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Côte d’Ivoire/RD Congo : Même "galère", mêmes misères

Publié le vendredi 27 août 2004 à 15h12min

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La résurgence de la crise congolaise et l’accalmie toute relative, observée par celle ivoirienne, alors que l’échéance capitale de 2005 pour les deux pays, se profile à l’horizon, permet d’établir un parallèle saisissant entre ces deux pays. Ce d’autant que tous deux sont des " poumons économiques" de leur région respective et que la fracture politique a pris naissance sur un terreau social malsain et une économie exsangue.

Le Congo de Joseph Kabila et la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo ressemblent à s’y méprendre, comme deux frères jumeaux. L’un comme l’autre président a été en effet "élu" dans des circonstances pour le moins troubles et complexes, ce qui préfigurait déjà ces crises politiques qui secouent leurs pays. Héritier par "défaut" du fauteuil de son père Laurent Désiré Kabila (dont les circonstances de la mort n’ont pas encore été élucidées), Joseph Kabila se bat depuis, pour contenir toutes les rebellions auxquelles son papa avait du faire face, et conférer ainsi une légitimité à son pouvoir. Une "quête" difficile, si tant est que les points de discorde n’ont pas été totalement aplanis en RD Congo.

Faut-il rappeler que tout comme les Forces nouvelles en Côte d’Ivoire, le Rassemblement des Congolais pour la démocratie, tendance N’Goma (RCD-N’Goma), en sus du contentieux politique, menait aussi un combat de légitimation si ce n’est de légalisation de sa base sociale. Celle-ci composée essentiellement des Congolais "rwandophones" ou Banyamulengués ou Banyarwandais (c’est selon) voyait sa "congolité" reniée par d’autres tendances politiques. La crise ivoirienne a éclaté pour cette raison aussi, l’ivoirité tendant à exclure du jeu politique une bonne frange de la population (les Nordistes principalement).

Au-delà du pouvoir, la conscience citoyenne

Le temps faisant son œuvre, l’exclusion socio-politique s’est exacerbée au point que le fait ethnique est devenu un élément fondamental dans le jeu politique. C’est ainsi qu’il n’est pas exclu d’entendre parler de "pouvoir katangais" pour désigner le régime de Kabila à "Kin la Belle", alors qu’Abidjan en écho parle du pouvoir des "Bétés-là" (sic).

Aux périodes d’accalmie après la signature d’accords (ceux de Sun City pour la RD Congo et ceux de Marcoussis puis d’Accra III pour la Côte d’Ivoire) succèdent des périodes de surchauffe. Car, les blocages institutionnels (textes de lois non adoptés), politiques (déclarations tendancieuses, combats de "chefs", manifestation de "patriotes") persistent.

C’est ainsi qu’Azarias Ruberois, leader du RCD N’Goma, a expliqué son retrait du gouvernement d’union nationale par le retard pris dans l’application de certains points des Accords de Sun City. On est mémoratif que dans un passé récent, Guillaume Soro, avait invoqué la même raison (non- application de Marcoussis) pour se retirer du gouvernement de Seydou Diarra.

L’ethnicisme, "enfant" de la colonisation fait donc des ravages sur le continent surtout dans les pays à fort potentiel économique (RD Congo, Angola, Nigeria, Liberia, Côte d’Ivoire). Des pays destinés naturellement à devenir les locomotives de leur région, sont donc devenus des "épaves" essoufflées qui luttent (maladroitement) pour leur survie. Au point que certains d’entre eux jadis classés pays intermédiaires (entendez entre les riches et les pauvres) en sont à demander leur "reclassification" en pays pauvres très endettés.

Un recul qui est symptomatique du mal profond que vit un continent, devenu un malade "perfusé" à intervalles réguliers, par une aide qui nourrit l’aide et donc la dépendance. Toutes choses qui amènent à s’interroger sur les schémas de développement adoptés jusque-là. Insérée mécaniquement dans la mondialisation qui plus est avec de nombreux handicaps résultant de son histoire douloureuse, l’Afrique est devenue un "sas" qui ne fait que consommer les produits venus d’ailleurs, pour ensuite les "évacuer" ou les jeter après consommation ou usage.

Périphérie d’un centre de plus en plus impitoyable, le continent perdure dans son "marasme" économique, social et en définitive, politique. La preuve qu’elle a oublié sa culture ou à tout le moins, ne veut pas ou ne peut plus l’intégrer et l’assumer. Car, tous les peuples qui ont marché sur la voie du développement avec leur culture chévillée au corps, se sont sortis (au prix de mille sacrifices) de la galère du sous-développement.

Il y a donc comme une urgence à nous "revivifier" en retrouvant notre âme. Après la théorisation du panafricanisme par les pères fondateurs de l’OUA (et avant eux, par des africanistes comme Williams Dubois, Marcus Garvey, Franz Fanon) et l’échec de sa mise en œuvre par la deuxième génération de nos chefs d’Etat, c’est le principal défi restant à relever par la troisième génération (l’actuelle) des princes qui nous gouvernent. Pour que les autres ne continuent pas à nous désigner de la main gauche.

Boubacar SY
Sidwaya

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