LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

GUINEE CONAKRY : La sortie inopportune du chef d’état-major

Publié le jeudi 17 juin 2010 à 22h14min

PARTAGER :                          

Le colonel Nouhou Thiam, chef d’état-major de l’armée guinéenne, a le mérite de la clarté. Au cours de la campagne de sensibilisation qu’il a menée dans les différentes garnisons militaires de Conakry, il n’aura pas usé de la langue de bois pour traduire ses intentions à ses soldats : il a promis que si une commission d’enquête lui en fait la demande, il livrera tout militaire soupçonné d’avoir trempé dans les massacres des civils, le 28 septembre 2009.

Clair, comme de l’eau de roche, aucun militaire ne saurait désormais compter sur une quelconque protection de quelque « chef » que ce soit pour jouir d’une quelconque immunité synonyme à vrai dire, d’impunité. Et à bon entendeur, salut. Concis, net et précis, le message. Les concernés n’ont qu’à se le tenir pour dit.

Mais tout de même, demeure une inconnue de taille. Pourquoi le colonel se fend-il de ce message lourd de sens, maintenant, et seulement maintenant ? Car, la présidentielle guinéenne est à portée de main. La date fatidique du 27 juin, c’est dans une dizaine de jours. Et la préoccupation actuelle des Guinéens, à l’heure actuelle, est bien la tenue pacifique d’élections consensuelles, saines et crédibles aux fins de mettre enfin un terme à plus d’un demi-siècle de souffrances, de tâtonnements et d’errements politiques qui, au final, se soldent par le maintien à genoux d’un pays que l’on s’accorde pourtant à considérer comme un véritable scandale géologique. Alors que tous les Guinéens ont le regard vissé sur cette ligne de mire, faut-il vraiment les inciter à viser une autre cible ? Le moment pour le faire en paraît pour le moins déplacé, inopportun et le colonel, en le faisant, donne l’impression de tourner inutilement le couteau dans la plaie.

Il est vrai que ces derniers jours, des arrestations ont été opérées au sein de l’armée guinéenne. Les intéressés relevaient tous du camp des partisans de l’ancien président, le capitaine Dadis Camara. Mais ces interpellations ont été brèves et la quasi-totalité des militaires a été remise en liberté. C’était là, d’ailleurs, on l’avait compris, un signal fort d’apaisement que choisissait de donner le gouvernement de Sékouba Konaté, en cette veille de la présidentielle guinéenne. A l’approche d’un évènement de cette importance, il vaut toujours mieux éviter de chercher inutilement noise et de pêcher en eau trouble. Les menaces du colonel Thiam sont d’autant plus incompréhensibles qu’elles s’occupent du drame du 28 septembre. Des commissions d’enquêtes ont été constituées, des procédures sont en cours, mais on se doute bien que ce n’est pas dans le laps de temps qui sépare aujourd’hui les Guinéens de la présidentielle, prévue pour se tenir dans une dizaine de jours, que se régleront toutes les questions relatives aux massacres de l’époque.

En bonne logique, c’est bien le nouveau gouvernement qui sera formé, à l’issue de la présidentielle du 27 juin qui devra en avoir la responsabilité. Et si d’aventure le colonel Thiam tenait vraiment à résoudre la question dès à présent, il aurait délibérément choisi de mettre la charrue avant les bœufs. Il pécherait alors par excès d’anticipation ainsi que par manque de prudence, puisque, normalement, tout chef d’état-major des forces armées qu’il est, son mandat à lui aussi, devrait prendre fin avec la tenue de la présidentielle à venir. « A César ce qui est à César » et les vaches seront bien gardées.

Le colonel, on est obligé de le dire, est presque coutumier de ce discours va-t-en guerre plutôt dévastateur. C’est bien lui qui promettait, il y a seulement quelque temps qu’on irait où il faut chercher et mâter qui de droit, parlant de ce qu’il considère comme des éléments incontrôlés de l’armée guinéenne. Visiblement, Nouhou Thiam a maille à partir avec des soldats de la grande muette. Et on comprend aussi qu’en tant que premier responsable de l’armée guinéenne, il se préoccupe de l’instauration d’une atmosphère de paix pour le bon déroulement du scrutin à venir. C’est de bonne guerre. Reste qu’il faut trouver la bonne manière. Car, le type de communication qu’en ce moment il manie, rappelle dangereusement l’époque de Dadis. Et le dire n’est pas élogieux à son endroit.

On peut néanmoins se réjouir que de pareils propos n’aient pas été tenus par le président par intérim, le général Sékouba Konaté. Car, assurément, ils auraient pris un autre relief et partant, d’autres proportions certainement plus dangereuses. A l’heure où la nation guinéenne, et l’Afrique avec elle, retient son souffle, croise les doigts pour qu’arrive et se passe dans la paix, ce premier scrutin vraiment démocratique dans ce pays, depuis plus d’un demi-siècle d’indépendance, plus que hasardeux, il est imprudent et dangereux de jouer les apprentis sorciers qui s’amusent à jeter de l’huile sur le feu. Car, étant donné les enjeux, le climat politique et social ainsi que toute l’atmosphère qui entoure ce scrutin présidentiel en Guinée, s’il existe bien des raisons d’espérer, au contraire, on ne sera jamais à l’abri de quelque malheureux incident qui vienne tout détruire et renvoie tout le monde à la case départ. Autant alors déjà s’en prémunir. Eviter dérives et écarts de langage fait partie de pareille stratégie.

"Le Pays"

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 20 juin 2010 à 22:29, par Mamadou Alpha En réponse à : GUINEE CONAKRY : La sortie inopportune du chef d’état-major

    Le colonel, connaissant bien l’armée guinéenne, son armée, sait parfaitement de quoi il parle et ne remue de couteau dans une plaie quelconque. Le colonel Nouhou n’est pas un va-t-en guerre mais entend faire régner l’ordre au sein de l’armée guinéenne. Ces mililaires indisciplinés et promus en grade de façon fantaisistes pas Dadis repondront à tous les crimes, principalement celui commis le 28 septembre à Conakry
    Moussa Dadis Camara ne représente plus rien en Guinée et ses partisans n’ont plus aucune parcelle de pouvoir.
    Merci de prendre note de cette donne.
    Bien à vous
    Mamadou Alpha depuis Genève

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique