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Le bouillonnement culturel au Burkina manque souvent de ferment médiatique

Publié le vendredi 27 août 2004 à 15h41min

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Le Burkina Faso, pays des hommes intègres, est aussi un pays de culture. Depuis que le cap a été mis sur la valorisation d’une culture nationale riche du brassage des cultures des différentes nationalités, le Burkina est en effet devenu une référence en Afrique en matière de célébration et de promotion de son potentiel d’expressions culturelles et aussi celui des autres.

FESPACO , SIAO, SNC, FITD, FITMO, NAK, FILO, FEST’ARTS, RECREATRALES …sont autant de manifestations aux portes ouvertes aux pays de la sous région et même de toute l’Afrique.

L’existence de ces différents cadres et creusets de promotion culturelle est la manifestation d’une volonté politique demeurée constante au fil du temps qui a accompagné l’esprit d’initiative, la créativité et le dynamisme d’hommes et de femmes qui font vivre et perpétuent la culture nationale dans toutes ses facettes. L’Etat d’une part et les acteurs d’autre part semblent jouer leur partition avec plus ou moins de bonheur.

Les insuffisances dans un camp comme dans l’autre ne manquent pas. C’est la nature même de toute entreprise humaine.

La culture vit au Faso. Reste à savoir si elle se vit. Question apparemment surprenante mais qui se veut une interrogation sur les conditions d’une adéquation entre la production des biens et produits culturels et leur consommation. En effet le long chapelet de manifestations culturelles qui s’égrène suivant leur calendrier respectif semble parcourir le tissu social burkinabè comme une série de spasmes qui n’accrochent l’opinion que dans l’instant et l’espace de chaque événement qui bénéficie en la circonstance d’une forte médiatisation. Passé le temps du FESPACO, la passion pour le septième art africain s’estompe ; passée la période du SIAO, la fascination pour les objets d’art s’évanouie ; l’après la SNC replonge dans l’oubli les chants et danses traditionnels ; une fois le FITD et le FITMO rangés, les planches sont envahies par la moisissure… On pourrait en dire autant pour les autres manifestations. En somme, la question qui se pose est celle de l’effet de prolongement de ces manifestations nécessaire pour instaurer une culture de la culture.

Deux acteurs majeurs parmi d’autres peuvent et doivent intervenir à ce niveau : les entrepreneurs culturels au sens large qui doivent faire un travail continu, et les médias nationaux. Les premiers sont l’objet çà et là d’initiatives pour le développement de leur secteur. Ces initiatives qui vont de la formation à la mise en place de mécanismes de financements sont certes insuffisantes au regard des besoins, mais elles ont le mérite d’exister. Les seconds malgré un printemps prometteur que l’on constate depuis 1991 et de leurs efforts louables, vivent le paradoxe de ne pas toujours être outillés ou de ne s’être pas outillés dans cette chaîne de la promotion des arts et de la culture. Combien de médias burkinabè comptent en leur sein un desk, un service ou une cellule " culture " opérationnel à l’instar des volets politique, économie, société et surtout sport ? Des journalistes sportifs revendiquent même une rédaction à part dans certains organes. Qui sont les animateurs de ces cellules " culture " là où elles existent ? Des amoureux de la culture dans le meilleur des cas, animés donc pour la plupart par leur seule passion. Une bien fragile motivation quand on sait que la passion c’est ce qui manque à la presse actuelle elle-même. Un constat qui ne concerne pas que le Burkina. Un constat général comme le soulignait Françoise Giroud éditorialiste au Nouvel Observateur dans " Profession journaliste " (Hachette littératures).

Elle va plus loin dans son constat : " ce n’est pas à la presse qu’elle manque la passion, c’est la vie qu’elle a désertée. "

Même si la passion existe, où peut-on la mettre aujourd’hui au quotidien à part dans la politique ou dans les sports ? Si tant est que le journalisme ne prenne que le pouls de la société, ceci pourrait explique cela. Le chalenge est donc là. Ne pas faire du traitement de l’actualité culturelle un phénomène épisodique voire événementiel. Avec un peu de volonté on pourra toujours répondre à la question " quoi de neuf ? " pour alimenter une rubrique ou pour une émission régulière. Le contenu des médias burkinabè est loin de refléter la vitalité et la richesse culturelles du pays et d’être le ferment de ce bouillonnement culturel.

Pour relever le défi, les journalistes culturels, si au moins l’espace leur est accordé, devront nécessairement aussi se mettre à " l’école du spectateur ". En effet, le théâtre, le cinéma, la musique, la danse, la littérature ont besoin de critiques d’art pour décrypter les contenus et les rendre accessibles au public. Cette fonction de courroie de transmission est indispensable pour le créateur qui ambitionne de s’améliorer et pour le public qui veut qu’on lui fournisse des clés de " lecture " pour comprendre et apprécier. A la dernière édition de la SNC, les gens de lettres ont déploré à juste titre le manque d’émissions littéraires. L’encre de " Interlignes " s’est asséchée à la télé. La parole de " Kumakan " s’est tue à la radio. Lors du tout récent atelier sur la relance du cinéma burkinabè organisé par l’Union nationale des cinéastes du burkina (UNCB) la question de la promotion du 7 è art par les médias est aussi revenue sur le tapis. Même " ça tourne " tourne au ralenti à la chaîne du plaisir partagé.

Une consolation tout de même, le secteur de la musique semble échapper à la morosité tant sur antennes des médias publics que sur celles des stations privées même si dans la plupart des cas les émissions servies relèvent plus de l’animation que de l’investigation. Il est indéniable que cette relative effervescence médiatique contribue à entretenir l’engouement pour les courants musicaux actuels et à façonner de ce fait les goûts. Ce n’est point un secret que les moyens de diffusion et de communication loin d’être des moyens complètement neutres déterminent les modes de penser, d’agir et de sentir de la société. Un phénomène que résume si bien un psychologue américain, Bernard Berelson, à savoir que " certaines sortes de communications sur certaines sortes de sujets portées à la connaissance de certaines personnes, dans certaines sortes de conditions, ont certaines sortes d’effets. " C’est un autre débat.

La synergie entre la culture et la communication est donc un impératif pour créer des habitudes de consommation des biens et produits culturels. Plus que l’information factuelle, ce que les acteurs culturels attendent des médias c’est une action de promotion soutenue. Il ne s’agit point d’un plaidoyer pour un " tout-culture " mais un appel à un équilibre minimum face à la tendance au " tout-politique " et au " tout-économique " qui nourrissent l’esprit et laissent l’âme à jeun. Dans cette synergie recherchée les acteurs culturels ont aussi le devoir de faire l’actualité pour que le traitement des sujets culturels ne soit pas épisodique. On est souvent tenté de se demander ce qui est fait en dehors des grands rendez-vous. Pas grand chose souvent. De nombreux acteurs culturels toutes disciplines confondues s’investissent en fait dans une activité qui correspond à leur loisir ou par vocation. Passé le moment des grandes représentations pour lesquelles ils ont crée quelque chose, c’est tout naturellement qu’ils se retournent vers leurs occupations dites " normales " hors des feux de la rampe. La presse ne peut combler ce vide.

Quant aux rares professionnels qui peuvent travailler à longueur d’année, leur problème est tout autre et mérite d’être souligné. C’est l’accès aux médias. Qu’ils soient publics ou privés les organes de presse subordonnent la couverture médiatique à un paiement ! La recherche de l’information pour l’information ne fait plus recettes. Dans le milieu on parle de " reportages juteux ". Ils se disputent l’espace rédactionnel quand ce n’est pas la Une. En l’absence de véritables industries culturelles pouvant dégager des budgets de communication substantiels, le secteur de la culture ne peut que manquer de visibilité.

Pourtant, les médias eux-mêmes en dernière analyse pourraient contribuer à l’émergence et à la consolidation d’industries culturelles au Burkina dont ils pourront en fin de compte tirer bénéfice. En effet, la promotion des activités culturelles peut favoriser la naissance de marchés locaux. Mieux, elle peut faciliter l’accès des biens et produits culturels burkinabè au marché mondial et aux circuits de distribution internationaux. Une performance naturellement à la portée du " quatrième pouvoir ".

Baba HAMA
Conseiller de presse et techniques de l’information,
Délégué général du FESPACO

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