LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Exploitations fauniques de Pama : Entre barrissements d’éléphants et lamentos d’exploitants

Publié le vendredi 21 mai 2010 à 03h39min

PARTAGER :                          

Les 17 et 18 juin 2010, le ministre de l’Environnement et du Cadre de vie, Salifou Sawadogo, a effectué une tournée dans deux concessions de chasse situées à Pama dans la province de la Kompienga. Il s’agissait de la Zone présidentielle de tourisme cynégétique et de celle de Lazare Tapsoba, à quelques kilomètres de la frontière du Bénin. Un séjour qui a permis de toucher du doigt les difficultés rencontrées et les attentes des concessionnaires dans ce genre d’activités.

Le MI-17 immatriculé BF-9202 de la base aérienne. Beaucoup de journalistes connaissent cet hélicoptère pour l’avoir emprunté pendant certaines missions ministérielles. Passe encore l’absence de confort (c’est avant tout un avion militaire) ; mais une fois dans l’habitacle, le bruit infernal du moteur et les secousses dans la carlingue quand l’oiseau de fer s’arrache du sol a de quoi ébranler plus d’un flegmatique. C’est à bord de cet engin que le ministre de l’Environnement et du Cadre de vie, Salifou Sawadogo, avec à ses côtés les membres de sa délégation, ont quitté la Base militaire 502 aux environs de 11 heures, pour rejoindre Pama.

Une heure et demie de vol plus tard, les trois cents kilomètres sont avalés et voici les visiteurs qui s’extirpent du ventre de ce volatile métallique pour être aussitôt accueillis à l’entrée du campement présidentiel par les gestionnaires des lieux et les autorités de la province de la Kompienga. A l’origine, la zone cynégétique de Pama Centre-Nord est née d’un morcellement de la réserve partielle de Pama qui a été classée en 1995.

Concédée à la société CO.DE.BA. de 1989 à 1995, elle été rétrocédée à la présidence du Faso en 1997, afin de surtout marquer l’implication de l’Etat à la mise en œuvre de la réforme de la gestion des ressources fauniques intervenue dans le pays en 1996. Le domaine, c’est 83 405 ha de verdure, de points d’eau et d’animaux sauvages. Pour ceux dont les mesures agraires étaient la terreur à l’école primaire, il faut parcourir environ 40 kilomètres pour rallier les deux extrémités les plus distantes du parc. La concession qui porte bien son nom ne met pas beaucoup l’accent sur le côté lucratif.

Elle a trois objectifs spécifiques qui en disent long sur la philosophie de sa création : assurer une autonomie de l’Etat dans la gestion de ses hôtes de marque, dans des conditions de quiétude et de sécurité mieux organisées, accompagner le ministère chargé de la faune dans la protection et l’aménagement des aires touristiques, contribuer à vendre l’image du parc (marketing des ressources cynégétiques) par le canal des invités de marque, opérateurs ou passionnés du tourisme cynégétique de pays amis. Cependant, la concession a beau être présidentielle, elle fait l’objet de multiples braconnages, comme les structures du même genre d’ailleurs.

En attestent, de 1997 à nos jours, les 201 délinquants appréhendés (160 pour braconnage et 41 pour pacage). Et comme il fallait s’y attendre, le premier responsable des Infrastructures de la présidence, Jacques Boukary Niampa, en bon Yadéga, n’est pas passé par quatre chemins - après l’eau de l’étranger bien sûr - pour interpeller l’hôte de marque sur l’urgence de la situation, surtout que restent vivaces dans sa mémoire, les images de la récente découverte de ce charnier composé de 19 bêtes abattues et dépecées en pleine brousse par des braconniers.

Pire, dans le lot, figuraient des espèces totalement protégées. « C’est un problème que nous vivons 24 heures sur 24 et il y a des cas où les braconniers sont plus armés que nos surveillants », s’est-il écrié. Le plus regrettable, a poursuivi le maître des lieux, c’est que certains braconniers sont approvisionnés en armes et en munitions par des gens de la ville, notamment des travailleurs bien placés dans l’Administration et le monde des affaires.

50 000 FCFA d’amende après avoir tué un lion !

Avec un peu de chance, ces impitoyables tueurs sans foi ni loi qui baissent souvent le canon en direction des surveillants, sont arrêtés. Une procédure judiciaire est enclenchée. Là encore, un écueil de taille ! Quelques jours ou mois plus tard, ils sont libérés après avoir versé une caution dérisoire. Certains ont même le culot de revenir dans le campement pour narguer les occupants. A titre d’illustration, pour avoir tué un lion, un braconnier a été libéré après deux mois de prison et le paiement d’une amende de 50 000 FCFA.

A cette évocation, Jacques Niampa, par ailleurs maire de la commune de Titao dans la province du Lorum, de s’indigner. « Vous imaginez ? Pour chasser le lion, les touristes déboursent au bas mot la somme de 10 millions. Souvent, ils n’en trouvent même pas et il n’est pas question de remboursement. C’est la règle du jeu. Ils ne s’en plaignent pas et promettent de revenir l’année prochaine. Et voici des hors-la-loi qui sont libérés par la Justice après avoir seulement payé 50 000 FCFA ! ». Réaction du premier responsable de l’Environnement après la visite de terrain.

« Nous saluons cette initiative qui vient de la première personnalité du pays. C’est une invite au respect et à la protection des ressources fauniques afin que la biodiversité soit une réalité au Burkina. J’étais venu ici il y a un an et je constate qu’il y a une évolution en matière d’infrastructures. Des points d’eau ont nouvellement été installés, la plupart approvisionnés en énergie solaire. Il y a surtout cette digue qui vient d’être faite et qui va retenir une grande quantité d’eau. Nous sommes certains que lorsque vous reviendrez ici dans un an, il y aura de l’eau en permanence.

Sans nul doute qu’il y a d’autres installations nécessaires comme les salines, mais le premier élément pour retenir les animaux reste l’eau. Il faut le dire également, la surveillance est bonne. Malheureusement, la gestion faunique des lieux expose au braconnage. C’est la mauvaise face de la médaille et nous luttons au sein du ministère pour que les choses évoluent positivement. Nous avons bon espoir. Foi du ministre Salifou Sawadogo, une grande révolution est en train d’être instaurée au sein du département pour une gestion plus professionnelle des réserves fauniques.

Le contrat sera désormais de 20 ans, au lieu de 10, et un suivi régulier sur le respect du cahier des charges sera effectué. Déjà pour l’obtention des prochaines licences, l’appel d’offres est des plus exigeants. Ces mesures seront en vigueur pour l’avenir. Pour le passé, et au vu de certains résultats de gestion, des concessionnaires se verront dépossédés de leurs titres. Tout n’a pas été rose chez certains en effet. Autres lieux, autres problèmes donc. La principale préoccupation dans la concession de chasse appartenant à Lazare Tapsoba (à moins de cinq kilomètres de la frontière avec le Bénin), c’est le manque de réserve d’eau.

Et qui dit absence de ce liquide précieux dit désertion d’animaux sauvages naturellement. Un tour sur les lieux confortera les visiteurs à cette évidence. La digue de la principale réserve a cédé et une randonnée à travers les pistes ne permettra d’apercevoir que quelques bestioles esseulées. Confession de celui qui est affectueusement appelé le Vieux Lazare (il vient de fêter ses 73 ans). « Pour vous dire la vérité, rien n’a marché pour moi durant cette campagne. J’ai fait moins de 20 clients venus de l’étranger ».

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Changement climatique : La planète envoie des signaux