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Pr Filiga Sawadogo, DG des impôts : Une nomination qui rassure

Publié le mercredi 9 juin 2010 à 00h27min

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Nommé en Conseil des ministres, Directeur général des impôts, c’est aujourd’hui que Filiga Michel Sawadogo sera installé dans ses nouvelles fonctions. Le nouveau patron des impôts n’est pas un inconnu du domaine. Il possède bien d’atouts qui semblent avoir justifié sa désignation.

Jamais une nomination du gouvernement Tertius Zongo n’a laissé autant perplexe : celle du Pr Filiga à la direction générale des impôts. Ceux qui pensent que ce spécialiste du droit privé est un corps étranger dans le monde complexe de la fiscalité et que ses chances de succès sont quasi inexistantes doivent reviser leur position. Et pour ceux qui connaissent l‘homme, le tout est de réussir à passer du théoricien habitué des amphithéâtres à l’homme de terrain.

Filiga Michel Sawadogo arrive à la tête des impôts dans un contexte où le Premier ministre avait promis des appels à candidatures pour les postes des grosses institutions et sociétés d’Etat. Même s’il n’y en a pas eu, l’envergure technique de l’homme et la probité qui le caractérisent permettent d’espérer. S’il y a un nom dont l’évocation suscite respect et estime, c’est bien celui du Pr Filiga Michel SAWADOGO. Ce respect mérité, il le doit à deux qualités essentielles : son savoir et sa probité. Agrégé de droit privé en décembre 1991, il est professeur titulaire depuis 1995.

Il a publié de nombreux ouvrages dont certains titres sont des références : "Droit fiscal burkinabè" (1ère éd. 1991, 2e éd. 2004, en collaboration avec M. Dembélé) ; "Droit OHADA des entreprises en difficulté" en 2002 ; "Instruments de paiement et de crédit dans l’espace UEMOA" (2008). Il a participé à la rédaction de l’ouvrage collectif : « OHADA : Traité et Actes uniformes annotés et commentés » (1ère éd. 1999, 2e éd. 2002, 3e éd. 2008).

A ces ouvrages, il convient d’ajouter les nombreux articles et notes en droit commercial, en droit civil, en droit des entreprises publiques, en droit fiscal, en droit social, en droit judiciaire et en droit pénal... dans la Revue Burkinabè de Droit et dans des revues internationales comme la Revue belge de droit international et de droit comparé.

Ce sont ces différentes publications qui ont aussi construit sa renommée internationale. Si de nombreuses personnes le connaissent, c’est parce qu’il a été leur professeur. Il donne en effet des enseignements dans différentes matières de droit privé et des affaires, de droit fiscal à l’UFR Sciences Juridiques et Politiques, dans d’autres universités ou institutions de formation.

Il assure des formations ponctuelles dispensées au Burkina et à l’étranger dans le domaine du droit des affaires OHADA, notamment à l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA). Mieux, depuis 2009 il est le Président du Comité technique spécialisé (CTS) des Sciences juridiques et politiques, une institution de laquelle dépend la promotion des enseignants-chercheurs de droit. Il a été (pendant 5 ans) Recteur de l’Université de Ouagadougou jusqu’à l’avènement de la refondation en 2000.

L’homme de Ritimgninga, Commune rurale de Tikaré, Province du Bam, n’arrive pas aux impôts en terrain inconnu. Il connait le sujet, il connait le contexte, il connait aussi les hommes (du moins certains) pour les avoir formés. On peut lui reprocher de ne pas être du corps des impôts. Ce qui, de prime abord, peut paraître comme un désavantage pour le poste qu’il occupe désormais peut s’avérer une qualité pour s’élever au dessus. Tout sera dans le management des ressources humaines. On peut parier que c’est l’homme de la situation.

Outre ses qualités techniques et managériales avérées et non surfaites, les Burkinabè qui sont inquiets pour leurs deniers toutes les fois qu’arrive un nouveau DG à des postes aussi juteux, peuvent se rassurer. Ouagadougou qui vit de rumeurs et de bruits divers, fondés ou pas, n’a jusque-là pas fait écho d’un forfait commis dans l’exercice de ses nombreuses fonctions par le nouveau DG des impôts. Il est probe et intègre. Et c’est là où le bat peut blesser.

Beaucoup de gens surpris par la nomination du Pr Sawadogo se sont demandés où le Président du Faso, le Premier ministre, et le ministre des finances veulent en venir avec un tel choix ? Le choix d’un homme intègre, très croyant, pour diriger une barque dans des eaux troubles et boueuses d’une marre à caïmans ? S’engagent-ils sincèrement et honnêtement dans l’assainissement du milieu ou recherchent-ils un faire-valoir ?

L’avenir nous le dira. Tout le monde sait en effet qu’au Burkina, ce qui pose problème c’est le civisme fiscal des grandes entreprises et non celui des petites et moyennes entreprises ou le secteur informel. Les promoteurs de ces PME et PMI sont traqués à longueur de journée sans que le Burkina se porte mieux. C’est ceux qu’on ne traque pas, parce qu’on a peur de les traquer, parce qu’ils ont des « parachutes dorés » ou parce qu’ils ont des tuteurs, qui ne reversent pas les différentes taxes, et y a rien.

Ces crimes économiques ne sont pas seulement imputables à la corruption des agents des impôts ; loin s’en faut. C’est souvent parce que dans chaque grosse entreprise incivique, se trouve un homme supposé fort du système au pouvoir. Ces sociétés dont les dirigeants sont le plus souvent des prête-noms, ces entreprises dont la plupart des actions sont anonymes tuent à grand feu l’économie burkinabè.

Si c’est conscient de cela que les dirigeants du pays ont choisi un homme intègre et compétent pour aider à assainir, alors ils ont eu raison. Il restera à lui donner les moyens politiques de son action. Dans ce cas, corrupteurs et corrompus, prenez garde, le vent est défavorable car si le DG des impôts lui-même est hostile aux dessous de table, les agents réfléchiront par deux fois avant de se laisser aller. Entreprises sangsues des taxes et autres impôts, payez car votre parrain, votre protecteur tapis dans l’ombre restera injoignable parce qu’il ne comprendra pas lui-même ce qui lui arrive.

La nomination du Pr Filiga Michel Sawadogo en Conseil des ministres le 26 mai 2010 marque certainement un tournant.

Emmanuel P. BAGORO

(Collaborateur)

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