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Benjamin Traoré, concessionnaire de chasse : « Chasser, ce n’est pas seulement tuer »

Publié le vendredi 27 août 2004 à 15h50min

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M. Benjamin Paul Traoré est concessionnaire et guide de chasse. Faisant partie de la caste des chasseurs, il a été initié par son père dès l’âge de dix ans. Il est aujourd’hui propriétaire d’une zone de chasse, de pêche et de tourisme de vision : la « Tapoa Djerma Safari ».

Rencontré lors de la réalisation d’un dossier sur la chasse aux roussettes, qui paraîtra dans l’Observateur Dimanche de la semaine prochaine, il parle dans cet entretien, de la chasse et de son expérience de chasseur.

Quelles sont, selon vous, les qualités que doit avoir un chasseur ?

D’abord être en bonne santé, ensuite et surtout, aimer le sport. La chasse demande beaucoup d’efforts. Le chasseur, contrairement à ce que pensent les gens, ce n’est pas celui qui tire sur tout ce qui bouge. Il y a ce plaisir de marcher, de pister, de chercher l’animal et de choisir la bête qui vous convient.

D’aucuns disent qu’il faut également disposer de certains pouvoirs occultes !

(Rires). Enfin ! Peut-être qu’il faut pour certains, une certaine protection. Il y en a qui y croient. D’autres pas.

Quel est votre plus beau souvenir de chasse ?

Mon premier buffle au parc de Nazinga. J’étais très heureux, car c’était la première fois que je tire sur une grosse bête. Nous l’avons traqué pendant quatre jours. Un jour, vers 17 heures, au détour d’une colline, on a vu le troupeau. J’ai choisi la grosse bête qui me convenait.

Et votre plus mauvais souvenir ?

Le jour où j’ai été attaqué par un buffle à « Tapoa Djerma ». C’était le 20 décembre 98. On était allé voir un aménagement sur le bras du fleuve Tapoa. Nous avons tiré sur ce buffle. Le croyant mort, je me suis approché. Il m’est rentré dedans. Il m’a chargé et je suis tombé à 25 mètres de lui sur mon dos. Il m’avait complètement déshabillé. Il ne me restait plus que mon pistolet Magnum 44 à la ceinture. C’est ce qui m’a sauvé. Dans la lutte avec le buffle, j’ai pu enlever l’arme et j’ai tiré sur lui.

Il y a des trophées de coba et de buffle accrochés à la réception de votre bureau. Est-ce à dire que vous ne vous intéressez pas au lion ?

Pour les nationaux, le lion n’est pas une bête rentable. Ici on préfère tuer des bêtes qui ont suffisamment de viande. Concernant le lion, on préfère laisser cela aux touristes blancs pour les trophées. Ce qui les intéresse, c’est par ailleurs la graisse, le foie et les griffes, considérées par certains comme aphrodisiaques.

Vendez-vous le gibier lorsque vous revenez de la chasse ?

Non ! Nous avons dépassé ce stade. Tu nous connais très bien. On ne vend rien ! C’est surtout le plaisir qu’on tire de cet exercice qui est important. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on y gagnerait ? Un exemple : pour notre dernière chasse aux roussettes, nous avons payé cent mille francs de cartouches, quinze mille de carburant ; sans parler des autres dépenses en cours de chemin. A combien allez-vous vendre ces chauves-souris pour rentrer dans vos fonds ? L’important pour nous, c’est d’avoir changé de climat. Nous sommes allés en brousse et nous avons profité de l’air pur. Nous avons fait le sport du matin jusqu’au soir. C’est fantastique !

A vous écouter, faire la chasse ne semble pas être une partie de plaisir pour les paresseux !

Naturellement. Concernant le buffle, vous pouvez partir à deux ou trois personnes. Le chasseur, le pisteur et le porteur. Il faut chercher les traces fraîches du buffle le matin de bonne heure. Généralement au niveau d’un point d’eau. Vous devez remontez ces traces. Le troupeau peut se trouver à trente, quarante minutes ou une heure d’avance sur vous. Il faut suivre prudemment ces traces. Le pisteur entre donc en jeu. Il faut beaucoup marcher pour le rattraper. Cela ne peut pas se faire en véhicule. La chasse en voiture n’est pas permise.

A chaque fois que vous voyez un animal, vous devez descendre du véhicule et faire l’approche. Le plus souvent, vous avez affaire à un troupeau. Il faut donc identifier l’animal sur lequel on doit tirer. Pour rendre difficile sa chasse le buffle prend le sens contraire du vent. Le chasseur a donc intérêt à prendre le sens du vent contraire. Il est possible de vérifier le sens du vent, rien que par la fumée de cigarette. Pour faire la chasse, il faut donc beaucoup d’intelligence, de courage et de volonté. Et c’est le résultat de toutes ces attitudes qui fait le plaisir. On est content parce qu’on a fait une bonne approche de l’animal.

Le chasseur n’est-il pas souvent victime de la dangerosité de certains animaux ?

Il n’y a pas d’animaux dangereux. Le lion qui est couché n’a pas de problème. C’est quand on le provoque qu’il devient agressif. Le buffle, bien qu’étant animal, sait que le chasseur le guette. Dès qu’ils se rencontrent donc, c’est lui ou le chasseur. Une fois blessé, il est encore plus agressif. Pour cela, quand vous tirez sur un animal, vous êtes tenu de l’achever. Coûte que coûte !

Une fois, nous avons suivi un buffle du matin jusqu’à 15 heures. Dès 4 heures du matin, nous avons commencé à le pister. A 6 heures, on a vu le troupeau. Nous avons tiré. Alahu akbar ! Yel waya ! (ndlr : expressions signifiant qu’une situation se complique). Malgré les sept balles que l’on a tiré sur lui, il continuait de courir comme si de rien n’était. Le poursuivant en tirant, nous nous sommes retrouvés à 25 kilomètres de notre véhicule. Nous n’avons pu l’achever. Au retour, tout le monde était épuisé. Nous n’avions plus d’eau. Nous étions obligés d’enlever les racines d’un arbre pour en boire le suc. Le lendemain, on est allé à la recherche du buffle.

Préparez-vous une relève ?

Dans la chasse, on ne prépare pas de relève. Cela vient naturellement. L’enfant qui grandit s’y intéresse un jour. C’est vrai que je suivais mon papa. Mais je ne participais pas ; je ne faisais qu’observer. Un de ses quatre matins, je me suis payé un calibre 12. J’ai commencé à tirer sur les francolins à Kombissiri. Petit à petit, cela m’a plu. Les gens ne savent pas ce que c’est que la chasse. La chasse, ce n’est pas tuer tout de suite. C’est le parcours adopté pour être en face de l’animal qui fait plaisir. Du début à la fin. Sur le sable, le gravier, le chasseur voit et interprète les empreintes laissées par l’animal. Mais pas le néophyte, non ! Il se demanderait ce que l’on recherche depuis longtemps. Après mille précautions, tu remontes pendant une heure. Tu vois le troupeau et tu choisis la bête qui te convient. C’est ça, le plaisir de la chasse.

L’Observateur Paalga

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