plus précise de sa physionomie politique se dessinera.

En tout état de cause, on finit par se demander, légitimement, ce que veut Wade, à la fin. Et on se demande ce qu’il croit gagner en travaillant lui-même à grossir les rangs de son opposition. Car, enfin, même politiquement, il s’agit là d’une stratégie qui le fragilise. Gorgui lui-même l’affirme, Karim, à ses yeux n’est qu’un citoyen sénégalais à la manière de tous ses compatriotes. Et l’entourage immédiat du président le serine à longueur de journée : nulle part dans la tête de Wade, il n’est question d’imposer son fils aux Sénégalais si ces derniers n’en veulent pas.

Message reçu cinq sur cinq, terminé. Reste cependant qu’il faudra quand même expliquer pourquoi tout homme politique qui donne l’impression d’égratigner ou de faire ombrage au fils donne aussitôt de l’urticaire au père. Car, cela, on ne l’a pas encore servi. L’exception sénégalaise réside aussi dans la qualité de ses opposants qui, à maintes et maintes reprises, ont convaincu les plus sceptiques qu’ils avaient de la suite dans les idées, savaient être persévérants et résistants aux tentatives les plus aguichantes de corruption politique.

A supposer qu’ils arrivent à s’accorder sur l’essentiel, ils devraient savoir donner une réplique idoine au Maître du PDS, à la présidentielle de 2012, puisque, on le sait déjà, il a annoncé qu’il serait candidat. Mais, lui qui a été le grand bénéficiaire de l’alternance intervenue au Sénégal en mars 2000, on commence à se poser aujourd’hui la question de savoir s’il n’est pas opportun qu’à son tour il envisage sérieusement l’éventualité de passer le témoin à quelqu’un d’autre que lui. Ne serait-ce que pour le respect du principe d’alternance au sein même de sa formation. Quant à l’identité dudit successeur, il appartiendra aux militants du PDS d’en décider. En toute démocratie.

"Le Pays"

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