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EL BECHIR INDESIRABLE EN OUGANDA : La volte-face suspecte de Museveni

Publié le jeudi 10 juin 2010 à 00h16min

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Yoweri Museveni

Omar El Béchir est véritablement un veinard. Le chef de l’Etat soudanais sera le bienvenu en juillet prochain à Kampala où se tiendra le 15e sommet de l’Union africaine (UA). En effet, le gouvernement ougandais qui l’avait traité d’indésirable, vient de faire volte-face. L’Ouganda revenu sur sa décision, c’est à n’y rien comprendre ! Par communiqué officiel, on apprend en effet que l’invitation adressée au président El Béchir à venir participer au prochain sommet de l’Union africaine daterait même du 17 mars 2010, soit près de trois mois ! Sans doute cette invitation est-elle la même que celle destinée à tous les Etats membres de l’UA ?

En sa qualité de pays hôte du sommet, l’Ouganda est supposé inviter tous les Etats membres. A l’exception toutefois de ceux qui avaient été suspendus par l’Organisation panafricaine. Le hic, c’est que le pays de Museveni est aussi signataire du Traité de Rome. Il est donc légalement tenu de mettre en œuvre le mandat d’arrêt lancé à l’encontre du président Béchir en 2009.

En marge des récents travaux de la Cour pénale internationale à Kampala, le président Museveni s’était entretenu avec le président de la Cour. Suite à cet entretien, il avait fait publier un communiqué indiquant que le président soudanais n’était pas invité au prochain sommet de l’Union africaine. Une déclaration qui avait indigné les Soudanais. Le porte-parole des Affaires étrangères avait alors exigé durant le week-end que la présidence ougandaise revienne sur sa déclaration.

En outre, des excuses publiques devaient être adressées au peuple soudanais. Dans le cas contraire, les dirigeants de Khartoum entendaient demander à l’Union africaine de tenir le sommet en question dans un autre pays. Ces menaces semblent avoir bien pesé puisque le chef de l’Etat ougandais a préféré tourner les talons. Pourquoi un tel revirement ? Dans le communiqué rendu public, le ministère ougandais des Affaires étrangères, a feint d’ignorer le communiqué émis par la présidence soudanaise. Il reste que le retournement de veste opéré par le chef de l’Etat ougandais rend perplexe. Avait-il ou non le choix devant les menaces proférées par les Soudanais ?

Le changement de stratégie viserait-il à endormir El Béchir pour le cueillir au moment opportun ? Cela paraît fort hasardeux, le chef de l’Etat soudanais n’étant pas né de la dernière pluie. Le risque en serait grand pour les Ougandais qui font frontière avec ce pays dont les dirigeants sont reconnus fort belliqueux. Kampala a peut-être voulu préserver les liens de bon voisinage surtout qu’elle fait face sporadiquement à la rébellion armée de Joseph Koni l’illuminé. Par ailleurs, il apparaît tout aussi dangereux de mettre le grappin sur El Béchir à l’occasion d’un sommet de l’UA. On sait à ce propos la tiédeur, la réserve voire la réticence qui prévaut au sein de l’Organisation quant à l’éventualité de procéder à l’arrestation d’un chef d’Etat membre en exercice.

Même mourant, le puissant syndicat des chefs d’Etats abdiquera toujours très difficilement face à une telle requête. Principe de solidarité oblige ! Museveni, dans ses déconvenues avec sa rébellion armée, n’a aucunement intérêt à se mettre à dos certains de ses pairs en l’occurrence les voisins. Par ailleurs, nul n’ignore que la CPI est beaucoup critiquée pour avoir sur son tableau de chasse plus de dirigeants et personnalités du continent africain que d’ailleurs. La stratégie peut aussi consister à inviter officiellement El Béchir, ce dernier réconforté se faisant alors représenter en toute dernière minute à la rencontre au sommet. L’astuce a un double avantage : éviter d’humilier le chef de l’Etat soudanais, et tirer ses hôtes ougandais de l’embarras. A l’exemple du récent sommet France-Afrique de Nice où l’homme fort de Khartoum s’était fait représenter par une délégation de haut niveau.

A Nice comme à Kampala, le président Omar El Béchir, reste toujours accusé par la CPI d’avoir supervisé et couvert les crimes contre les populations du Darfour. Quoi qu’il en soit, M. Museveni se trouve aujourd’hui plongé dans un embarras profond. Son pays était récemment l’hôte de la première Conférence de révision du Statut de Rome. Une rencontre destinée à fixer les règles de fonctionnement de la Cour pénale internationale. La présence de la CPI a-t-elle pesé dans les prises de décision de la présidence ougandaise ?

Toujours est-il que le jeu diplomatique auquel s’adonne Kampala ne paraît nullement innocent. A l’évidence, les autorités ougandaises ont fait l’objet de pressions extérieures. On le voit, la volte-face inattendue de Kampala montre bien que le dossier El Béchir n’est pas si facile à traiter. Encore une fois, le destin semble jouer en faveur du chef de l’Etat soudanais décrié et pourchassé à travers la planète. Pendant encore combien de temps parviendra-t-il à échapper à ses poursuivants ? Jusqu’à quand El Béchir réussira-t-il à ruser, à exploiter les divergences entre dirigeants africains ou entre organisations de la communauté internationale ? En attendant le dénouement de cette affaire, la probabilité est forte de voir l’ombre du chef de l’Etat soudanais planer sur les travaux de l’UA. Cela, qu’il y soit présent ou pas.

"Le Pays"

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